mercredi 28 février 2018

Corruption en Inde

Il est difficile de concevoir le niveau que la corruption a atteint en Inde. Il ne s'agit même plus d'acheter les principaux gouvernants. On ne distingue plus gouvernants et hommes d'affaire. Ils font les lois qui leur conviennent. Il y aurait toujours eu des liens étroits entre l'Etat et l'entreprise. Mais ce serait la libéralisation des années 90 qui aurait transformé l'ampleur du phénomène. Les enjeux étaient tels, l'Etat vendait ses services, que les grands moyens ont été employés.

Le plus surprenant est que la société n'ait pas totalement sombré. Une partie de la population, de l'administration, de la justice... résiste. Et ce au péril de sa vie. (Article.)

Mystère de la nature humaine ? La médiocrité la plus abjecte côtoie le désintérêt le plus noble. Peut-être aussi qu'une société est construite sur quelques principes acceptés de tous. Et ce seraient eux qui assureraient sa résilience ?

Vérités alternatives

Je n'avais par réfléchi à ce que signifiaient les "alternative facts" américains. Pierre Rosanvallon les explique ainsi, si j'ai bien compris : une partie de la population doute de ce qu'on lui dit. Elle pense donc qu'il doit y avoir d'autres faits que ceux qu'on lui présente.

Comme aurait dit Laurent Fabius, du FN, ce serait une mauvaise conclusion tirée d'un bon diagnostic. Il est certain que les grandes théories n'ont pas été suivies des effets escomptés. Il y avait donc erreurs de raisonnement. Pas besoin de parler de la guerre d'Irak pour le constater.

Au lieu de railler ceux qui ne savent pas manier la parole, les virtuoses du verbe feraient bien de s'interroger sur ce qui a fait dérailler leur pensée. Exercice professionnel sain. Et qui éviterait aux premiers de tomber dans les bras de charlatans.

mardi 27 février 2018

Parole d'entrepreneur



Quelle a été votre pire expérience ?
J'essaie de répondre. Brièvement.

(Et j'en viens à me demander si "pire expérience" n'est pas la définition même de mon métier.)

Intermittent

Rencontre avec un réalisateur qui travaille pour l'entreprise. Je l'avais pris pour quelqu'un de ma sorte, un consultant. Mais c'est un intermittent. Bien sûr, il pourrait monter une société, il a d'ailleurs beaucoup de clients, mais c'est un peu incertain. Il préfère être salarié.

Cette anecdote m'est revenue en tête récemment. La radio disait qu'il y avait peu de gens qualifiés en France, et que ceux qui ne l'étaient pas étaient lourdement pénalisés par le coût des charges sociales. Ne serait-il pas temps de mettre un terme à une de leurs causes : le régime des intermittents ?

Mais j'ai aussi pensé que ce réalisateur avait du talent. Et si c'était le noeud du problème ? Si ce talent était payé correctement, il n'y aurait peut-être plus besoin d'intermittence. Mais c'est peut-être l'intermittence qui retire à l'artiste l'anxiété de survie qui lui ferait défendre son talent ?

lundi 26 février 2018

Banalité du mal

Le psychiatre Daniel Zagury a vu pas mal de criminels. Son expérience confirme la théorie d'Hannah Arendt. Les grands criminels ne sont pas des êtres d'exception. C'est la "banalité du mal".

Il y a tout de même des prédispositions : le vide de la pensée. Dans un article, D. Zagury dit : "les candidats à la barbarie semblent en effet se caractériser par l’absence d’empathie au-delà de leur cercle étroit, la volonté de pouvoir et le défaut d’une pensée vivante, irriguée d’affects et ouverte au jeu des instances internalisées. Ces dispositions sont relayées par toute une série de processus transformatifs encouragés par le contexte socio-historique."

Pourquoi s'intéresse-t-on toujours aux "candidats à la barbarie", et jamais aux responsables du "contexte socio-historique" ?

Obnubilé

Etre obnubilé par une idée. Je pensais que cela signifiait avoir une idée fixe. En fait, il faut entendre "avoir l'esprit faussé". L'idée nous égare. Elle est une (brève) folie. Le sens originel est "couvert de nuages". A Paris, le ciel est obnubilé ?

Mon erreur explique peut-être comment les mots changent de sens. On ne les apprend pas dans le dictionnaire, mais on déduit ce qu'ils veulent dire des phrases dans lesquelles ils sont inclus. D'ailleurs, on ne peut pas non plus les apprendre dans le dictionnaire. Leur emploi correct est une question de pratique, de "bon usage", comme disait Grevisse. Le ciel de Paris y a perdu un qualificatif.

dimanche 25 février 2018

Auteur et oeuvre

Faut-il considérer une oeuvre, sans s'occuper de son auteur ? (Débat entre Proust et Sainte-Beuve.) Je pense que cela sous-entend que l'oeuvre a une signification universelle. Or, il me semble qu'elle est éminemment liée à la culture qui l'a créée. Nous pouvons être touchés par la production d'une culture qui ne nous est pas familière, mais c'est parce que nous projetons sur elle nos fantasmes. C'est ce qui est arrivé à Sade en 68.

Bien sûr, il est possible que certains enseignements passés soient toujours valables. C'est le cas des travaux de philosophie, qui nous servent encore à formuler notre pensée. Cependant, pour les comprendre, il faut faire un travail d'exégèse compliqué, du type de l'exercice qui est à la base de l'anthropologie.

(Proust : "un livre est le produit d'un autre moi que celui que nous manifestons dans nos habitudes, dans la société, dans nos vices".)

Management

Qu'est-ce que manager ? Je crois que cela a deux composants.

Tout d'abord c'est savoir utiliser l'irrationalité. L'homme est naturellement irrationnel. Ce qu'il fait est "idiot". En fait, c'est idiot par rapport aux lois sociales. Pourquoi, par exemple, prend-on un rond point par la droite, alors qu'il est plus court d'aller à gauche ? Mais pas dans l'absolu. Le manager sait comprendre la logique de l'individu, et bâtir autour d'elle un environnement qui va faire que son comportement sera rationnel, c'est à dire prévisible. Il sait exploiter les talents, et éviter les conséquences de leur contre-partie.

Ensuite, c'est savoir traiter les "déchets toxiques". Utiliser l'irrationalité, ce n'est pas tout permettre. Le manager est le représentant de l'intérêt collectif. Il doit le faire respecter. Les horaires, par exemple. Ce qui demande du courage, et du talent.

(Quand on reprend cette définition, on constate que l'Education nationale nous apprend exactement le contraire. Elle nous dit que la raison triomphe de tout, et qu'elle est contenue dans une formule !)

samedi 24 février 2018

Déconstruction

Déconstruction en marche ? je me demande s'il n'y a pas un mouvement nouveau en marche (un peu au sens d'Emmanuel Macron). Cela va bien au delà des "fake news". Un travail scientifique est mené pour savoir ce que cachent les idées qui nous sont assénées comme des vérités. Ce blog est en partie la chronique de ce changement.

68 avait lui-même fait un tel travail. Il estimait, si j'ai bien compris, que son ennemi était le capitalisme. L'intellectuel devait (c'est le "postmodernisme") opposer à un lavage de cerveau un contre lavage de cerveau. Je crois que ce que l'on découvre aujourd'hui, avec surprise, ce sont ces deux lavages de cerveau. Et ceux qui les ont précédés. On comprend aussi que leur intention était rarement altruiste. Le "déconstructeur" initial s'est révélé petit bourgeois, en particulier.

Comme souvent, il n'a pas été totalement coupable. Comme les médecins de Molière, même s'il l'a dénaturée, il a fait vivre l'idée de science. Et il nous a donné l'exemple de ce qu'il ne faut pas faire. L'hypocrisie est-elle une étape nécessaire au changement ?

Autorité de la science

C'est en 1993 que j'ai mené un changement en étant conscient que c'en était un. Un peu avant, j'avais suivi les cours de Todd Jick, maintenant à Columbia, détaché de Harvard à l'Insead. Je lui avais proposé de mener une mission pour mon entreprise. J'avais reçu la réponse surprenante : vous êtes le mieux placé pour réussir. Lorsque j'ai écrit mon premier livre, je me suis inscrit dans la ligne des classiques (aux USA). Sans le savoir, je me suis même relié quasiment à leur origine, car je suis entré en contact avec Edgar Schein, un descendant de Kurt Lewin, et un des trois créateurs d'Organization Development. Il m'a fallu quinze ans pour comprendre qu'en France tout le monde se fichait de ces travaux. Y faire référence était impoli.

J'avais fait la même erreur quinze ans plus tôt. En ces temps, je m'occupais d'algorithmes. J'avais tiré de mes études l'idée qu'ils étaient des démonstrations mathématiques. Je cherchais donc à appliquer les travaux faits sur le sujet. Nouvelle erreur. Mes collègues estimaient qu'il leur suffisait de suivre leur instinct. En France, un ingénieur est sélectionné sur sa compétence en mathématiques. Lui parler de mathématiques sous-entend qu'on le surclasse. Il n'y a rien de plus terrible.

La France refuse la parole d'autorité. Bien sûr, cela peut profiter au sophiste. Mais, si la science est efficace, elle le défera. Mais elle devra faire ses preuves.

vendredi 23 février 2018

Marketing de la mort

S'il y a autant de tueries de masse aux USA, c'est du fait de la facilité avec laquelle on s'y procure des armes. Le lobby des armes y est particulièrement efficace. Voilà ce que l'on croit.

On est loin de la réalité. Le dit lobby ne serait pas qu'un lobby. Il est parvenu à changer la façon dont les Américains pensent. Confronté à une baisse des ventes liées aux usages traditionnels des armes à feu (sport et chasse), il aurait convaincu l'Américain qu'il était menacé et qu'il devait s'armer ! Et il aurait fait passer des lois qui permettent de faire feu de manière préventive. La réussite de cette tactique est exceptionnelle. La profession a connu une croissance de start up. Entre 2006 et 2016, la production est passée de 3,6m à 10,6m d'armes. (Article.)

Et si l'industrie de l'armement était parvenue (involontairement ?) à créer un cercle vicieux : plus je me sens menacé, plus je tue, et plus il y a de morts violentes et plus je me sens menacé ? Voilà ce qui arrive lorsque l'on donne des armes au marché ?

Réforme de l'Etat

Le gouvernement saura-t-il réformer l'administration ? (Suite du billet précédent.) M.Macron a des solutions pour tout. Mais je n'en ai pas vue de crédible pour l'administration. Peut-être parce que, dans ce domaine, il n'a pu s'appuyer sur un rapport écrit par un homme d'expérience.

Alors ? Le seul espoir que j'aie est le miracle. Que les fonctionnaires comprennent qu'ils doivent se prendre en main, pour protéger l'intérêt collectif d'une Bérézina.

Réforme de l'Etat

Le paradoxe de l'Etat est qu'il pèse trop lourd, alors que lorsque l'on veut le faire maigrir, ses employés se révoltent en faisant valoir leurs conditions de travail. Exemple : l'hôpital.

Explication ? Désorganisation. Et notamment un management inexistant. Pour ce que j'en ai vu, l'administration en est restée à l'Ancien régime. Michel Crozier avait décrit sa structure, ou personne n'a de pouvoir sur personne. Seulement, depuis, elle a été victime d'initiatives malencontreuses. Ainsi, on a tenté de l'asphyxier, en l'empêchant de renouveler ses personnels, on lui a fait acheter du matériel, parce qu'il était à la mode, qui l'a un peu plus endettée. Ce qui caractérise la réforme en France, c'est le manque de courage pour pénétrer dans la fosse aux lions.

Homme objet

Cette jeune femme, sur le quai de la gare, ne serait-ce pas la fille de mes voisins ? On se connaît depuis 35 ans, le moment de sa naissance, mais je ne l'ai pas beaucoup vue cette dernière décennie. Elle ne semble pas me reconnaître, donc ce n'est pas elle. En fait, mon seul moyen de savoir si c'est elle est de la voir chez ses parents. (Fin de l'histoire : c'était bien elle...)

Morale. Cela ressemble à ce que dit Konrad Lorenz des animaux. Ils ne reconnaissent pas un parent, un conjoint, un enfant, quelqu'un de leur espèce... leur instinct est provoqué par un "déclencheur". Il en est de même de moi. C'est un raisonnement indirect, souvent fautif, qui me guide.

Il se peut que l'homme ait inventé la notion "d'objet". Il pense que sa vie est meublée d'ordinateurs, de fauteuils, de voisins. Alors que tout cela n'est qu'une représentation mentale, plus ou moins efficace.

jeudi 22 février 2018

Intelligence limitée

Pourquoi l'Intelligence Artificielle ne change-t-elle pas notre vie ? Après tout elle a défait les meilleurs aux jeux les plus compliqués ? (Article.)

Parce que l'homme n'est pas très bon au jeu ! Et parce que le jeu présente des conditions qui conviennent à l'ordinateur, contrairement à la vie. Curieusement, même la conduite autonome ne serait pas un problème aussi facile à régler par l'ordinateur qu'on le dit. En conséquence ce qui peut convenir à l'IA, ce sont des questions qui se rapprochent des jeux.

Voilà qui me plaît. Ne serait-ce que parce que cela reprend un argument développé par moi dans un article. Je soupçonne que l'IA est avant tout un gigantesque coup de pub.

(Un coup de pub qui masque tout ce qu'il y a de génial dans la recherche en mathématiques, et qui en détourne les meilleurs matheux.)

Désadministration

Daniel Zagury parle de sa vie à l'hôpital (France Culture). Désormais il a à côté de lui des "managers"...

On a voulu transformer la fonction publique en une entreprise. Brillante idée, car l'entreprise, c'est bien plus efficace que l'administration, non ? Et surtout, on n'a pas à la gérer, puisque ce sont les "forces du marché" qui le font, n'est-ce pas ? Mais, pourquoi personne n'y avait-il pensé plus tôt ? Je vous le demande.

Et si c'était cette géniale idée qui expliquait en grande partie le chaos ambiant ?

Effet délétère de la télévision

De moins en moins de gens font ce qu'ils disent. Les dysfonctionnements de la société viennent de l'individualisme, du narcissisme, qui la frappe. Discussion. Une participante : "est-ce que ce comportement n'est pas conditionné par l'éducation donnée aux tous petits ? Il est plus simple de mettre son enfant devant un dessin animé que de construire une relation interactive avec lui. Pour construire un avenir plus convivial, il convient peut-être d'alerter les jeunes parents sur la nécessité d'apprendre l'inter-activité à leurs enfants en la pratiquant."

Voilà qui m'a frappé. Effectivement, non seulement l'enfant n'a plus de relation sociale mais il absorbe la culture qui sous tend le contenu télévisé (publicité et séries). Et c'est une culture anglo-saxonne, hyper individualiste.

mercredi 21 février 2018

Etudes

Ce qui me frappe chez Proust, Mauriac ou Gide, c'est qu'ils n'avaient pas fait d'études particulièrement brillantes. Et je ne parle pas de Balzac ou de Rousseau, ou encore de Prévert ou Sacha Guitry.

Il s'est passé un phénomène curieux, quelque part de mon vivant : nous nous sommes mis à nous définir par les études que nous avions faites. Alors que 68 voulait nous libérer nous en sommes revenus à l'ancien régime !

Y a-t-il eu complot ? L'Education nationale aurait-elle était infiltrée par des pouvoirs occultes et malveillants ? En tout cas, c'est un exemple de l'influence de la société sur l'homme. Notre identité, la façon dont nous nous voyons, nous est imposée de l'extérieur.

Droit du travail

Un patron de choc me disait qu'il fallait prendre garde à ne pas trop attaquer le code du travail. En effet, il avait rendu les syndicats légalistes.

Je me suis demandé s'il n'y avait pas là la raison de la taille du code en question. A chaque mouvement des syndicats, on leur donne quelques pages de plus, et ça les calme. J'ai eu la même impression en écoutant un maire d'une ville du nord. Il disait que le travail de maire était facile au temps de son père, qui avait gouverné la ville pendant vingt ans : il suffisait d'augmenter les impôts pour financer infrastructures et politique culturelle. Mais voilà, à l'époque la ville était industrielle. Maintenant, il n'y avait plus d'entreprises, mais un chômage de masse. (Curieusement, il ne faisait pas de rapprochement entre la politique de son père et la situation de la ville.)

Mon patron de choc a été confronté à des crises, dans sa vie (dans la fonction publique !). Qu'a-t-il fait ? Il a attaqué les causes des problèmes. Il n'a rien donné, ses collègues ont même probablement travaillé plus après qu'avant son intervention. Mais leur travail avait désormais un sens. J'ai appris qu'on le regrettait.

Explication des temps passés ? Nos élites avaient trouvé le moyen de nous gouverner sans efforts ? Une forme de parasitisme ? Etait-ce l'esprit de François Hollande, tel que révélé par le livre de sa conjointe d'un temps ?

mardi 20 février 2018

Pouvoir des ONG

Le scandale qui affecte les ONG serait un abus de pouvoir, disait France Culture. Ce qui rejoint ce à quoi on attribue les causes des maltraitances faites au femmes (et l'analyse d'un de mes derniers billets, qui mettait en parallèle ces deux phénomènes).

C'est peut-être une conséquence imprévue de la conscience de faire le bien. Celui qui fait le bien se pense supérieur à celui qu'il aide ? Pour bien aider, il faut se sentir égal ? Comme l'entraineur face au champion ? Ou comme la petite soeur des pauvres ?

(Ce serait donc la "culture", au sens anthropologique, des ONG qui serait à revoir.)

Bertrand Burgalat

J'ai découvert Bertrand Burgalat grâce à France Culture. Artiste inconnu de moi. L'artiste moderne a sous-traité sa pensée. Il est de gauche, parce que la gauche c'est le bien. Bertrand Burgalat semble attiré par ce qui n'est pas bien. Et son exploration paraît y trouver que les apparences sont trompeuses. Mais, peut-être, n'ai je pas compris. Je suis un intermittent de France Culture.

je suis plus sûr de moi en ce qui concerne le diabète. Bertrand Burgalat est diabétique depuis ses onze ans. Il expliquait que le traitement de la maladie est particulièrement contraignant et douloureux. Notamment que l'insuline rend violent le diabétique. (Et que Theresa May est diabétique.) Peut-être ce traitement a-t-il fait de lui un écorché vif ? En tout cas, il semble en avoir après l'industrie pharmaceutique. Elle tirerait si bien parti de la détresse des malades, en pratiquant des prix de monopole, qu'elle aurait peu intérêt à leur trouver des traitements efficaces.

Nudge

Je disais à une juriste que la législation peut être contre productive. Elle s'en étonnait.

C’est le problème de la France, depuis toujours. Particulièrement en ce moment. Le gouvernement essaie de simplifier la législation parce qu’elle étrangle la nation (le code du travail, par exemple, est devenu monstrueux). On a parlé de « choc de simplification ». En France on « gouverne par ordonnance ». Déjà Aristote en parlait dans ses « Politiques » : il vaut mieux une législation imparfaite comprise et appliquée qu’une législation parfaite que personne ne suit.

Il y a eu prise de conscience mondiale à ce sujet. L’économie comportementale en est peut être le nom. En s’intéressant à la mise en oeuvre des idées politiques, par exemple, on a découvert qu’elles ne marchaient pas (cf. mon billet sur Poor Economics). Commençons par comprendre les réflexes collectifs (la « culture » des anthropologues), et, ensuite, formulons la mesure d’une façon à avoir l'effet voulu. Voilà ce que l'on appelle « nudge » en anglais (« donner un coup de pouce », probablement).

Un exemple ? J'ai mené une étude de marché pour un financeur d’acquisitions de poids lourds. J’ai remarqué que si je disais qu’il vendait des « crédits avec assurance » personne n’était intéressé, « parce qu’il n’était pas un assureur » ; alors que si je disais « il vend des prêts coup dur », j’avais 100% d’intérêt : « vous êtes du métier ». Or, ce sont deux formulations de la même chose.

(En ces temps, cela me paraissait évident. Je n'avais pas compris que j'aurais pu gagner le prix Nobel. Défaut de rationalité.)

lundi 19 février 2018

Mystère Shakespeare

Il y aurait eu quatre-vingts candidats posthumes au rôle de Shakespeare, disait Henri Suhamy. A partir du milieu du 19ème siècle, l'idée se répand que Shakespeare ne peut pas être Shakespeare. Les remplaçants se multiplient.

Il y aurait des preuves crédibles que Shakespeare ait été Shakespeare. C'était le fils d'un maire d'une petite ville, qui avait une école de bon niveau. Shakespeare avait donc probablement reçu une éducation sérieuse. Mais, surtout, les thèses adverses ne tiennent pas une seconde à la seule lecture des textes. Et pourtant, elles ont, toujours, énormément de tenants.

Comment expliquer cette sorte de folie ? Bergson y voyait une contre-partie de la raison. Sa tendance à divaguer, était un garde-fou. Peut-être aussi que l'homme a besoin de rêve ? Et la presse, par paresse et profit, s'en fait la caisse de résonance, au lieu d'en tester la réalité ? Cela n'aurait sûrement pas surpris Shakespeare. Qui a vécu par le glaive... ?

Charbon allemand

Dès qu'il fait beau, Airparif m'annonce un "épisode de pollution". Le charbon des centrales allemandes finit dans nos poumons, et raccourcit nos vies, paraît-il. Nous ne devrions pas être surpris. Le charbon et l'acier ont été les sources de Deutschland über alles, et de quelques guerres mondiales. Et la France en avait tellement peur qu'elle a fait l'Allemagne prisonnière de la Communauté européenne du charbon et de l'acier, justement.

L'Allemagne a d'énormes gisements de charbon. Elle demeure le plus gros producteur de lignite mondial. Elle émet deux fois plus de gaz à effet de serre que la France, par personne. (Wikipedia.) Alors pourquoi pense-t-on que l'Allemand est plus vertueux que nous ? Peut-être pour une autre de ses caractéristiques, culturelles cette fois : sa satisfaction de soi est communicative.

Neurosciences perverses ?

Je m'interroge. Les neurosciences ne sont-elles pas des montagnes qui accouchent de souris ? On met des gens dans d'énormes machines, pour leur faire faire des tâches ridicules, et voir ce qui s'allume dans leur cerveau. Puis on déduit de cela des lois extraordinairement générales. Aussi, ce qu'il en sort n'était-il pas déjà connu par la psychologie, ou même par l'observation quotidienne ? (Par exemple, les neurosciences ont découvert que l'adolescence était un moment difficile...)

Les neurosciences expliquent que la complexité du cerveau humain le rend instable. Or, il est muni d'un "chef d'orchestre", le lobe préfrontal, sous dimensionné. (Le rôle des neurosciences est de comprendre comment faire mûrir, en accéléré, le dit chef d'orchestre.) Du coup, toute innovation, qui lui fait un peu plus perdre pied, le met en péril. Neurosciences = innovation dangereuse ?

(Les neurosciences disent aussi, si j'ai bien compris, que nos dirigeants, contrairement au gros de la population, ne sont pas capables de changer. C'est une conséquence du processus de sélection et de formation qui leur a donné le pouvoir. A quoi vont servir les neurosciences entre leurs mains ? Et si les neuroscientifiques ressemblaient à ces pacifistes qui ont inventé la bombe atomique ?)

dimanche 18 février 2018

Volonté de puissance

Les réseaux s'organisent selon des "lois de puissance". Cela signifie, en gros, que certains noeuds du réseau ont vraiment beaucoup plus de connections que les autres. Et que l'on pourrait modéliser ce phénomène. Cette idée répandue serait fausse. Quand on a essayé de la vérifier, cela n'a pas marché.

Explication ? Les fameuses lois de puissance étaient en vogue dans les années 90. A ce moment des physiciens, probablement habitués à représenter le monde par des "lois de la nature" simples, se sont intéressés aux réseaux. Ils y ont vu ce qu'ils cherchaient. Cela a suscité un phénomène d'entraînement gigantesque. D'autant qu'ils ont publié des livres de vulgarisation de leurs travaux.

Voilà qui mériterait d'être modélisé. Esprit du temps ? Désir de célébrité, combiné à la mode d'Internet, qui battait alors son plein ? Principe même de la spéculation ?

(Où l'on voit que M.Trump n'a pas inventé les "fake news".)

Inculture shakespearienne

France Musique parlait des voyous en musique, l'autre jour. Un certain nombre de compositeurs talentueux furent des aventuriers. N'est-ce pas une réponse à une question que l'on pose souvent : comment un inculte aurait-il pu écrire l'oeuvre de Shakespeare ?

Ce type d'opinion reflète probablement nos préjugés de classe. Lorsque l'on revient aux temps anciens, on voit que, comme Rousseau et Diderot, les artistes avaient rarement une formation initiale solide. Molière était un bourgeois qui s'était encanaillé. Car l'art était pour la canaille : Marlowe et Villon étaient des diplômés voyous. Ils s'enrichissaient en amusant l'aristocrate. Et l'Eglise, bien souvent, leur refusait une sépulture chrétienne.

Et si le talent était voyou par nature ? Comme Casanova, le génie est escroc ? Ou encore, le génie est création, donc autodidacte ? Et si la formation asphyxiait le talent ?...

ONG

Scandale "exploitation sexuelle" chez OXFAM. La récente "libération de la parole" féminine a attaqué beaucoup de champions de causes "socialement avancées". Même phénomène ? Hypocrisie à la Tartuffe ? Les bons sentiments cachent quelque turpitude coupable ?

Je me souviens d'un ami, qui avait parcouru le monde en routard pendant près de deux ans. Il en était revenu révolté contre les ONG. (En particulier contre leurs 4x4 de luxe.) Pour lui, elles se comportaient en colonisateurs, plein de mépris pour les populations locales.

Peut-être qu'elles font plus de bien que de mal ? En tout cas, être porteur du bien ne doit pas encourager au respect de l'autre.

samedi 17 février 2018

Théorème de Ferry

Lorsque quelqu'un veut vous apprendre à faire votre métier, c'est qu'il est incompétent dans le sien. Voici une conclusion que j'ai tirée de mon expérience.

Hervé Kabla semble en avoir trouvé une illustration : Luc Ferry. Le philosophe Ferry se demande à quoi servent les mathématiques. Il n'en a jamais fait usage.

Platon lui répond : "que nul n'entre ici s'il n'est géomètre". Les mathématiques sont nécessaires à la pensée. Un philosophe sans rigueur intellectuelle porte d'ailleurs un nom grec : un sophiste.

Rigueur intellectuelle

Le TGV a mis la SNCF en faillite, donc il faut fermer les lignes peu fréquentées, pour la sauver. Ce serait, en substance, ce qu'aurait conclu un rapport commandé par le gouvernement.

Le rapport étant écrit par un haut fonctionnaire, grand patron, on peut s'interroger sur la formation de notre élite.

Il est dommage que la science ne soit plus enseignée. Car, elle nous apprend qu'un problème doit être "bien posé". Pour la SNCF, cela nous amènerait à nous interroger sur les causes du marasme. Et, non à y chercher des coupables, mais des enseignements. Pourquoi le TGV a-t-il été une catastrophe ? Sans le remettre en cause, peut-être, ne pourrait-on pas améliorer notablement son efficacité ? Et les lignes peu fréquentées, pourquoi le sont-elles ? Devraient-elles l'être ? Quel est le coût réel de leur abandon ?...

Noyade

Pourquoi le sauveteur coule-t-il avec celui qui se noie ? Dans les 20 à 60 secondes qui précèdent une noyade, l'instinct prend le contrôle de l'individu. Le cerveau rationnel est débranché. Le corps pousse sur l'eau pour dégager la bouche et pouvoir respirer. Si quelqu'un l'approche, il fera pareil avec lui. Cela s'appelle "instinctive drowning response" en anglais. Je n'ai pas vu d'équivalent français.

N'y a-t-il pas d'autres occasions où l'instinct prend notre contrôle ? Je me suis rappelé mes cours de négociation : la colère est, effectivement, une brève folie. Aussi il y a les travaux de Christophe André sur la phobie : la phobie est un parasite de la raison qui la paralyse... Il faut s'habituer à l'idée que l'homme ne puisse pas être continûment gouverné par la raison. Ce qui pose la question : que faire face à la déraison ? Quel conseil donne le sauveteur, au fait ?
  1. Apprendre à repérer l'instinctive drowning response.
  2. Laisser couler, avant de venir au secours. 
On est en face d'une question de systémique. Technique habituelle :
  1. Repérer le problème. 
  2. Faire le contraire de ce que nous dit la raison. 
(Plus facile à dire qu'à faire.)

vendredi 16 février 2018

Inflation

Les bourses mondiales seraient fébriles. Peur de l'inflation aux USA. Car inflation veut dire taux d'intérêts élevés. Et les entreprises se sont endettées. Conséquence de faibles taux.

Cela me semblait être le projet de M.Trump : améliorer les conditions de vie de l'Américain ordinaire, ce qui veut dire hausse de salaire.

Où cela nous mène-t-il ? Imprévisible. D'autant qu'il faut compter avec la spéculation, qui peut, à l'envers, se transformer en panique. En tout cas, si les taux américains montent, les capitaux vont se placer dans la dette américaine. Le dollar va monter. Trouver de l'argent va se compliquer. Et les emprunts vont devenir difficiles à rembourser. Et, à commencer par EDF, la SNCF, et l'Etat français, il y a beaucoup de monde qui est trop endetté...

Intestins

On découvre l'intestin. Ce serait un second cerveau. Il jouerait un rôle décisif dans le bien être de l'homme. Mais pourquoi la société avait-elle décrété, brutalement, qu'il était incorrect, impoli, de parler de l'intestin ? La fatwa est récente. Il me semble que des intellectuels respectés se plaignent de constipation au 19ème siècle, encore.

Qu'est-ce qui décide de ce qui est interdit ou non ? Les anthropologues observent que les lois sociales ont une "fonction". Peut-être, mais le bourreau aussi avait une fonction. Seulement, on a décidé que l'on ne voulait plus de la société à laquelle il était utile...

Asterix

J'ai arrêté de lire Asterix à la mort de Goscinny. Mais je trouvais déjà depuis quelques temps que la veine était épuisée. En regardant wikipedia, j'ai découvert que jamais Asterix ne s'était aussi bien vendu qu'après la mort de Gosciny. Je ne suis pas de mon temps.

Je me demande si les modes ne fonctionnent pas en mettant en branle des phénomènes plus ou moins mécaniques. D'abord, il y a quelques personnes qui trouvent par hasard la bande dessinée et qui l'aiment. Ils font assez de bruit pour que des gens comme mon père décident de l'acheter à leur fils. Et puis, progressivement, elle occupe une "fonction sociale". Peut-être celle de cadeau. Le tirage est garanti énorme. Cela a dû fonctionner de la même façon avec le prix Goncourt, dans les années 50. On l'achetait probablement pour l'offrir, ou pour le montrer, pas pour le lire.

jeudi 15 février 2018

Optimisme

M.Macron a fait un discours "urbi et orbi", disait la radio hier. Idem à Davos, où les étrangers ont jugé qu'il avait fait un discours "à la Macron".

Si M.Macron ne change pas, il va lasser.

Mais, justement, je crois que sa caractéristique première, c'est de savoir changer. Il était le meilleur élève de sa ville de province, il a voulu finir ses études secondaires à Henri IV, et ça a commencé par mal se passer. Mais il s'est repris. Puis il a voulu entrer à Normale Sup, et il s'est fait recaler. Mais il est reparti vers Sciences Po, est entré à l'ENA et en est sorti cinquième. On connaît la suite.

La caractéristique des champions est l'optimisme, écrit Martin Seligman. Ils sont stimulés par l'échec.

Lutte des classes

Quel fut le principe de gouvernement de ces dernières décennies ? Discussion avec des amis. Une idée : lutte des classes.

Pour le dirigeant, de pays ou d'entreprise, diriger c'était faire des concessions au peuple, représenté par les syndicats. Le gouvernant légiférait. Le haut fonctionnaire, gouverneur d'entreprise, accordait des acquis sociaux. En échange, gouvernant et dirigeant vivaient une existence de jouissance heureuse. Pour financer cette politique, on levait des impôts, ou équivalent. Effet magique, comme le disait récemment un élu interviewé par France Culture.

M. Hollande : jouisseur qui lève des impôts ? Mais aussi tendance concomitante : ces concessions coûtaient cher. Alors, les gouvernants et dirigeants ont voulu punir ceux à qui ils les avaient octroyées, en allant chercher moins cher ailleurs, et par la concurrence plus ou moins réelle de la technologie ? Lutte des classes.

Crédible ?

Réalité du changement

Il y a quelques années, l'alarme de la caisse de retraite qui jouxtait mon appartement s'est mise à se déclencher la nuit. Elle hurlait pendant une heure. Curieusement, le dirigeant de l'entreprise ne semblait pas se sentir concerné par les plaintes de ses voisins. Les responsables de la sécurité expliquaient, quant à eux, qu'ils avaient tout essayé. Ces gens ne donnaient pas l'impression d'être des êtres humains, dotés d'une raison. C'est ainsi que j'ai passé des heures à me promener dans Paris, au petit matin.

On a une idée fausse de ce qu'est le changement. Le vrai changement est inconcevable. Un peu comme si le ciel s'ouvrait. Même pas. On trouve tellement de ciels qui s'ouvrent dans les histoires, que cela ne serait pas plus surprenant que les attentats du 11 septembre, auxquels les films nous avaient préparés. Il arrive quelque chose qui est en dehors de notre domaine de compréhension. Pour changer, il faut d'une part modéliser ce qui se passe, comme je viens de le faire, puis inventer une solution. Cela passe par une étape de sidération, puis par un travail inconscient. C'est un processus douloureux qui échappe à la raison. Le terme de "deuil" ne s'y applique pas.

Bien réagir au changement est peut-être une question d'éducation. "Learned helplessness" dit Martin Seligman. Notre système d'éducation nous enseigne l'échec. Si bien que lorsque l'on a un pépin, on tend à se replier sur soi. Or, c'est exactement le contraire qu'il faut faire. Il faut réagir immédiatement. Car, comme dans les expériences de Martin Seligman, c'est en s'agitant frénétiquement que l'on finit par réussir un changement. Ne suivez pas mon exemple.

mercredi 14 février 2018

Contre-pouvoir

M.Macron semble avoir dit à la presse qu'il ne fallait pas confondre contre-pouvoir et tentative systématique d'abattre le gouvernement. En écoutant la radio publique, j'ai le même sentiment que lui. Le journaliste cherche la faille, si possible une fake news, qui provoquera un mouvement de foule.

Il ne l'a pas fait avec les précédents gouvernements. Ce qui dénote une étrange connivence entre des courants politiques qui se disaient opposés, à mort. Mais, est-ce une mauvaise chose ? Le journaliste est en train d'apprendre son rôle de contre-pouvoir. Et on ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs. De même, j'ai le sentiment que le gouvernement n'est jamais aussi bon que lorsqu'il sait que rien ne lui sera pardonné, y compris des fausses rumeurs ; et qu'il fait preuve d'une complaisance certaine sans cela. Quant à nous, nous dansons sur un volcan : le populisme. Notre moindre tentation à la facilité sera amplifiée en coup d'Etat. Le principe de la démocratie, c'est la vertu, disait Montesquieu...

(Conférence de presse.)

Fonds souverain

Soyez vertueux, dit le fonds souverain norvégien. Il vaut mille milliards de dollars. Il a investi dans neuf mille sociétés. Or, je ne suis pas sûr qu'il y ait beaucoup plus de 50.000 entreprises qui ont un chiffre d'affaires supérieur à cent ou deux cents millions d'euros.

Génération spontanée d'un contrôle global du capitalisme par lui-même ? Je connais mal les Norvégiens, mais j'ai noté qu'un qualificatif qui convient aux nordiques, faute de mieux, est : pharisien. Ce sont des Eva Joly, de grands donneurs de leçons, autrement dit. Si l'on en croit Max Weber, ces leçons sont consubstantielles au capitalisme. Sans respect de la parole, pas d'échange possible. Le capitalisme ayant conquis le monde, sa culture l'accompagne ?

Balzac

François Mauriac lisait et relisait Balzac, et quelques autres. Je n'ai probablement jamais relu un livre. A l'exception du Monde d'hier, de Zweig, que j'avais oublié avoir lu. Ou si. Dans mon enfance, je lisais et relisais Astérix. Peut-être que Balzac, avant que l'Education nationale ne s'en empare, fut l'Astérix de son temps ?

Qu'est-ce que cela révèle de l'évolution de notre culture ?

mardi 13 février 2018

Bonheur fou

"Le Proust inconnu, s'il existe, en train d'écrire son oeuvre, invente en ce moment un langage, crée un style, use souverainement de toutes les libertés, en largeur, hauteur et profondeur, dont ne s'est jamais privé et ne se privera jamais aucun des maîtres de la fiction." (François Mauriac.)

La création comme liberté totale ?

Xavier Tilliette

C'est Schelling qui m'a fait découvrir Xavier Tilliette. Xavier Tilliette est un prêtre jésuite, bientôt centenaire. C'est aussi un professeur de philosophie.

Contrairement à la plupart d'entre-nous, la philosophie est son élément. Ce n'est pas un sujet d'examen, mais un sujet d'émerveillement. En cela il ressemble à nombre de savants religieux, qui ont un talent bien plus naturel que celui des philosophes de profession. Quand cherchera-t-on à faire que la formation ne déforme plus ?

Mémoires intérieurs

Je suis médusé. Je ne m'occupe que de textes techniques et n'ai aucune ambition littéraire, et pas la moindre formation dans ce domaine. Mais je me sens écrabouillé par la façon dont François Mauriac écrit. J'aurais d'ailleurs du mal à dire en quoi je suis écrabouillé, tant je suis dépassé. Le génie est dans la modestie. Le contraire de la pompe et de la prétention modernes. En quelques mots, tout simples, il fait passer une idée d'une grande profondeur. Sans d'ailleurs rien affirmer.

Une réflexion sur l'écriture, au fil des lectures. (Chaque auteur digne de ce nom crée un univers, en faisant jaillir la vérité de ses profondeurs à lui.) Une aspiration, que l'on a longtemps dite contradictoire, à la fois aux beautés de la vie, et à la spiritualité, sans limites aux unes et aux autres. Un jugement sur son époque, qui est toujours d'actualité.

Mais ce qu'il n'a pas vu, c'est la mort de l'auteur. La nouvelle vague de son temps, comme bien des vagues avant elle, a insulté ceux qui l'avaient précédée. Mais, pour la première fois, elle n'a rien créé. Tout son talent était dans l'affirmation de soi. Elle a fait cadeau au monde de sa perfection. Elle était oeuvre d'art. Elle a pris les idées de François Mauriac au pied de la lettre.

lundi 12 février 2018

L'énigme des mathématiques

L'élève français serait dramatiquement mauvais en mathématiques. Paradoxal, pour une nation réputée pour son obsession pour cette matière. Et qui y a eu d'ailleurs des succès, si on le mesure en médailles Fields.

Comment expliquer ce paradoxe ? Si j'en juge par mon expérience, l'enseignement français des mathématiques est particulièrement détestable. Vu mon parcours, on pourrait penser que je suis raisonnablement doué pour ce sujet. Pourtant, j'en garde un extrêmement mauvais souvenir. Total manque de sens et d'intérêt. Jusqu'à ce que j'en voie, très tardivement, l'utilité.

Le problème est peut-être là. En France les mathématiques sont un test de QI. L'enseignant ne forme pas, au contraire, il sélectionne ? Mais, au fait, sélectionne-t-il les talents en mathématiques ? Ou des arrivistes, prêts à tout avaler pour parvenir au sommet des honneurs ?

IA mode de management ?

L'IA va-t-il supprimer le travail ? A qui va profiter l'IA ?... Les articles sur l'IA se multiplient.
Il y a quelques années, The Economist écrivait qu'IBM allait mal et qu'il pariait sa chemise, pour se relancer, sur l'IA. Et si tout ce que nous disons de l'IA n'était que l'effet de la publicité d'IBM et de quelques autres ? Qui s'est donné la peine de vérifier que l'IA est ce qu'on en dit ?

Qui parle encore de Big Data ? me disait un ami. Le phénomène n'est pas nouveau. Aux USA, il porte un nom : "management fad". A l'époque de la bulle Internet, il y avait une nouvelle "management fad" tous les quelques mois. Pourquoi ne sommes-nous pas vaccinés ? Seulement méfiants ? Possiblement parce que nous ne faisons que reproduire ce que dit la foule. Nos intellectuels, d'ailleurs, utilisent leur prestige pour se faire les hérauts de la nouveauté.

Les psychologues ont un nom pour ce phénomène : "validation sociale".

(Le Gartner Group, qui a fourni un grand nombre de modes de management durant la bulle Internet, a monté un observatoire du phénomène : "hype curve".)

La trahison des clercs

En écoutant une Africaine parler de francophonie, et regretter sa disparition, j'ai pensé que nos intellectuels n'avaient pas fait leur travail.

La France a longtemps été une usine à idées. On y produisait des révolutions et de la littérature. Maintenant, plus rien. On traduit du best seller américain. L'intellectuel est devenu un collabo. Aujourd'hui, c'est un champion de la contre culture américaine. Ou de sa culture. Comme chez Astérix, où le poisson doit venir de Lutèce, chez nous les idées viennent de New York. Mais cela n'est pas neuf. Déjà, avant guerre, nos intellectuels allaient chercher les leurs en Allemagne. Tous les majors de l'agrégation de philo y faisaient un temps d'étude, Aron en tête. Après guerre, c'est Heidegger qui a eu les honneurs de Sartre et des autres. Ce qui m'a toujours surpris, vu le mal que l'on disait alors de l'Allemagne, et la proximité d'Heidegger et de ses idées avec le pire du nazisme.

D'où cela vient-il ? Un matheux se plaignait que ses thésards, des normaliens, ne savaient que résoudre des équations. Ils étaient incapables d'idées nouvelles. C'est d'ailleurs ce que l'on voit avec Alexandre Grothendieck. Il produit des idées. Elles sont démontrées par un bataillon de normaliens. Trop d'examens crée des accro de l'examen ?

dimanche 11 février 2018

Train blanc

Ont-ils installé de nouveaux tableaux d'affichage ? Mercredi après-midi, j'étais dans la gare Saint Lazare. Les panneaux avaient quelque chose de bizarre. J'ai fini par comprendre qu'il manquait les horaires des trains. Il n'y avait quasiment aucun train ! Pourtant, la neige que l'on accusait de perturber le réseau, ne tombait plus depuis longtemps.

Mes voisins me disent que jadis il y a eu de bien plus grosses chutes de neiges. Mais elles n'arrêtaient pas le trafic. "Comment cela peut-il se produire en 2018 ?" ajoutent-ils. Quelqu'un qui connaît bien le sujet m'expliquait qu'il faut 50md pour refaire le système ferroviaire français. Or, on y consacre 1Md, chaque année.

Ce qui est étrange, c'est que personne n'ait parlé de la question plus tôt. Peut-être, nos gouvernants se sont-ils dits : après nous la tempête de neige ?  Peut-être, pour que l'on puisse ne pas répéter l'erreur, serait-il bien de faire l'histoire de leurs actes ?

Le mystère Shakespeare

Shakespeare est probablement l'auteur dramatique le plus connu au monde. Et pourtant on ne sait presque rien sur lui. Et si Shakespeare n'était pas Shakespeare ? Depuis le 19ème siècle, la question revient régulièrement nous hanter.

Un des meilleurs spécialistes français de Shakespeare explore la question. Sur qui en apprendrons nous le plus ? Sur le talent de conteur de Shakespeare, ou sur le nôtre ?

samedi 10 février 2018

Les avances de Monsieur Hulot

Avant même que l'on parle d'une affaire Hulot, j'étais au courant... Vu mon désintérêt pour l'information, cela signifie que les ficelles étaient grosses.

Il y a quelques temps, un sénateur républicain a bloqué le financement de l'Etat américain, au motif qu'il ne comprenait pas pourquoi on permettait un tel déficit à M.Trump, alors qu'on le refusait aux démocrates. Eh bien, cela s'appelle la politique. On balance des calomnies sur le gouvernement, en espérant que l'une d'entre elles provoquera l'émotion des électeurs. Or, il se trouve qu'en ce moment la parole de la femme se libère, et qu'elle condamne sans jugement...

Opprobre

Les Polonais ne voudraient plus porter la faute des camps de la mort. Et si le fameux "devoir de mémoire" était contre-productif ?

Si le devoir de mémoire condamne certains dès la naissance, il fait croire à d'autres qu'ils peuvent dormir sur leurs deux oreilles. Or, est-ce le cas ? Et la crise de 29, due à une spéculation échevelée, et une absence de réglementation, qui a fait de l'Allemagne un chaos ? Et la faiblesse des premiers gouvernements allemands, pourtant fort respectables ? Et les manipulations politiciennes, qui ont amené Hitler au pouvoir ? Et l'aveuglement des milieux intellectuels occidentaux ?... Et si ces circonstances pouvaient se reproduire ? Et si l'enfer était pavé de bonnes intentions ?

vendredi 9 février 2018

Nain de jardin

Le nain aurait décoré les jardins des nobles. Puis, après guerre, il accompagne l'accession à la propriété de la France moderne. C'est alors qu'il est enlevé. Mouvement de libération du nain de jardin. C'était le fait de la jeunesse des classes supérieures. Voilà ce que j'ai entendu chez France Culture, un dimanche.

Sales pauvres ?

Ayons peur de l'IA ?

Un article disait que nous vivions déjà avec l'Intelligence Artificielle : c'est le correcteur orthographique de nos téléphones, et nos ordinateurs. Il apprendrait de nos messages, et nous ferait des suggestions correspondant à notre style. Pour mon compte, je trouve ces suggestions d'autant plus stupides que, voyant de plus en plus mal, elles m'échappent souvent. Ce qui me fait produire parfois des textes incohérents. L'article soulignait, aussi, le problème que doit résoudre l'IA : elle ne justifie pas les suggestions qu'elle nous fait.

Espérons que les tweets et les mails de nos gouvernants et de nos généraux ne sont pas aidés par IA... Imaginons que, demain, toute l'activité humaine soit accompagnée d'aide à la décision aussi efficace que mon correcteur, que se passerait-il ?

jeudi 8 février 2018

Faut-il se méfier de la démocratie ?

Ce qui me frappe, c'est à quel point nous sommes devenus peu démocratiques depuis quelques décennies. Un principe politique semble être que le peuple ne sait pas ce qui est bon pour lui. (Ce qui étrange, puisque jamais il n'y a eu aussi peu d'écart en termes d'éducation entre les gouvernants et le peuple.) Voire qu'une partie du peuple doit se résoudre à disparaître, car elle est réactionnaire. Un démocrate au sens premier du terme se ferait qualifier de "populiste". Mais, faut-il faire confiance au peuple ?

Ce que montre l'anthropologie, c'est que toute population a des "raisons" que l'on peut comprendre si l'on s'en donne la peine. Ces raisons résultent d'une adaptation à l'environnement dans lequel elle vit. En revanche, à la suite d'un changement, il peut y avoir un problème d'adaptation. La systémique explique qu'alors la population entre dans un cercle vicieux qui se renforce. Les anthropologues et les sciences du management semblent dire, alors, que ce qui peut la sauver, c'est un "leader". Quelqu'un qui va percevoir le problème, et, créer une dynamique de groupe qui va finir par le résoudre. Selon certaines théories, ce leader (dit "serviteur") n'imposerait pas ses idées, mais, au contraire, ferait coaguler celles du groupe en un nouveau système.

Reste le problème du leader. L'histoire montre qu'il y en a eu de mauvais. On en arrive peut-être au projet de la Révolution et de la 3ème République. Une éducation nationale qui donne un discernement efficace à chacun.

Il est possible qu'il reste encore du travail à faire dans ce domaine. Ne serait-ce que poser correctement le problème.

Palestinien

Il ne fait pas bon être palestinien. La plupart des régimes de la région sont des alliés plus ou moins objectifs d'Israël. Et les Palestiniens, eux-mêmes, sont désunis. Que peuvent-ils espérer ?

L'individualisme est un attrape couillon. Une personne tient son pouvoir de la société, des réseaux qu'il y possède.

(Il y a une tradition anglaise, cependant, qui peut être adaptée à cette situation. Ce que l'on a appelé "Peterloo". Une foule pacifique manifeste, avec hommes, femmes et enfants. Les forces de l'ordre prennent peur. Grand massacre. L'opinion s'en offusque... Mais le Palestinien n'est pas un Anglais.)

mercredi 7 février 2018

Ecrivain

"Un écrivain (...) c'est une ombre qui a perdu son homme." (François Mauriac)

C'est un sentiment que j'ai parfois. Ecrire, c'est perdre ses idées. C'est faire qu'elles ne puissent plus se développer en soi. C'est leur donner une fin prématurée. L'écrivain n'est plus que le papier qu'il a produit.

Démocratie

J'écoute de temps à autres les "informés" de France Info. Ce qui me frappe, c'est à quel point ils en savent peu. Ils sont aussi dans le flou que vous et moi. Alors, j'ai l'impression qu'ils cherchent à se sauver, en se ramenant à des principes, sans considération pour la conséquence de leur application. "C'est bien ou pas bien". Ou ressortissent au cynisme : "ce n'est pas à nous qu'on la fera". Malheureusement, le cynisme, c'est l'illusion de l'action. C'est l'impuissance satisfaite de soi.

En fait, ce qui me surprend toujours beaucoup, c'est à quel point on se préoccupe peu de la population. On n'est pas forcé de se plier à l'opinion commune, mais, au moins, on pourrait l'écouter. Dans le meilleur des cas, on se ramène à un sondage qui a de multiples interprétations. Pourtant, ne sommes nous pas dans une démocratie ?

Changement : geste qui sauve

On m'a parlé de deuil, la première fois que j'ai rencontré la théorie du changement, en MBA. Elle fait l'hypothèse qu'il y a des sur hommes qui inventent le changement, et d'autres qui le subissent. C'est eux qui doivent être accompagnés dans le deuil de leurs illusions.

Je crois que le problème est bien plus compliqué que cela. Car, pour faire changer les autres, il faut se changer soi même. Et, si l'on réussit, le changement devient si évident que les autres n'ont plus à changer. Au fond, ce que l'on m'a enseigné en MBA est totalement faux.

Bref, que faire face au changement, sachant que nous devons l'affronter seuls ? Première chose : être en vigilance changement. Le principal danger du changement, c'est de ne pas voir que quelque-chose a changé. Et le changement est dangereux parce qu'il est invraisemblablement banal.

Ensuite, se demander ce qui va être nouveau. Par exemple, je veux faire ce que je faisais pour mon patron, mais pour mon propre compte. Ce n'est pas ce que je faisais qui va me poser des problèmes, même si je dois le faire en plus grand. C'est ce que je ne faisais pas, à commencer par ma négociation de sortie, ou ma comptabilité.

Finalement : il n'y a pas de solution. Le changement est un apprentissage, pas la résolution d'une équation. Donc, il faut s'équiper pour l'apprentissage. Un apprentissage qui va marcher par essais et erreurs. Les ingénieurs parlent de "boucle de rétroaction". On mesure l'écart entre le réalisé et le désiré, et on ajuste en fonction. En fait, c'est là que s'applique la théorie du deuil. Car le deuil est un apprentissage, mais un apprentissage aveugle, on ne sait pas ce que l'on cherche. Et il a ses règles. Du même type que celles que le navigateur solitaire suit pour profiter des tempêtes.

(Il n'y a pas que le changement qui est décrit ici. Le changement souvent fait l'effet du sol qui se dérobe sous vos pieds. Non seulement vous n'y êtes pour rien, mais le phénomène est "inconcevable" : pour l'aborder vous devrez concevoir de nouvelles catégories mentales. Ce changement fera l'objet d'un prochain billet.)

mardi 6 février 2018

Insoumis

Récemment, quelqu'un me disait avoir été étonné de voir M.Mélechon en business class, son adjoint étant, lui, au fond de l'avion.

Mais, la caractéristique d'un "insoumis" n'est-ce pas, justement, de refuser les normes de la société ? Pourquoi le défenseur du pauvre devrait-il vivre en pauvre ?

(On me répondra, certes, que, dans ce domaine, M.Mélenchon est plutôt un conformiste. Et que, si les publicitaires devaient consommer les produits dont ils font la promotion, on n'en trouverait pas.)

Le danger sournois du changement

Parce que nous n'avons pas une conception correcte du changement, nous en sommes victimes.

La grand théorème du changement, c'est que nous faisons toujours la même chose, sans le savoir. En effet, nous possédons un équipement de réflexes, innés ou acquis, qui nous permet de réagir mécaniquement, sans réfléchir, à des gammes de situations extraordinairement vastes. Par exemple, lorsque j'étais à Montréal, on m'a dit que les Canadiens français déménageaient chaque année. Dans ces conditions le déménagement n'est plus un changement, c'est un rite. Il en est de même du mathématicien, qui se rit des équations, ou de Tom Cruise de Top gun, en ce qui concerne les avions soviétiques.

Là où les choses se compliquent, c'est lorsqu'il y a effectivement changement. Car, nos réflexes ne fonctionnent plus. C'est d'ailleurs une définition que je donne à changement : "faire ce que l'on ne sait pas faire". On nous trouve alors ridicules, empotés, malhabiles, sots... Par exemple, nous continuons à faire nos courses à l'heure du rush, alors que nous sommes retraités. Mais nous n'en sommes pas conscients. Ce qui peut conduire à la dépression : nos actions produisent des échecs.

Or, les changements sont traitres : ils ne ressemblent pas à des changements. Ils sont incroyablement minables. Une promotion qui vous demande de faire deux ou trois heures de trajet chaque jour, parce que "il faut rester près de l'école des enfants", le passage de célibataire à marié, ou inversement, un divorce, un nouveau cycle dans ses études, un déménagement, lorsque l'on n'est pas Canadien, une station de métro fermée pour cause de travaux, des grèves de la fonction publique, des pannes de la SNCF, l'alarme de votre voisin qui se dérègle, le temps qui se détraque...

lundi 5 février 2018

Défaite

On ne changera jamais les politiques ! Ils nous prendront toujours pour des imbéciles. Le parti présidentiel perd (ou ne gagne pas) deux élections, et ses adversaires braillent que c'est un tsunami.

Il n'en reste pas moins que, pour le peu que j'en ai vu, les députés de M.Macron n'ont rien compris à ce qu'être député veut dire. Ils se plaignent même de ce qui jusque-là était considéré comme l'ordinaire du métier (être sollicité par l'électeur). Ils sont peu charismatiques, c'est sûr. Et arrogants, c'est probable. Eux aussi nous prennent pour des imbéciles ? Décidément les anciens et les modernes ont beaucoup en commun ?

Le changement serait-ce remplacer des gens qui ne comprendront jamais rien, par des gens qui n'ont rien compris ? L'homme ne peut pas apprendre ? Comme au football, si l'on veut changer les résultats de l'équipe, il faut changer l'entraîneur ?

Disjonction cognitive

Ma mère avait fait faire de moi deux photos. J'avais deux ans. Sur l'une je ressemblais à un chien battu. Sur l'autre au ravi de la crèche. Christophe qui rit, et Christophe qui pleure. A un âge où j'aurais pu être grand père, j'ai remarqué que le chien battu était devenu le fond d'écran de son téléphone. Je lui ai dit qu'il était curieux qu'un enfant aussi jeune semble aussi malheureux. Je croyais qu'elle ne m'avait pas entendu. Pourtant, la photo a été immédiatement remplacée par la riante. Et, alors qu'elle avait fait de nouveaux tirages d'un grand nombre de photos de sa jeunesse, en particulier de Jean qui rit, je n'ai trouvé aucune trace de Jean qui pleure, après sa mort.

C'est un exemple de disjonction cognitive. Il est insupportable de faire face à ses contradictions. Si on nous y expose, se produit une réaction violente. Elle vise non à les éliminer, mais à en supprimer la preuve. (Tartuffe de Molière en donne un exemple.) On utilise la disjonction cognitive comme technique de manipulation.

Mais mon histoire a connu un épisode que l'on ne trouve pas dans les traités de psychologie. Dans ses derniers temps, ma mère m'a rappelé des événements que j'avais oubliés. Mes enseignants de primaire s'étaient demandé si je n'étais pas suicidaire, ou si mon comportement ne s'expliquait pas par un manque d'affection. N'était-ce pas ridicule ? Ma mère avait mauvaise conscience. Comme quoi, on ne peut probablement jamais se séparer de ses contradictions par la force ou l'oubli. Il n'y a peut-être pas de cas désespérés. Le changement est toujours possible. Et, comme quoi, cela a du bon. Car ce souvenir m'a permis d'expliquer mon comportement, que l'on a longtemps trouvé paradoxal. Mais qui n'est pas suicidaire. Mais cela, c'est une autre histoire.

dimanche 4 février 2018

Clémenceau

Il est difficile de juger les gens. Clémenceau, par exemple, aurait été une trublion. C'est un médecin qui semble avoir peu pratiqué. C'est un orateur exceptionnel. Son verbe fait tomber les gouvernements. Il arrive tardivement au pouvoir, au ministère de l'intérieur. Une grève. C'est un homme de gauche. Il est du côté des ouvriers. Mais, il trouve qu'ils vont trop loin. Il fait intervenir la troupe. Il se révèle un homme d'ordre. C'est l'histoire de la "fameuse brigade du Tigre", feuilleton de ma jeunesse, dont je n'avais pas compris le titre. Il semble qu'alors régnait l'incurie en France. Clémenceau, homme de progrès, y met un terme en inventant la police moderne, scientifique et équipée du dernier cri de la technologie. Voilà un changement réussi, dont on ne parle pas souvent.

Jaurès est quasiment l'opposé de Clémenceau. Et pourtant leurs idées semblent très proches, notamment en termes d'éducation (qui doit libérer l'homme). Jaurès, c'est le pacifiste, qui meurt en martyr. Il est non marxiste. Et pourtant, il encourage les actions violentes des ouvriers. C'était aussi un grand bourgeois, le rejeton d'une famille d'amiraux...

Best place to work

J'ai découvert le concept "best place to work", dans une conférence, il y a pas mal d'années. On m'avait convoqué pour parler, à contre emploi, de santé au travail. Les autres intervenants avaient de multiples spécialités. La conférence était "l'événement annuel" qui regroupait les cadres du sommet de l'organigramme d'une grande société. A l'étonnement général, dans l'enquête faite par "best place to work", il n'y avait que des entreprises américaines bien classées. Sommé de proposer une explication, j'avais hasardé celle-ci, tirée de mon expérience :

En France, les membres d'une entreprise tendent à vivre une relation passionnelle avec elle. Le patron rêve de virer ses employés, et inversement. L'un et les autres prennent à témoin l'opinion internationale. Ils dénoncent les conditions atroces dans lesquelles ils vivent. Mais, dans les grands moments, ils tombent dans les bras les uns des autres. Aux USA, le pacte est faustien. En échange de conditions de travail idéales, l'employé donne son âme. Mais le réel nom du jeu s'appelle carrière. Il s'agit de parvenir à mobiliser, à son profit, le bloc contre l'adversaire. De le dénoncer comme porteur du mal. Et de le chasser du paradis. L'intérêt collectif ne compte pas.

Chacun de ces modèle a ses règles. Le modèle américain, par exemple, peut paraître hypocrite. Mais, quand on a compris sa logique, on peut en tirer parti. Surtout, cette analyse explique le classement de "best place to work". C'est une question culturelle. Par principe même, l'entreprise américaine est "the best place to work". Par principe même, l'entreprise française est "the worst place to work". (Ou était : nous changeons vite.)

samedi 3 février 2018

Konrad Lorenz

Konrad Lorenz a étudié l'instinct animal. Il a reçu le prix Nobel de médecine. Ce qui est unique. Ses travaux sont surprenants.

La notion de parent, d'enfant, de conjoint, d'espèce, et même de sexe, n'a aucune signification. L'animal obéit à des "déclencheurs" (par exemple à une tâche sur un autre animal) qui font "comme si" il savait qu'il appartient à tel ou tel genre, à telle ou telle race, qu'il a tel ou tel parent. Mais il ne faut presque rien pour que tout se dérègle et devienne, à nos yeux, ridicule. L'art de Konrad Lorentz fut de dérégler les instincts pour comprendre leur fonctionnement. Il a fait élever des espèces par d'autres, ou a lui-même tenu tel ou tel rôle pour tel ou tel animal. Mais, l'absurde n'est que relatif. Même un instinct grossier permet des comportements d'une extrême complexité, qui nous donnent l'illusion de l'intelligence. Et même l'instinct déréglé ne conduit pas à des désastres. D'ailleurs, l'animal n'est pas une machine. Il n'est pas prédéterminé. Sa complexité le rend imprévisible.

Peut-être, la principale leçon de ses études porte sur les biais de la raison. Nous créons des catégories (le sexe, l'espèce, les parents, les enfants), qui n'ont pas le sens absolu que nous leur donnons. Or, elles servent de base à la morale. Ces notions sont au mieux des aides à la navigation. Mais il faut s'en débarrasser dès qu'elles veulent prendre la barre.

La cinquième discipline

"La cinquième discipline" : best seller des années 90. Quelle était cette "discipline" ? La systémique. Peter Senge, du MIT,  écrivait que notre esprit rationnel menait le dirigeant à sa perte. Seul espoir : qu'il apprenne à raisonner "en système". Jay Forrester, son professeur, à l'origine du rapport sur les "limites à la croissance", pensait cela pour le monde. Il est possible que Peter Senge se soit dit : faites vous la main sur l'entreprise, vous aurez la technique pour aborder le développement durable ?

Effectivement, le dysfonctionnement de notre raison produit "l'énantiodromie". La politique d'après guerre a donné 68, qui l'a niée, et 68 a produit l'envers de ce à quoi il aspirait. Désirez la liberté, vous aurez le totalitarisme ; et ainsi de suite. Mais, peut-on raisonner "en systèmes" ? Ce que je crois :

Notre esprit pense, généralement, faux. Utilisons la technique d'Ulysse et des sirènes (s'attacher au mat) : donnons-nous un objectif et un moyen de savoir si l'on s'écarte de l'objectif ; c'est en constatant les écarts que l'on finit par comprendre la logique des événements.

(En fait, l'homme a une forme de pensée systémique. C'est peut-être ce que l'on appelle "destruction créatrice". On fonce en ligne droite, on fait une sortie de route violente. On découvre qu'il y avait un virage. Si l'on n'est pas mort, on repart en ligne droite, à fond les manettes.)

vendredi 2 février 2018

France Gall

Il y a longtemps, j'ai fait une étude pour la presse quotidienne. Les marchands de journaux disaient d'elle : "les nouvelles d'il y a huit jours, le journal d'il y a trente ans". Il en est de même de ce blog... Voici une réflexion sur une bien vieille actualité.

Au décès de France Gall, j'ai constaté mon ignorance. Je pensais qu'elle avait disparu avec mon enfance. (A l'époque j'entendais "France Galles". Le pays de Galles était alors la meilleure équipe du tournois des 5 nations.) La raison ? Je la confondais avec Véronique Sanson. Je n'avais pas saisi que Michel Berger avait changé de muse. Car, ses muses successives se ressemblaient.

En fait, la vie de France Gall se confond avec celle de génies de la chanson populaire. Elle avait probablement le talent de les trouver. J'ai aussi découvert l'histoire des sucettes à l'anis. Serge Gainsbourg a profité de son innocence, pour lui faire chanter une chanson à double sens. Je me suis demandé ce qu'un tel comportement aurait provoqué à l'heure de "balance ton porc".

Changement de météo

Vous allez voir, il va y avoir un froid de saison. Voilà ce que j'ai vu sur un site de prévision météo, à au moins deux reprises. On a eu de la pluie et du vent.

J'ai l'impression que le temps reste du même type pendant plusieurs jours, avant de changer brutalement. La météo a beaucoup de difficultés à prévoir ces changements. Du coup sa prévision consiste à dire que demain il fera le même temps qu'aujourd'hui.

jeudi 1 février 2018

Du marché

En 1989, on a parlé de Nouvelle économie. Les observateurs y ont reconnu une résurgence du millénarisme : le capitalisme s'installait, nous étions partis pour mille ans de croissance à 4%, sans crise. (C'est écrit noir sur blanc dans les magazines de l'époque.)

Il y a eu des crises. On a douté. Peut-être à tort. Le pays des révolutions, le berceau de l'URSS, a élu quelqu'un qui aurait pu travailler pour Goldman Sachs. Au moment où l'on parle de développement durable, on a peut-être trouvé la recette du capitalisme durable. Tout est acceptable par le peuple, d'inégalités grandes à un changement de moeurs radical, à condition qu'il profite d'un minimum de confort.

Critique

La France aurait perdu le sens critique, dont elle était dépositaire depuis le temps des Lumières. Un chercheur me disait que c'était l'opinion de l'université américaine.

Comme souvent, le mot "critique" a plusieurs sens, et il a dérivé du mauvais côté. Le sens critique est ce qui permet de penser bien, de juger correctement. D'où le titre des ouvrages de Kant : "critique de...". On l'entend maintenant comme un doute systématique. Cette dérive frappe les professionnels de la philosophie. Ils censurent. Si bien que la philosophie devient un art de salon, vain, qui fait du sur place, une forme de nihilisme.

Il y a aussi la critique agressive. C'est celle qui tire d'une critique juste, une conclusion fausse. Typiquement, la gauche dit : la droite a tort, donc j'ai raison. Et inversement. Mais, sii la gauche et la droite ont tort, aucune n'a raison.

Y a-t-il une bonne critique ? Celle qui montre la pensée paresseuse, et ce qui est, probablement, utile ; et qui mène à l'action.

(Une analyse de la pensée des Lumières.)