samedi 30 décembre 2017

Un pouvoir invisible

Les mafias et la société démocratique XIXème XXIème siècle, sous-titre. La Mafia apparaît comme un phénomène extrêmement inquiétant. Non pour les raisons que l'on envisagerait spontanément, mais parce qu'il semble consubstantiel à notre société. Il ne serait pas sicilien, mais universel... La Mafia, un "cancer" du capitalisme ?

La mafia serait née, comme le capitalisme, des "enclosures". En Sicile, comme en Angleterre, et plus tard en URSS, des biens communs (des terres pour la Sicile) sont fusionnés. Les anciens propriétaires indivis reçoivent des bons en échange. Ils les revendent. Se constitue alors une nouvelle bourgeoisie terrienne. C'est elle le coeur de la Mafia. Mais la Mafia est un dispositif beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît. En effet, elle s'incruste immédiatement au plus haut niveau de la société, car elle rend service au puissant. Au fond, elle n'est que le bras armé d'une haute société mafieuse par nature. C'est ce qui la rend quasiment indéracinable. Elle a même tenu en échec le fascisme : lorsqu'il a voulu l'extirper, il a dû reculer quand il a découvert la profondeur de son implantation au sommet de la nation.

Quand au bas de la société, le phénomène qui s'y produit est surprenant. La pauvreté qu'a créée la suppression des terres communes produit deux populations. D'une part des dépendants. Contrairement à ce que l'on dit parfois, ce sont des exploités. De l'autre, une population de désespérés tentés par des solutions radicales, comme le communisme. Paradoxalement, elle fournit une justification à la Mafia. En effet, tout au long de son histoire, on lui a demandé de maintenir l'ordre. Cela est particulièrement vrai pour les USA après guerre. Ils sont terrorisés par le communisme. Aussi bien en Italie qu'au Japon, ils vont constituer un pouvoir clientéliste, en associant un parti dominant (la Démocratie chrétienne en Italie, le PDL au Japon) avec la Mafia locale.

Plus effrayant encore, ce mécanisme se nourrit de la démocratie. La généralisation du droit de vote permet aux cadres de la mafia d'infiltrer les gouvernements locaux. Les droits de l'homme, et la gauche sont ses idiots utiles. Car dès les origines, il y eut des gens qui ont eu le courage de se dresser contre la Mafia. Mais, souvent avec l'appui des combattants de la démocratie, elle a su jouer des lois pour obtenir des non lieux, faute de preuves (et pour cause...). Elle est ressortie renforcée pour longtemps de l'épreuve.

Dans cette affaire, les USA semblent des apprentis sorciers. S'ils ont joué autant avec les mafias mondiales, ce n'est pas uniquement par cynisme. Au début de leur histoire il y a eu les "robber barons", les Rockfeller, Carnegie et autres. De leurs pratiques délictueuses a résulté une prospérité qui s'est étendue à toute la société. (En outre les mafieux ont les vertus que l'on prête aux entrepreneurs. Ce sont de remarquables hommes d'affaires.) Les USA s'attendaient à ce qu'il en soit de même ailleurs. En particulier en Russie. Le résultat a été terrible, dans ce pays. Une oligarchie s'est constituée. Quasi instantanément elle a vidé la nation de sa substance et créé une misère de masse. Mais, rien de positif n'en est sorti.

Comment combattre la Mafia ? C'est surprenant, mais il y a des gens qui ont le courage de l'affronter. Policiers, hommes de lois, grands propriétaires de droite, syndicalistes, juges... Comme les députés qui ont refusé la confiance à Pétain, ils viennent de partout. Ce sont des gens de principe. Et ils parviennent à trouver des appuis. Mais ils connaissent généralement une mort prématurée. En fait, la Mafia est son propre ennemi. Elle est victime sans cesse de guerres de clans. Et elle est dirigée par des violents peu subtils. Surtout, il lui arrive de commettre des bavures qui produisent une réaction violente de la société ou des USA (pour l'Amérique du sud).

Mais le fléau de la Mafia, c'est l'Etat providence. Parce qu'il fournit un travail à tous, il lui coupe l'herbe sous le pied. C'est lui qui explique que la France a quasiment éradiqué le grand banditisme du milieu marseillais / corse (plus redoutable que la Mafia !), et l'éclipse de la Mafia en Italie pendant les années 60, jusqu'à la crise. Voilà pourquoi la Mafia a appuyé les travaux des économistes libéraux. Et voilà pourquoi la déréglementation financière et la globalisation diffusent un esprit mafieux, le "crime en col blanc", à défaut des mafias à proprement parler. Pas rassurant.

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