vendredi 30 septembre 2016

Pont d'Avignon

Je découvre le pont d'Avignon, et qu'il commence par un pont levis, et qu'il ne reste plus que 4 arches sur 22. En effet, il faisait un coude et traversait l'île de Barthelasse. Il a été construit par Bénézet (petit Benoît), qui a été canonisé pour l'occasion. Voilà qui devrait faire rêver nos bâtisseurs modernes. Jadis ce fut un pont stratégique pour l'économie régionale, en dépit de son étroitesse. Il n'y avait que lui qui traversait le Rhône.

Démoli, il fait un peu ridicule. Mais il a tout de même tenu 4 siècles. Nos ouvrages modernes dureront-ils aussi longtemps ? Et attireront-ils autant de touristes une fois qu'ils seront en ruines ? Alors, une sorte de miracle ? La canonisation n'a pas été volée ?
Pont.Avignon.png
Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=905862

Génération Y

 On m'a demandé mon avis sur la génération Y. J'ai été sec. Voici pourquoi :

En début d'année, j’ai entamé une enquête sur le sujet, mais je n’ai pas eu le temps de la finir. J'ai été débordé par la tâche...

Mon point de départ était double. D’une part j’entendais dire que la génération Y était composée d’extraterrestres, alors que les jeunes à qui j’enseigne ou que je rencontre, dans ma famille ou chez mes amis, me semblent tout à fait normaux. D’autre part, j’ai mené une mission pour une agence médias sociaux, qui m’a parlé de nouveaux types de comportements. Mais cette observation ne l’avait amenée à aucune pratique rémunératrice. J’ai donc commencé une étude à la fois documentaire et par interviews de DRH. Mon intérêt pour le DRH vient de ce que mon sujet d’étude est l’entreprise, et qu’il a une vue globale de ce qui s’y passe. 

Les interviews se sont révélées beaucoup plus longues que prévu. En effet, le sujet amène naturellement à évoquer les transformations de l’entreprise, et de la société en général. Je me suis arrêté sans même avoir le temps de rédiger tous les comptes-rendus de ces entretiens. Ce que je retiens de ce travail est que ce que l’on dit de la génération Y est généralement juste, mais pas les conclusions que l’on en tire. Les études publiées sur le sujet vont dans cette direction. 

La génération Y est faite de gens comme vous et moi. Son comportement correspond à une adaptation aux circonstances du moment. Et les générations précédentes ne sont pas en rupture avec elle : à quelques dinosaures près, elles aussi se sont adaptées. Dans certains cas, elles peuvent même être plus Y que les Y. (Par exemple, elles abordent les technologies de l’information avec beaucoup plus de rigueur que la génération Y.) Une partie de ce que l’on dit de la génération Y serait du fantasme ou du marketing. Cela arrangerait beaucoup de monde qu’une nouvelle génération surgisse, qui résolve sans effort nos problèmes. Par exemple beaucoup de dirigeants rêvent de jeunes hyperconnectés qu’ils dirigeraient sans intermédiaires, d’où grosses économies, et qui non seulement comprendraient instantanément les besoins du marché, mais leur obéiraient au doigt et à l’œil. Beaucoup de vendeurs rêvent d’un marché qui leur ouvrirait les bras. Idem pour les politiciens. A l’envers, ce qu’on reproche à la génération Y semble simplement être qu’elle nous met en face de nos propres échecs. La génération Y suit la ligne qu’on lui a inculquée, et elle aboutit à un cul de sac. 

(Par ailleurs, y a-t-il une "génération" Y ? On me parle d'au moins deux populations : une "globale", l'autre "banlieue". C'est la naissance qui serait le déterminant de l'appartenance à l'une ou l'autre. Défaite de la Révolution et de 200 ans d'efforts pour remplacer la naissance par le talent ?)

Mais, tout cela n'est pas très scientifique. 

jeudi 29 septembre 2016

Le changement par l'échec

Le changement rate quasi systématiquement. Des fusions acquisitions aux réformes de l'Etat en passant par le numérique, rien ne donne ce que l'on attend de lui. Ce qui m'étonne est que personne n'ait relié cette constatation à l'état pitoyable du monde. Pas plus d'ailleurs, que ça ne choque qui que ce soit qu'il y ait toujours plus de spécialistes du changement et de formation au changement. Même l'ENA se forme au changement ! 

Dans ce domaine on n'est jamais au bout de l'étonnement. Car, ce que l'on m'a enseigné à l'école, c'est que la France n'a fait que changer. Ce à quoi tout le monde s'accroche actuellement, de M.Macron à Mme Le Pen, c'est le résultat d'un programme de réformes qui a été mené par la 3ème République. La France d'après guerre est l'image même d'un changement radical. Alors que l'on disait l'âme de la France agricole, elle est devenue industrielle et du nucléaire. Jusque dans les années 90, il y a eu des succès remarquables. On croyait notre industrie condamnée par les Japs, elle s'est réinventée (cf. Renault et la Twingo). Le service public s'est transformé, aussi : on a cité, comme succès, Air France et la RATP. Comment se fait-il que l'on nous dise maintenant que la France a toujours refusé le changement ? Rationalisation de notre échec à la faire changer ?

Et s'il fallait aborder le changement par l'échec ? Votre seule certitude, c'est qu'il va rater, et que vous ne pouvez compter, pour le mener, sur absolument personne. Peut-être, alors, en arriverez-vous à vous demander ce qui marchait avant et ne marche plus ? Peut-être en tirerez-vous des idées ?

La Chine peut-elle sauver le monde ?

Un billet précédent expliquait la haine qui s'exprime partout contre les élites. Elles sont le bouc émissaire des maux de notre société : les travers de la culture anglo-saxonne. Guillotiner l'énarque serait-il judicieux ?

Plus de freins
L'exemple chinois mérite l'examen. La Chine a cherché d'abord à rejeter les Occidentaux à la mer, parce qu'ils la parasitaient. Puis, redevenue maitresse de son destin, elle a voulu s'adapter au nouvel ordre du monde. Elle a voulu faire entrer dans sa culture ce qui faisait réussir les Occidentaux. Ce fut la Révolution culturelle. Mais ça n'a pas marché. Alors elle a changé de technique en donnant un semblant de liberté à ceux qui étaient les plus proches des valeurs occidentales : ses commerçants. Enrichissez-vous ! leur a-t-elle dit. Mais elle a aussi voulu maintenir le contrôle de l’État. Toute sa stratégie est là, selon moi : devenir plus gros que les USA. Une fois qu'elle les dominera, elle imposera une Pax sinica. Elle mettra un terme à leur folle course en avant. Mais, en attendant, elle accélère la course folle... 

Il y a une autre solution. C'est penser que la machine ne va pas s'arrêter. Sinon dans le décors. Il faut se préparer au cataclysme. Cela s'appelle la résilience.

mercredi 28 septembre 2016

La science dit que mon chef est un nul

Harvard Business Review y va fort. "30 à 60% des dirigeants ont un comportement destructeur, ce qui coûte de l'ordre de 1 à 2,7m$ par dirigeant raté" ; "82% des gens ne font pas confiance à leur chef" ; "le dirigeant devrait motiver leurs équipes, or, seulement 30% des employés le sont, ce qui coûte à l'économie américaine 350md$ par an". Solution ? Appliquer ce que dit la science du management depuis toujours. (Article.)

L'analyse est-elle correcte ? Et si la faiblesse du management venait d'un principe d'organisation sociale ? Réussir résulte d'une lutte : comme en politique, c'est la capacité à intriguer qui est sélectionnée.Il n'est pas certain qu'elle soit corrélée avec la capacité à motiver.

Le gouvernement fait preuve de créativité comptable ?

Le gouvernement annonce son budget. Il a fait un "travail sérieux". En fait, il semblerait qu'il augmente ses dépenses structurelles. Ce qu'il compense par des économies à court terme, et une croissance forte. (Article du Monde.)

Cela ressemble à de la créativité comptable à la ENRON. Le danger ? Et si c'était l'esprit du service publique qui était atteint ? Et s'il s'accomodait maintenant de ce type d'arrangement ? Et si nous découvrions que les finances publiques sont pourries de l'intérieur ? Le "scénario grec" ?

Mademoiselle O

Des nouvelles de Vladimir Nabokov. 

C'est très hétérogène. C'est un mélange de genres, peut être d'influences, ou de modes du moment. Par exemple, certaines nouvelles rappellent un type de sujet, misérabiliste, qui était en vogue aux USA, à l'époque ; ce qui surprend venant d'un Russe. Cela va de souvenirs de la très riche jeunesse de Nabokov, au fantastique. Les nouvelles se terminent en queue de poisson, ce qui est, aussi, un genre. J'ai surtout trouvé qu'elles suscitaient le malaise. Peut-être était-ce la marque de fabrique de Nabokov ?

Il a écrit Lolita à cette époque. C'est un roman dont je garde un bon souvenir. A la réflexion, il obéit peut-être au même principe : l'humanité émerge de l'abjection. Question plus qu'affirmation. 

mardi 27 septembre 2016

Bienheureux salariés d'Alstom ?

Alstom veut déplacer une de ses usines, le président de la République et le premier ministre s'occupent eux-mêmes du dossier. 
On annonce une augmentation du chômage de cinquante mille personnes. Tout va bien, dit la ministre concernée.

Et si M.Hollande avait dépensé autant d'énergie pour les chômeurs anonymes que pour les quatre cents personnes de Belfort, aurait-il aujourd'hui à s'inquiéter de sa réélection ?

Efficacité de l'ISF

Apparemment les candidats de droite à la présidentielle voudraient supprimer l'ISF. La raison : éviter que les gens riches ne fuient la France et apportent aux autres des capitaux dont aurait besoin notre emploi. Mesure efficace ? se demandait France Culture, il y a quelques-temps. 

Question bien posée ? L'ISF c'est la vraie exception française. C'est dire au monde que nous refusons sa loi. Et ce quel qu'en soit le prix. On ne vend pas son âme pour éviter la misère à son peuple. La liberté ou la mort ! écrivait Kazenzaki. Tout est perdu, for l'honneur. C'est ce qu'a fait le glorieux Villepin au moment de l'invasion de l'Irak par les USA. 

En finir avec l'ISF, c'est avouer que la France est un pays comme les autres. Un pays "normal" dirait notre président. Mais demander à nos élites  de renoncer à leur complexe de supériorité n'est-ce pas exiger leur suicide ?

Jeremy Corbyn premier ministre

Une partie de l'Angleterre pourrait s'enfoncer dans la misère, selon le billet précédent. Si c'est le cas, le fait que le parti travailliste soit maintenant à l'extrême gauche n'est peut-être pas le suicide que l'on dit. En effet, ses thèses pourraient coller aux aspirations d'une population qui se paupérise. Et ce d'autant plus que les Eurosceptiques pourraient sombrer, maintenant qu'il n'y a plus d'Europe, et que les Écossais sont anti conservateurs. Et que les conservateurs sont entre les mains du sud riche, et n'ont donc que peu de latitude de manœuvre pour changer de politique.

Angleterre homme malade de l'Europe ?

"En termes de croissance économique par tête, la Grande Bretagne est en ligne avec la France, une nation qui est maintenant synonyme au Royaume uni d'échec économique. Les Britanniques ne sont pas plus riches par rapport à la moyenne de l'Europe des 15 qu'ils ne l'étaient il y a 15 ans, et le Britannique moyen doit travailler plus que la moyenne des quinze pour obtenir ce revenu", dit un rapport sur l'état de la Grande Bretagne. 

Pourquoi, alors, nous la donne-t-on comme un modèle de dynamisme ? Parce que l'on ne comprend pas la nature de ce qui s'y passe. Le pays est extraordinairement déséquilibré, entre le sud (27% de la population), très riche, et le reste, misérable. La croissance économique s'est faite du fait d'un influx massif d'immigrants (la population a cru de 10% en 15 ans), qui a masqué une détérioration toute aussi spectaculaire de la productivité du travail, et un désinvestissement dans les facteurs de croissance à long terme (éducation, infrastructures, équipement...). Pour sauver le pays, il faudrait sortir d'une politique dont la caractéristique exclusive est l'obsession du court terme. Seulement, il est hypercentralisé, et le pouvoir est entre les mains du sud. 

Le Brexit résulte de cette situation. Le pauvre s'est révolté. Le rapport conclut que sa situation ne peut qu'empirer.

Sport et discrimination

 Discussions sur la composition de l'équipe de France de football. Le sport de haut niveau est-il un terrain de discrimination ?

Quand on regarde les boxeurs américains, il y a eu des boxeurs juifs, des boxeurs italiens, des boxeurs noirs. Pourquoi ? Parce que ces gens étaient pauvres et que c'est un sport dangereux, et que l'on peut devenir riche. Et, peut-être  aussi que, quand on est pauvre, il n'y a pas beaucoup de choses intéressantes à faire. Celui qui a la possibilité de gagner correctement sa vie, sans prendre de risques, n'a pas la motivation nécessaire pour s'imposer les sacrifices d'une vie de sportif.

lundi 26 septembre 2016

D'où vient notre peur du changement ?

Le mot "changement" fait peur, parce qu'il est associé à de mauvaises expériences. 

Mais ce que nous appelons aujourd'hui "changement" n'est pas n'importe quel changement. C'est un changement qui a, explicitement, pour but de casser le lien social, de manière à amener l'avènement d'un nouveau type de société. Une société supposée être bien plus efficace et créative que la nôtre. 

Seulement, les choses n'ont pas tourné comme on l'espérait...

La France est-elle capable de penser ?

Le fils d'un ami, qui fait un doctorat au MIT, se retrouve avec 5 polytechniciens et un major de l'agrégation de maths... Le MIT est devenu la Mecque de l'élite scientifique française. L'option Mathématiques appliquées de Centrale aurait été renommée data science ! Mais les mathématiques ça n'a rien à voir avec la donnée numérique. Les mathématiques c'est la volonté démente de comprendre le monde. La donnée numérique c'est de l'anecdote, un infâme bricolage. Cela mérite autant le titre de science que le socialisme scientifique de Marx. C'est du marketing.

Mais il y a pire. Au moment où la France s'engage dans la data science comme un seul mouton, Big Data est en plein reflux. Qui va paraître stupide, bientôt ? 

Mais qu'est devenue la France ? Hier elle explorait en pionnière le progrès. Maintenant, elle absorbe les idées des autres sans les comprendre.

Raison et communication

La raison ne semble plus marcher en communication. Pourquoi ? 

Je lisais que l'on cherchait des données sur "l'ethnicité", de façon à dénoncer les "discriminations". Au même moment, lorsque Alain Finkielkraut observe que je ne sais pas quelle équipe de France n'est pas très blanche, on dit qu'il est "raciste". Où est la logique ? D'autant que j'entendais un joueur de football américain dire à France Info, qu'il y avait 70% de noirs dans ce sport, sans que cela ne dérange personne. Bien sûr, on répondra que si la raison est dévoyée, c'est pour le bien général. D'ailleurs, c'est explicitement la thèse du postmodernisme : la raison et le langage sont des armes. Seulement, quand on sait qu'ils peuvent être manipulés, ils deviennent inopérants. 

Mais, le populisme est-il aussi irrationnel qu'il le paraît ? Une partie de la population est mécontente, les hommes politiques ordinaires n'ont rien à lui proposer. Il est rationnel qu'elle vote pour celui qui la prend en considération. 

Il reste le mystère Sarkozy. Il joue des émotions, et ça marche. Or, il a déjà été président. Qu'a-t-il fait pour les mécontents ? Et s'il y avait, en nous, malgré tout, une fibre qui était mise en résonance par la haine ?

dimanche 25 septembre 2016

Communiquer comme Trump

Rien n'y fait. Prouvez que M.Trump ment ou démontrez qu'il va provoquer une catastrophe, il reste toujours aussi populaire. Pourquoi ? 

Les Grecs distinguaient la dialectique et la rhétorique. La dialectique cherche la vérité grâce à la raison. Lorsque je fais une conférence, on me présente comme enseignant, surtout pas comme consultant. Et ce même dans les temples français de l'entrepreneuriat. Qui ferait confiance à un consultant ? En France, mieux vaut rouge que marchand. La rhétorique, c'est jouer sur l'émotion, pour persuader.

Et Trump ? Les Américains appellent leurs grandes fortunes des années 1900 les "robber barons". Attrape-moi si tu peux. Le père du héros est un petit escroc. Il est pitoyable et sympathique. Le héros ? C'est un faussaire de génie. Il est condamné à perpète en France, il est une gloire aux USA. Aux USA, le bonimenteur de foire termine dans le goudron et les plumes, sur un rail, mais il est sympathique. Parce qu'il veut sortir de sa condition. Et peut-être même faire le bonheur de sa famille. C'est un entrepreneur. Dieu reconnaîtra ses bonnes intentions et comprendra ses petits écarts avec la rigueur. Trump est un de ces hommes-là. Il prétend qu'il est milliardaire. C'est probablement faux. Mais il vit comme un milliardaire, aux crochets des banques. C'est une preuve de talent. Il dit n'importe quoi ? Comme ces aventuriers qui ont fait l'Amérique.

(La radio m'a donné un autre exemple. Juppé, c'est la dialectique. Sarkozy, la rhétorique.)

Le communautarisme n'existe pas

Un invité de "la suite dans les idées" de France Culture disait que le communautarisme n'existait pas. C'était une invention de la droite et de l'extrême gauche. Elles accusaient la gauche de l'avoir importé des USA où il n'existe pas, d'ailleurs. Il n'y a pas d'équivalent au mot communautarisme en américain.

Thèse qui m'a surpris. Effectivement, je n'ai entendu parler de communautarisme que récemment. Mais la communauté, ou quelque-chose d'équivalent, est bien un fait social américain, et même protestant :
Le protestant discerne plus fortement que le catholique la réalité de l'Eglise dans la communauté locale. Elle est pour lui non pas une institution et une hiérarchie mais le lieu où les fidèles s'assemblent pour entendre la Parole, recevoir le sacrement et accepter aussi un certain nombre de responsabilités. C'est dans cette assemblée qu'à  ses yeux le corps du Christ prend forme et que l'Eglise s'édifie. (Traité de sociologie du protestantisme, Roger Mehl.)
D'ailleurs, depuis les origines on s'y regroupe en communautés, comme on le voit dans Le Parrain.
La France a longtemps été une sorte de rouleau compresseur qui nettoyait tout ce qui y entrait de son identité culturelle. C'est ce qui est arrivé à mes parents corréziens. Ce n'est que récemment, qu'on a parlé des Bretons et des Occitans, ou des Basques. Maintenant, il y a une forme de fondamentalisme islamique, qui touche les banlieues. Il suffit d'y vivre pour le voir. A côté de mon lycée, il y a maintenant une superbe mosquée. Mais, avant, il y a eu un retour des Juifs à la religion. Curieusement, c'est au moment où je suis entré en grande école, dans les années 80, que j'ai vu apparaître la kippa. Aussi bizarre que cela puisse sembler, je n'avais pas conscience de ce que "Juif" voulait dire jusque-là, et que je me rende compte que l'on me prenait pour un Juif ! (J'ai beau démentir, cela se termine souvent en "nobody's perfect" des Hommes préfèrent les blondes.) Cette transformation a d'ailleurs été d'autant plus inattendue que, dans mon enfance, les Israëliens n'étaient pas Juifs, au sens où longtemps ils ont été farouchement athées, ascendant socialistes. 

La gauche est-elle à l'origine de ce phénomène ? J'en doute. C'est le succès de l'Amérique qui a rendu sa culture triomphante, à mon avis. Il est logique que le gauche et la droite néo conservatrice, qui ont retrouvé certaines de leurs valeurs dans cette culture dominante, s'en soient faits les champions.

samedi 24 septembre 2016

Qui est M.Hollande ?

M.Hollande, le faux-jeton qu'on aime haïr ? Il est de gauche au sens "possédés" de Dostoïevski. N'a-t-il pas commencé sa mandature par une augmentation massive des impôts ? Par de nouvelles réglementations ? C'est un inspecteur des finances, l’Himalaya de l'incompétence satisfaite de soi, qui n'écoute rien. Ne dit-il pas que l'histoire reconnaîtra ses mérites, donc qu'il n'a rien à faire de notre avis ? Il a le physique du jouisseur. Il sourit bêtement. Il a une voix mièvre, de "couille molle", selon une expression que l'on prête à Mme Aubry. En voulant jouer les colonialistes au Mali, hypocrite gauchiste !, n'a-t-il pas attiré le Jihad en France ? N'est-il pas le jouet de Mme Merkel, qui le tient en lui autorisant un déficit qui lui est nécessaire pour acheter sa réélection ? Dans ce pacte avec le diable, ne s'est-il pas engagé à appliquer la politique Merkel ? Et faire le jeu des populismes ? etc. 

Méfions-nous des préjugés ? 
Mais M.Hollande a appelé MM.Valls et Macron. Ils sont au socialisme ce que l'eau est au feu. Et si, plutôt que de nous préparer un mauvais coup, il avait agi comme un président normal ? Élu à gauche, il a suivi l'exemple de Mitterrand. Notamment au Mali. Puis, il a vu que ça ne marchait pas. On disait que la gauche française n'avait pas fait son coming out blairien. Alors, il a appelé la tendance Rocard, la gauche de marché. 

J'entendais un enregistrement de M.Jospin parlant à des mécontents. Courageusement, il leur expliquait que ce qu'ils disaient n'était pas juste. Ce qui les rendait fous. M.Hollande a peut-être mal interprété cet incident. C'était bien de dire la vérité. Mais il aurait aussi fallu chercher à comprendre, au delà de son expression, les raisons du mécontentement. M.Hollande a-t-il cru que la vérité n'était pas bonne à dire ? Alors qu'il aurait fallu faire comme Clémenceau en 17 : se demander ce qui n'allait pas dans le pays ? Ensuite, il aurait peut-être eu, comme Clémenceau, quelques idées simples et pertinentes ? 

Quant à nous, méfions-nous des préjugés ?

Shakespeare l'italien

Un spécialiste de Shakespeare me dit qu'il a fait l'objet des théories les plus fumeuses. Il y a eu l'interprétation psychanalytique d'Hamlet (elle se retrouve dans l'Hamlet de Lawrence Olivier : Hamlet veut coucher avec sa mère). Surtout, depuis 1857 a surgi l'idée selon laquelle Shakespeare n'a rien écrit. Dernièrement, on a attribué son œuvre à un Italien. Le plus curieux est qu'il suffit de lire Shakespeare pour voir l'erreur :
un des arguments les plus souvent rencontrés (...) consiste à affirmer que l’auteur avait une connaissance foisonnante de la géographie de l’Europe, particulièrement de l’Italie. (Or) Il fait de l’Aquitaine une province de la Navarre, met un duc à la tête de l’empire d’Autriche, et un autre à Venise, situe la Bohême au bord de la mer, la Pologne dans l’Arctique, Padoue en Lombardie, le reliquaire de saint Jacques de Compostelle à Florence. À l’exception du Rialto, dans Le Marchand de Venise, dont on ne sait pas s’il désigne le pont, le marché, ou un lieu non précisé, aucun nom de rue ni de place publique ne figure dans les pièces italiennes, aucun nom d’église à l’exception de l’église Saint-Pierre de Vérone qui n’a jamais existé. Dans Les deux Gentilshommes de Vérone Valentin se rend de Vérone à Milan par la voie maritime et attend la marée pour s’embarquer.
Mais personne ne l'a fait. Et si les grandes idées qui nous gouvernent avaient aussi peu de fondements ?

vendredi 23 septembre 2016

Les chances de M.Macron

M.Macron a-t-il une chance d'être élu ? Il est de gauche, alors que l'on est parti pour une alternance. En outre la gauche n'a jamais eu de candidats naturels, mais a toujours été traversée par les intérêts particuliers. Quand elle n'est pas dirigée par des manœuvriers géniaux comme Jaurès, Mitterrand ou Hollande, un temps, elle explose en luttes fratricides. Que peut faire M.Macron avec un tel panier de crabes ? 

Eh bien, il y a peut-être une solution. Il faudrait un désistement de M.Hollande en sa faveur, et une sélection de M.Sarkozy par les Républicains. Sachant que Marine Le Pen sera au second tour, la gauche non suicidaire peut avoir un vote tactique. De même que la droite modérée, qui hait Sarkozy. Cela représente peu de voix, mais suffisamment pour battre M.Sarkozy. Ensuite, il a une bonne chance face à Mme Le Pen, puisque son succès vient probablement beaucoup d'un rejet du couple présidentiel Hollande, Sarkozy. 

Peu de chances que cela se produise. Mais cela signifie que M.Macron a bien joué. Habile manœuvrier, après tout ?

De la perversion en politique

M.Sarkozy devrait être notre prochain président. D'après un sondeur, M.Juppé ne pourrait faire, au mieux, que jeu égal avec lui, lors de la primaire des républicains. Et encore, si d'hypothétiques non inscrits, en partie de gauche, y participent. 

Étrange. M.Sarkozy va gouverner le pays alors qu'il est honni par une très grosse majorité de l'électorat. (A moins que le dit électorat ne le contraigne immédiatement à la cohabitation.) En Angleterre, c'est pareil. M.Corbyn semble fermement installé à la tête du parti travailliste, ce qui condamne ce parti au purgatoire, voire à la dislocation. Tous les deux ont utilisé les règles de la démocratie pour leur faire dire le contraire de leur esprit.

Cela m'a rappelé la question du "pervers narcissique". Dans une société individualiste, l'homme, égoïste, utilise les règles sociales pour son intérêt propre : il les pervertit ?

jeudi 22 septembre 2016

L'étrange M.Macron ?

Qui est M.Macron ? Un ultra libéral adoré par The Economist. Mais aussi un fervent de M.Rocard. Donc un radical. Un adhérent à une pensée qui a fait de la France ce qu'elle est. Une pensée, aussi, honnie par le socialisme. Rappelez-vous l'affrontement entre Clemenceau et Jaurès. Or, M.Macron a été ministre d'un gouvernement socialiste ! Mais alors, il est bourré de contradictions, cet homme ?

L'anarchie vaincra !
Au contraire. Le radicalisme est proche de l'anarchie et du protestantisme. En effet, son principe est que, s'il a été correctement formé, un homme n'a pas besoin de lois. Il fera naturellement ce qui est "bien". D'où les "hussards noirs". Ils doivent apporter à tous les éléments de jugement nécessaires à l'homme de bien. D'ailleurs, l'origine de la théorie libérale actuelle n'est pas anglaise, mais française. Les philosophes des Lumières cherchaient des "lois naturelles" qui pouvaient organiser la société sans intervention humaine. En effet, l'homme est un loup pour l'homme, pensaient-ils. Ceux d'entre-eux que l'on a appelé les "économistes" croyaient que ces lois étaient celles du marché. Ne s'autorégule-t-il pas ? Les Anglo-saxons n'ont fait que reprendre cette théorie. Cependant, ils ont constaté que le marché, laissé à lui-même, suscitait des crises. La seconde guerre, et le fascisme, on résulté de telles crises. Ils ont pensé qu'elles étaient des maladies monétaires. Les "monétaristes", qui est à l'origine de notre société actuelle, ont proposé un mécanisme régulateur : la gestion de la masse monétaire par la banque centrale. (On notera que l'homme libéral ne devant pas être réglementé par l'homme, ils sous-entendaient par là que la banque centrale était d'origine divine.)

Pour leur part, les radicaux se sont vite méfiés du laisser-faire. Ils ont découvert d'autres mécanismes de régulation que le marché : notamment la solidarité. Ils croyaient beaucoup en l'assurance (mutuelles), par exemple. L'économie sociale (les associations, coopératives, mutuelles...), c'est aussi eux. L'économie oui, mais l'acteur économique, l'entreprise, doit être géré comme une démocratie. C'est ce que disait Proudhon. Et Marx, le père du socialisme moderne (ou plutôt du gauchisme ?), l'appelait "utopiste". Quant à l’État providence et planifié d'après guerre, qui fait du citoyen un assisté, ce n'est pas eux. C'est un héritage de la pensée technocratique. Une pensée plus ou moins fortement totalitaire... En ce sens, la loi El Komry, dans la mesure où elle signifie encore quelque-chose, est une loi radicale ! Elle veut faire de l'entreprise une démocratie.

Le pari d'Emmanuel ? 
Lorsque j'écoute des Espagnols ou des Allemands, ou que l'on me parle de ce qui se passe en Angleterre, je vois des sociétés en détresse. C'est un peu comme si l'on y avait remplacé le chômage par le système victorien des Poorhouses. Le perdant trime pour une bouchée de pain, dans des conditions infectes. D'ailleurs, il ne produit rien. Son travail est une punition? Or, on nous dit que c'est parce que ces mesures ont réussi ailleurs qu'il faut les appliquer chez nous ! Et si ce n'était pas ce que pensait M.Macron (ou M.Valls) ? Et s'il reconnaissait dans ces mesures quelque-chose de typiquement français ? Et s'il pensait que, de ce fait, cela réussira chez nous, même si cela a échoué à étranger ? Et si cet échec était une partie de la preuve ? 

Un acte de foi ?

Les bénéfices de l'âge

Curieux, l'âge a un bénéfice dont on ne parle pas. Il permet de rassembler dans une seule tête beaucoup de connaissances. Et, vue la capacité à apprendre de l'homme, on peut imaginer que toute cette connaissance stockée en un seul endroit puisse atteindre une masse critique qui fasse boum.

Cela est d'autant plus frappant que l'on considère notre mécanisme d'apprentissage. Nous passons une grosse partie de notre vie à faire les erreurs de nos parents et de tous ceux qui nous ont précédés, depuis la nuit des temps. Déjà l'invention du grand parent a dû faire des miracles en termes de transmission de connaissances. Mais qu'en serait-il si l'arrière grand parent utilisait sa tête et ce qu'il a absorbé pour faire du radicalement neuf ?

Or, toute notre société est organisée pour l'empêcher de passer à l'acte. Désormais, on est vieux et éjecté de l'entreprise à 45 ans. Pire, on loue l'enfant qui, contrairement à Rimbaud, doit être un ramolli du cerveau. L'homme doit être un bêtifiant éternel. C'est notre idéal. Notre société est un gigantesque EHPAD.

mercredi 21 septembre 2016

De la responsabilité en politique

Je suis bien loin du monde. Je découvre que Mme Le Pen serait maintenant certaine d'arriver au second tour de l'élection présidentielle. Comme le Brexit, ou M.Trump, elle ne devrait pas l'emporter, finalement. Cependant son camp compterait désormais des intellectuels et des hauts fonctionnaires. 

J'ai pensé que MM.Hollande et Sarkozy étaient, eux-aussi, différents des autres hommes. N'importe qui, constatant qu'il n'a qu'une poignée de sympathisants, et, donc, qu'il y a des chances que  "moi candidat, j'ai fait élire le FN", renoncerait. Pas eux. Mieux, ils font tout pour se débarrasser de ceux qui auraient plus de chances qu'eux de réussir. C'est l'effet imprévu d'un système fondé sur la sélection ?

(Sondages. Le plus fort : "A la question "Parmi les candidats suivants, lequel souhaiteriez-vous voir représenter la gauche à la présidentielle 2017 ?", les sondés répondent à 29 % Emmanuel Macron. Ils ne sont que 15 % à répondre Manuel Valls, 12 % à choisir Jean-Luc Mélenchon, 11 % à désigner Montebourg, 9 % à opter pour Martine Aubry, 6 % à choisir François Hollande.")

Grand Kiff

Il y a deux semaines, j'entendais parler de "Grand Kiff" par France Culture. Curieux nom. Rassemblement de jeunes protestants. On leur a demandé, cette année, de refaire l'exercice de Luther. Luther a protesté contre l'Eglise. Pour cela il a écrit 95 thèses. On a demandé aux jeunes protestants d'écrire les thèses que leur inspirait notre époque. 

Amusant. Cela ressemble aux exercices que je fais faire aux entreprises : que signifient les valeurs qui vous fondent eu égard aux circonstances actuelles ? Qu'est-ce que cela vous donne envie de faire ? Ce qui compte n'est pas tant la réponse que l'exercice en lui-même. Il met en branle votre pensée. Il vous sort de l'état végétatif. Il y avait même un aspect "balanced scorecards" à ce travail : il était divisé en 4 sous thèmes. "Résistance" semble avoir beaucoup inspiré.

Curieux exercice, tout de même. La parole de Luther n'est-elle pas sacrée ? Eh bien non. Ce qui l'est, c'est son attitude. C'est d'utiliser sa conscience, sa tête, pour se demander ce qui est bien. Et lui, il l'a fait, pour dénoncer les manipulations honteuses de l'Eglise. Ainsi, il a peut-être introduit le ver dans le fruit : la raison s'est mise à douter de la foi. Or, la foi peut-elle être autre chose qu'aveugle ? Mais, le ver était peut-être déjà là. La foi était manipulée par l'intérêt papal. Décidément, la source de nos maux, c'est la raison, le désir de "connaissance" ?

mardi 20 septembre 2016

Rejet de la culture américaine

Regardez les Champs Elysées. Écoutez la radio : rock, pop, folk, rap. Il est banal de dire que la culture anglo-saxonne nous domine. Mais ce qui l'est moins est la prise de conscience des conséquences pratiques de ce processus. Par exemple, il nous impose un modèle d'entreprise qui n'est pas le nôtre. La société française est une société construite par l'immigration, multiculturelle donc, mais pas au sens anglo-saxon. De même, la "déréglementation" libérale ou de 68 n'a rien de français. Idem pour notre amour nouveau de la nature vierge, qui s'oppose à une longue tradition du jardin (au sens Le Nôtre) ou du champs. Et même pour notre système politique. Il fut radical ou monarchique, supposé représenter l'intérêt général, mais jamais, comme aujourd'hui, un affrontement gauche / droite, entre partis représentant des "intérêts spéciaux". La droite s'appelle même, maintenant, "les républicains" !

La Grande Marche de Mao semble avoir eu pour but de rejeter à la mer l'influence délétère occidentale. Et si le rejet actuel des élites, ressortissait au même phénomène ? Les élites mondiales ont été séduites par le modèle stratifié anglo-saxon, qui leur proposait de rejoindre la classe privilégiée. Elles ont cherché à y convertir leurs peuples. Mais, M.Hollande  n'est pas M.Clinton, et l'on ne remplace pas une culture dans un claquement de doigts, "le changement c'est maintenant". Alors il y a réaction ? Le corps cherche à rejeter la greffe ? Et, avec elle, "l'élite" qui la représente ? (à suivre)

Le monde est-il mathématique ?

Pour des raisons pratiques j'essaie de savoir ce qu'est la géométrie algébrique. Je pourrais peut-être me plonger dans des cours. Qui sait, j'y comprendrais peut-être quelque-chose ? Mais je pense que m'enliser dans les détails me ferait rater la proie pour l'ombre. C'est un enseignement que j'ai tiré de l'époque où je m'occupais d'algorithmes pour Dassault Systèmes.

La conjecture de Faurie
Mon intuition du moment est que l'objet de la géométrie algébrique est de ramener des choses qui ne sont pas naturelles, les entiers, pleins de trous, à d'autres qui le sont plus, les espaces, sans trous. C'est comme cela que j'interprète les conjectures de Weil. On procède comme dans la vie. Dans la vie, on remplace un phénomène représenté par un mot abstrait - soleil, arc en ciel, voiture... - par les différents points de vue que l'on a de lui.  On substitue, par exemple, au "tableau" ce qu'en disent ceux qui le regardent. Et de ces points de vue, qui peuvent remplir des livres et des livres, surgit une idée : la nature "systémique" de la dite chose. "Sa structure.""Ce que c'est." Le peintre n'a pas voulu seulement représenter Louis XIV chassant en forêt, la pluie venant de cesser, l'éclaircie déchirant les nuages, il nous a transmis un message. Quelque chose de l'âme de la société à laquelle il appartenait. Un peu comme un haïku. Le mot "arc en ciel", exemple plus prosaïque, sera remplacé par une équation supposée le représenter (Newton, Airy...)...

Il y a une histoire d'Edgar Poe qui illustre ce que je veux dire. Un crime est commis. On interroge des témoins auditifs. Chacun identifie une langue différente. Conclusion : ce n'est pas un homme. C'est un singe. Des observations multiples, on est passé au "système", explication unique des observations : le singe. 

En géométrie algébrique, on remplace des entités "artificielles" "de dimension 0", appelées "schémas", par un ensemble de fonctions définies sur ces entités, appelées "faisceaux". Et, par une nouvelle transformation, on va à nouveau trouver quelque-chose de "dimension 0". C'est la "signification" du phénomène que l'on cherchait à comprendre. La propriété. La conjecture de Fermat, son "grand théorème", est juste, par exemple. Miraculeux : on a démontré sans calculer !

Les mathématiques courent après la nature
En conséquence, je ne pense pas que la nature soit mathématique. C'est la mathématique qui court après la nature. La mathématique est le propre de l'homme. Il construit un monde artificiel avec des maths. Mais ce monde n'est pas tout. De temps à autre, un événement imprévu survient. Un tsunami par exemple. Et boum, Fukushima. Alors l'homme revoit ses calculs. Il invente de nouvelles techniques. Dernière métaphore. Celle du bateau. Personne ne prétendra qu'un bateau a quoi que ce soit de naturel. Un bateau est bâti à coups de techniques et d'équations. Quand il flotte, tout va bien. Quand il joue les Titanic, on invente de nouvelles équations, en faisant avancer nos techniques. Le monde humain est comme ce bateau. Il navigue au milieu d'éléments qu'il ne connaît pas. Et qui ne sont probablement pas connaissables. Parce qu'ils s'inventent en permanence. Alors nous devons changer. Ou couler.

lundi 19 septembre 2016

Le fonctionnaire vote FN

Jeudi dernier France Info disait que le fonctionnaire votait FN. Certes pas l'enseignant, mais quasiment toutes les autres catégories. Ce serait une question de déclassement et de conditions de travail. On disait aussi que la gauche s'était retournée contre son électorat traditionnel : elle le trouvait ringard, et bon pour la poubelle de l'histoire. 

Au même moment, j'ai saisi des bribes d'une interview d'Erri de Luca par France Culture. Il a eu une jeunesse révoltée et violente. Mais qu'est-ce qui justifiait cette violence ? Et surtout, contre qui s'est elle exercée, finalement, lorsque les révoltés ont hérité le pouvoir de leurs parents ? Contre le petit peuple, qui ne demandait rien, et n'avait pas conscience qu'il était la personnification du mal ?

Pourquoi Big Data est-il un flop ?

De plus en plus de SSII liquident leur activité Big Data. Pourquoi Big Data est il un flop ? Mon enquête :

Big Data ou Big Frustration (JDN).

Disparition de la classe moyenne

Est-ce que "classe" va avec "moyenne" ? L'idéal de la France, c'est l'égalité. Tous "moyens" ! "Classe" vient d'une autre culture. La façon dont elle s'est implantée est, probablement, une illustration de ce que l'anthropologie a observé ailleurs. 

J'ai eu la surprise, dans une conférence, d'entendre un économiste éminent et libéral, se plaindre du manque de mixité de notre société. Nous ferions bien de prendre de la graine de ce que font les USA, avec leur discrimination positive. Or, j'ai passé ma jeunesse à Argenteuil. Ma scolarité et ma vie se sont déroulées au milieu de gens d'origines variées. D'ailleurs, le modèle français est fondé sur l'immigration. Pourquoi, d'un seul coup, nos intellectuels nient-ils la réalité ? Et voilà ce que dit l'anthropologie. La victoire de l'Amérique a été aussi celle de sa culture. Quand une culture s'impose, elle crée ses mythes. Leur objet est de justifier l'organisation sociale. 

Peut-être, comme le disait Marc Bloch au sujet des Francs, qu'une culture ne peut en conquérir une autre qu'en s'alliant à une partie de ses élites ? C'est l'équivalent français de la classe supérieure américaine qui a été le vecteur du mythe. L'équivalent des Démocrates (les intellectuels riches) et les Républicains (qui portent le même nom en France).

D'ordinaire, le changement se fait par la force, par occupation de terrain. Dans notre cas, il s'est agi de "soft power". Ce sont ceux qui ont combattu "l'impérialisme américain", qui ont probablement été le meilleurs promoteurs de sa culture. D'ailleurs, leur révolte a été à l'image de celle des jeunesses privilégiées des USA. L'Amérique dit : tout est possible, obéissez à vos pulsions. Voilà qui plaît, et qui dissout la moyenne.

dimanche 18 septembre 2016

Pour se faire élire : QI ou QE ?

Je me souviens que lorsque DSK a démissionné du ministère des finances, son remplaçant avait déclaré, en substance, qu'il n'aurait aucun mal à occuper sa fonction puisqu'il faisait déjà tout le boulot. Il a été vite débarqué. Idem pour l’Éducation nationale, qui a eu besoin du charme de Jack Lang pour calmer ses troubles. Mme Clinton a en QI ce que M.Clinton a en QE. Qui préfère-t-on ? Et que dire de M.Reagan ? M.Chirac ? N'aimerait-on pas l'intellectuel ? Avoir des faiblesses humaines serait-il un atout en politique ? Mais, M.Obama semble avoir la côte actuellement. Or, c'est l'intello ultime. 

Je vois la recette suivante.
  1. Un talent fou, éventuellement dans l'art de la manigance, à l'image de Mitterrand ; 
  2. mais aussi être "estimable" : on comprend qui ils sont (entendre "estimer" au sens "mesurer"), ils poursuivent quelque chose, ils sont "honnêtes" (ils ne dissimulent pas), et, surtout, ils ont une forme de respect pour nous. Attention, comme le montrent toutes les guerres, un adversaire est souvent plus estimé qu'un allié.
Application
Je pense qu'Obama a commencé par être haï pour tout ce qu'il représentait. Et qu'il a fini par être estimé parce que, dans son genre, intellectuel, il matérialise les valeurs américaines. Ses adversaires doivent être admiratifs : seul, il a réussi à les défaire, et sans entourloupe, par l'intelligence pure. Quant à MM. Sarkozy et Hollande, je soupçonne que beaucoup leur reprochent de les mépriser, d'avoir un "agenda caché", comme on dit en anglais. J'ai entendu des gens de gauche, qui avaient débattu avec Mme Le Pen, confesser qu'ils avaient eu la désagréable impression de la trouver sympathique. Elle croit à ce qu'elle dit. Surtout, elle représente beaucoup de leurs valeurs : elle bataille contre tous les problèmes que rencontre une femme qui veut être l'égale de l'homme, c'est la Jeanne d'Arc du féminisme. Cela me semble confirmer mon hypothèse. En revanche, je pense qu'elle n'a pas le talent de son père. Être estimable n'est pas tout, il faut une forme de génie. C'est peut-être tout cela que l'on appelle "l'autorité" ?

Alexandre Jardin

En me renseignant sur Alexandre Jardin, j'ai découvert qu'il avait dénoncé son grand père comme étant un collaborateur. Le dit grand père avait été le chef de cabinet de Laval. Du fait de la position de ce grand père, la famille d'Alexandre Jardin était entourée de gens importants. Tous, s'ils en avaient l'âge, ont eu un comportement peu reluisant durant l'occupation, a-t-il découvert. 

Ce qui m'a montré le décalage entre son monde et le mien. Mes parents et mes grands parents ont subi la guerre comme une calamité. Un tunnel sans fin. C'est cela d'appartenir au petit peuple.

J'ai aussi lu qu'il avait soutenu son frère lorsqu'il avait voulu faire reconnaître qu'il était le fils du réalisateur Claude Sautet. Un test ADN en a décidé autrement. 

Je me suis demandé si Alexandre Jardin n'était pas un peu extrême dans ses positions. Si sa famille n'est pas parfaite, alors elle est l'incarnation du mal ? Et s'il n'y avait ni bien, ni mal, mais des hommes qui font ce qu'ils peuvent au milieu de circonstances compliquées ?

samedi 17 septembre 2016

Fragile Hillary

Le plus surprenant dans l'élection américaine n'est pas la force de Trump, mais la faiblesse "d'Hillary". 

Je me suis rendu compte que celui qui écoute un discours le juge selon deux critères : honnêteté et compétence. Le premier est de loin le plus important. Hillary semble compétente. Probablement, elle est beaucoup plus intelligente que son mari. Mais est-elle honnête ? On parle de ses dissimulations d'emails. Rien de bien sérieux, pour nous, en France. Mais y aurait-il de fumée sans feu ?

En fait, Trump semble avoir flairé un autre point faible. Il a dit que, contrairement à lui, elle a une santé fragile. Or, on vient de se rendre compte que c'était le cas. A tel point que M.Obama a dû la remplacer dans ses meetings de campagne. Elle nous dissimulait donc quelque-chose ? Surtout : voudriez-vous confier la tête de la puissance mondiale à une faible femme, vieille de surcroît ? Hillary n'est ni Merkel, ni Thatcher. Les préjugés servent la com. 

Et cela pose, du coup, la question de son vice-président. Mais, c'est une autre histoire. 

La maison des citoyens

Je me suis inscrit à la maison des citoyens. C'est une idée d'Alexandre Jardin. Pourquoi ? Pour voir de quoi il s'agit. J'en ai entendu parler à France Info. Il y était question de citoyens qui ne sont plus entendus. Et que le changement doit venir d'en bas, pas d'en haut. Et que ce qui compte, ce sont ceux qui font, et pas ceux qui disent. Pour le reste, je ne vois pas ce qui va se passer.

Cela fait bien longtemps que l'on m'explique qu'Alexandre Jardin fait le même bruit que moi. Mais j'hésite à m'enthousiasmer. Tout ce qu'il dit semble bien, mais est-ce que cela est suffisamment pratique, germanique, pour avoir un réel effet ? Et aussi, j'ai fini par penser que les gens d'en bas n'étaient plus si bien que cela. Il n'y a pas de bons ou de mauvais. Que l'on soit en haut ou en bas, on partage le même état d'esprit. On n'a, simplement, pas les mêmes moyens pour l'exprimer. Comme le disait l'aveugle de Diderot : c'est ennuyeux d'être aveugle, parce que l'on ne peut pas voler aussi facilement que si l'on voyait bien. Et il est fini le temps où ceux d'en bas avaient acquis un savoir-faire qu'il suffisait de détecter pour transformer une entreprise grâce à lui. Maintenant, tout le monde veut une réussite immédiate, sans effort. On n'accumule plus. On prend. Et, d'abord à celui qui assez idiot pour vouloir vous aider. Même s'il est plus pauvre que vous.

vendredi 16 septembre 2016

Indestructible Trump

Donald Trump semble avoir de bonnes chances de gagner les élections américaines. Rien n'y fait. La presse a beau le ridiculiser, il tient. 

Les anglo-saxons des affaires ont une conception de la communication qui ressemble à celle de Goebels. Ils bombardent le marché d'idées qui leur sont favorables, et ils regardent celles qui "collent". Il est probable que, généralement, ce sont celles qui encouragent nos vices, ou, du moins, nos préjugés.

De quels types de préjugés s'agit-il ? Un dirigeant m'a dit qu'il avait voté Sarkozy, car il pensait "qu'il taperait sur les autres". Les autres étant ceux que M.Sarkozy rendait hystériques. Beaucoup de gens semblent avoir partagé son point de vue. Parmi eux, pas mal d'enseignants, et même des syndicalistes.

M.Trump est un maître de la communication, un homme d'entreprise. Il exploite une aspiration forte d'une partie de la population. Tout le reste n'est que détails. 

Marques malveillantes

Une enquête sur la "bienveillance" des marques. (Décidément "bienveillance" est à la mode.) Les 10 marques les plus "malveillantes" : Quick, HSBC, McDonald's, KFC, Burger King, Facebook, Twitter, Coca-Cola, Volkswagen et Pepsi. 

Ce sont des marques dont on parle beaucoup, et qui font beaucoup de publicité, et dont on consomme beaucoup les produits. Et pourtant on ne les aime pas. C'est aussi les étendards, nouveaux ou anciens, du capitalisme américain. Rejet d'entreprises ou d'une culture ? 

(L'exception est Volkswagen, mais la marque pâtit d'avoir trompé son monde.)

jeudi 15 septembre 2016

La persuasion de Pascal

Quand on veut reprendre avec utilité et montrer à un autre qu’il se trompe il faut observer par quel côté il envisage la chose car elle est vraie ordinairement de ce côté‑là et lui avouer cette vérité, mais lui découvrir le côté par où elle est fausse. Il se contente de cela car il voit qu’il ne se trompait pas et qu’il manquait seulement à voir tous les côtés. Or on ne se fâche pas de ne pas tout voir, mais on ne veut pas être trompé, et peut-être que cela vient de ce que naturellement l’homme ne peut tout voir, et de ce que naturellement il ne se peut tromper dans le côté qu’il envisage, comme les appréhensions des sens sont toujours vraies. (Pensées de Pascal)

Une façon de persuader approuvée par la psychologie moderne.

Collège de France

En passant près du Collège de France, je me suis demandé pourquoi il n'avait plus son prestige d'antan. Certes, dernièrement on essaie de le relancer. Mais il est loin le temps où l'on estimait qu'Einstein n'en était pas digne.

J'ai émis l'hypothèse suivante. La cause en est la massification de l'enseignement. Jadis nos grands savants faisaient l'objet d'une spécialisation qui commençait tôt. Ils avaient droit à un traitement de faveur, qui produisait un cercle vertueux : de très bons enseignants, de très bons élèves. Aujourd'hui, l'enseignement est saupoudré sur quasiment l'ensemble de la population, et notre prétendue "sélection" peine à reconnaître le talent. Elle le confond avec la capacité à réussir des examens. Beaucoup pensent d'ailleurs que ce sont les moins bons élèves qui ne peuvent s'extirper du secteur de la recherche et de l'enseignement.

mercredi 14 septembre 2016

Alexandre Grothendieck en vidéos

Pas très content de mon acquisition (billet précédent), je suis allé me renseigner sur A.Grothendieck chez Youtube. Peu de choses, mais intéressantes. En particulier une conférence de l'Institut Henri Poincaré. (C'est fait par des matheux, avec tout ce que cela veut dire. Avertissement.) Qu'est-ce que j'en tire ?

Mathématiques germaniques
Qu'il était allemand ! Il n'avait pas qu'un accent allemand lorsqu'il parlait, mal ?, français. Il avait aussi une approche des mathématiques qui me semble allemande. Au lieu de chercher une démonstration élégante et courte, il faisait du très, très, long. Il résolvait les problèmes par des problèmes encore plus "complexes". (Dans certains cas, il pouvait passer à côté d'une solution triviale.) En faisant ainsi, on peut faire fleuve, la moindre de ses œuvres compte des milliers de pages (mais faciles à comprendre ?).
Car pour lui quelque chose est compris quand la démonstration devient triviale, même si c’est au prix de centaines de pages de définitions. En fait l’unique question pourrait être : « Quelle est la bonne définition ? ». Car une fois les choses proprement définies, les propriétés qu’elles ont sont naturelles : la bonne définition d’un vélo doit amener à l’idée qu’il roule !
En fait pour bien répondre à la question précédente, on peut même remonter plus loin, dans le langage, en posant la question : « Quelle est la bonne terminologie ? ». (Article.)
Voilà ce qui différencie la Mercedes de la Peugeot : l'une est simple et fiable et bien conçue, mais grosse et coûteuse, l'autre est un acte d'inventivité, d'une fiabilité qui tient au miracle, mais bon marché. C'est aussi le mécanisme de la phrase allemande : elle est longue et il faut attendre jusqu'au bout pour comprendre ce qu'elle signifie, mais elle correspond à une pensée bien construite ?

Il est probablement caractéristique de sa méthode germanique que, pour résoudre les conjectures d'André Weil, il a défini un programme qu'il lui a fallu une décennie pour remplir. (Il est peut-être aussi significatif des limites de la méthode allemande qu'il n'y soit pas totalement parvenu, il a "résolu" le dernière conjecture par d'autres conjectures...)

Structures
Une de ses grandes idées serait la notion de "topos". A l'espace des problèmes correspond un espace infiniment plus vaste et complexe (au point correspond l'ensemble des ensembles - ou quelque chose d'approchant, car un "ensemble" d'ensembles me semble une contradiction), dans lequel tout devient simple.

A.Grothendieck était "platonicien" dit-on dans ces vidéos. Il pensait que ce que nous percevons s'explique par une structure sous-jacente, le monde des "idées" pour Platon. Et qu'il suffit d'ouvrir ses yeux, des yeux d'enfants, pour la voir. Serait-ce cela la définition ultime de "géométrie algébrique" ?

Voilà pourquoi il s'est intéressé à la physique à la fin de sa vie. C'était un écologiste, à l’allemande ?, persuadé que l'humanité allait se détruire. Constatant qu'il n'arrivait à convaincre personne, il s'est dit qu'il devait y avoir une science globale, qui dépasserait la physique et inclurait l'homme, et que ses mots seraient compréhensibles par tous.

(Platonicien, vraiment ? A l'époque, le structuralisme marchait à plein régime. Il se trouve que Claude Lévi-Strauss, pape du sujet, avait mis à contribution le fameux André Weil, dans une tentative d'explication de la structure des relations au sein d'une communauté qu'il étudiait.)

Tout cela a-t-il eu des applications pratiques ? Peut-être. J'ai vu (mais pas regardé) des vidéos qui parlent d'application à la théorie des cordes, et il semblerait que c'ait servi à trouver une preuve du grand théorème de Fermat, si j'en crois wikipedia.

Alexandre Grothendieck

Depuis le temps qu'un ami me dit que je ressemble (physiquement) à Alexandre Grothendieck, jeune ou vieux, il fallait que je me renseigne sur ce mathématicien. Mais, j'ai fait le mauvais choix. J'ai trouvé deux livres sur lui et j'ai pris celui-ci parce qu'il me semblait agréable à lire. C'est le cas. Mais on n'y trouve pas plus que le contenu d'un article. Je n'ai quasiment rien appris sur l'homme et son œuvre. 

Alexandre Grothendieck a une enfance effroyable. Il est le fils de révolutionnaires, en fuite permanente. (Eh oui, les révolutionnaires ont des enfants !) Père ukrainien, mère allemande. Il est confié pendant ses premières années à un foyer nourricier. Puis se retrouve dans un camp d'internement en France. Il y a de quoi fabriquer un fou furieux. Ensuite, son talent est repéré par la communauté mathématique française. Elle va le guider dans ses études, puis se mettre à son service. Pendant des décennies, il va produit des pages de mathématiques, à un rythme inconcevable, et les meilleurs mathématiciens français vont consacrer leur vie à les mettre au point et à démontrer ses intuitions. Cadences infernales et quasiment travail d'usine : ils font les "deux douze". Il écrit la nuit, ils mettent au point le jour. En 68 lui arrive une révélation à la Sartre. Non, il n'est pas un prolo, dont la pureté serait garantie par le passé révolutionnaire de ses parents. Il est un bourgeois. Alors, il va absorber les idées de 68, sans les digérer. Pour autant, sa révolte ne sera que velléitaire. Protégé par l'élite mathématique, il fera une carrière quasiment normale. Ce n'est qu'à la retraite qu'il choisira de mener une vie d'ermite, ou, plutôt, d'ex soixhante-huitard. Il vivra entre son ennemi Satan et ses amies les plantes. Entre temps, il se sera brouillé avec tous ceux qui lui voulaient du bien, à commencer par ses enfants. 

Et sa contribution aux mathématiques ? Impossible de savoir de quoi il s'agit. Il est question parfois de mathématiques dans ce livre, mais jamais en rapport avec son oeuvre, la "géométrie algébrique". Du début à la fin de sa vie, il a énormément écrit. Une partie de ce travail a été analysée par la communauté mathématique et parachevée. Mais mérite-t-il sa réputation de meilleur mathématicien du siècle ? A-t-il eu une utilité ? Ou l'époque où les mathématiques ont coïncidé avec la réalité est-elle révolue ? Elles ont pris une vie qui leur est propre ? Mystère.

mardi 13 septembre 2016

Sélection systémique

Il y a quelque chose de curieux aux USA. C'est l'admiration qui est due à l'homme qui réussit. On le considère immédiatement comme un oracle. Sans même examiner comment il a fait pour s'enrichir. Admiration qu'on lui retire dès qu'il fait faillite. Pour un Français, cela paraît surprenant. Lui, considère le bagage intellectuel. Et même celui des dieux de la Silicon Valley est bien faible.

L'Américain a une théorie pour justifier son amour : la sélection naturelle choisit les meilleurs. 

Peut-être a-t-il raison ? Mais la sélection n'est pas vraiment naturelle. C'est celle du système. La sélection sélectionne des gens qui ont les caractéristiques que veut le système. Le marché veut des gens pas très malins, qui aient une grosse santé. Une autre système sélectionne autre chose. Le système politique français sélectionne les Hollande et Sarkozy, par exemple.

Si l'on n'est pas très satisfaits du résultat, c'est peut-être que ces systèmes ne sont pas totalement humains. Ils demeurent encore un peu "naturels". Comme le disait Charles Gide, dans un jardin laissé à lui-même, il ne survit que de mauvaises herbes.

Les vertus de la démocratie anglo-saxonne

Il y a longtemps j'ai lu le travail d'un anthropologue sur le Rwanda. Il disait que la cause de ses malheurs était la démocratie. Avant l'arrivée du colonisateur, chaque composante ethnique du pays occupait une sorte de niche écologique, une fonction, ensuite tout le monde a été mis sur un pied d'égalité. La logique de l'affrontement s'est substituée à celle de la complémentarité.

La démocratie semble avoir cet effet. Y compris chez les Grecs, où elle a été inventée. Déjà on y voyait un affrontement entre le peuple et les oligarques. Mais alors, comment se fait-il que le modèle anglo-saxon résiste aussi bien, depuis aussi longtemps (en Angleterre), alors qu'il est extraordinairement inégalitaire ? 

Quelques idées :
  • Anthropologie. Le modèle démocratique actuel est un modèle culturel anglo-saxon. Il est stable dans le monde anglo-saxon par construction, donc. En revanche, ailleurs, il doit cohabiter avec des "hypothèses fondamentales" (la culture réelle), incompatibles. (Modèle d'Edgar Schein.)
  • Modèle de Mancur Olson. Une société d'individus obéissant à leur intérêt propre tend à être dominée par des oligopoles. L'intérêt est efficace pour rendre solidaire un petit groupe de privilégiés, et désorganiser une majorité d'exploités.
  • Multiculturalisme. Si on adjoint le droit de vote au modèle précédent, quand la misère frappe, la majorité s'unit. Alors, stabilisateur = multiculturalisme ? Des communautés ayant des identités fortes ne peuvent s'allier ? (Nécessaire émigration et immigration ?) 
(Mancur Olson propose une modélisation plus subtile que celle-là : une culture de l'intérêt produit des coalitions d'intérêt, partout, pas uniquement au sommet. De ce fait, l'immigration, qui permet de casser ces solidarités, est nécessaire pour que la société ne se sclérose pas.)

lundi 12 septembre 2016

Enfance et narcissisme

Narcissisme, mal de notre temps. Comment survient-il ? 

Apparemment cela viendrait d'un environnement qui vous met dans l'incapacité de vous évaluer correctement. Soit il vous dit que tout ce que vous faites est bien, soit, au contraire, que tout est mal. Dans les deux cas, vous pouvez en conclure que vous êtes un surhomme. (Dans le second, c'est un réflexe de survie.)

La vie, école du changement

Nos changements personnels illustrent ce que signifie réellement « changer ». La vie est faite de chocs rares mais violents. (cf. théorie des « black swans ».) Le maître mot est alors résilience. Mais pas au sens où on l’entend, c’est-à-dire absorber sans être détruit. La résilience c’est utiliser l’aléa brutal pour se transformer, se métamorphoser, pour « changer ». Et la première chose à changer, c’est soi, plus exactement sa façon de voir le monde. C’est ce que l’on entend par « deuil ». Et la résilience est une question « d’écosystème », un réseau de solidarité qui nous aide à profiter des tempêtes pour faire ce que nous pensions être incapables de faire…

(Précision. Les premiers travaux de psychologie sur le deuil portaient sur la personne en fin de vie, qui doit faire le deuil de la façon qu'elle a eue jusque-là de considérer l'existence.)

dimanche 11 septembre 2016

Notre communication nous trahit

J'aime bien la "communication à l'allemande". C'est une communication technique, qui explique en détails pourquoi un produit est bon. Mais je l'aime bien, surtout, parce que la façon dont nous communiquons trahit la façon dont nous considérons notre prochain. 

L'option allemande parle d'homme à homme. Elle estime que les clients sont des égaux d'élite. Des Allemands. La communication française, celle du gouvernement, ou celle d'un constructeur, veut nous dire ce que nous voulons entendre. Elle veut nous plaire. Implicitement, elle nous prend pour de pauvres types, des inférieurs effrayés par le changement, que l'on berne par des balivernes.

L'Allemand prend l'Allemand pour un surhomme, le Français prend le Français pour un minable. Pour un veau, comme aurait dit de Gaulle ?

Honnêteté intellectuelle

Dans ma jeunesse, on pensait que la science nous empêcherait de mentir. Eh bien, aujourd'hui, on ment, particulièrement au plus haut niveau de l'Etat. Et le foudre divine ne frappe pas. L'honnêteté intellectuelle a disparu. C'est une des caractéristiques de notre temps. 

Est-ce surprenant ? L'entreprise doit vendre ses produits. Il est logique qu'elle ne s'embarrasse pas de rigueur scientifique lorsqu'elle en fait la promotion. Idem pour la défense de ses intérêts à court terme : elle veut des bénéfices et pas de coûts. Quant à l'université elle est uniformément "de gauche". Bien sûr, on ne sait plus ce que "de gauche" signifie. Mais le problème n'est pas là. La valeur première de la science est le doute, or nos scientifiques pensent qu'ils connaissent ce qui est "bien". 

La science ne pourra revenir que si elle démontre son utilité ?

samedi 10 septembre 2016

Transparence et politique

J'expliquais à un ami la promenade au phare de Virginia Woolf. Notre vie privée est faite de changements. Ce sont des moments de courage et de génie où nous-nous créons en allant à l'encontre des idées reçues. Ils sont apparemment insignifiants, et, pourtant, ils nous transforment complètement. C'est peut-être pour avoir été capables de tels changements, modestes, que nous parvenons à faire des changements sociétaux, gigantesques ?

Il m'a fait remarquer que le peu que l'on savait de nos hommes politiques et de leur vie privée nous montrait que, justement, ils étaient incapables de remise en cause. C'était peut-être pour cela que les Américains accordent autant d'importance à la connaissance de cette vie privée, et que, chez nous, il est interdit de la voir.

La promenade au phare de Virginia Woolf

La promenade au phare, ce sont ces riens dont la vie est faite. Trois parties. Deux pendant lesquelles le temps est immobile. La vie de quelques personnes, quelques heures, dans une maison de campagne, sur une île. La troisième, entre les deux autres, voit dix ans passer en quelques pages, et anéantir le monde. Il m'a semblé retrouver Proust et Bergson dans cette œuvre. C'était leur époque, d'ailleurs.

La vie n'a pas de "sens", elle n'a pas de direction. Nous n'avons pas de destin. La vie, au sens propre du terme, est une succession d'événements insignifiants, et pourtant décisifs. A chaque fois nous sommes allés contre le cour de ce que nous croyons être "l'histoire", la normalité telle que nous l'inflige la société. Nous avons réagi "bizarrement". Pourtant, après coup, on s'est rendu compte que c'était bien. C'était une victoire. Nous avons changé le monde, pour le mieux. Tout est une question de hasard et de présence d'esprit : la chance sourit à l'esprit éclairé ; mais il a eu la détermination de ne pas céder aux pressions de la conformité, jusqu'à ce que se produise une forme d'éclair de génie.

vendredi 9 septembre 2016

Le démon des mathématiques

Un article dit que, si le mathématicien clame que les mathématiques sont partout, elles sont, en réalité, le fait du petit nombre. Elles peuvent devenir un moyen de discrimination, et le véhicule de l'autoritarisme (le mathématicien étant celui qui sait, à l'exclusion du reste de la population, et donc peut décider seul, sans connaître d'autre avis que le sien). 

L'histoire des mathématiques récente a connu deux temps, d'après cet article. D'abord le modèle français, conçu avec la Révolution, qui a gagné le monde. Puis une renouveau durant la seconde guerre mondiale, les mathématiques ayant à nouveau prouvé leur utilité. 

Alors, comme chez Kant, oui aux mathématiques pratiques (appliquées), non aux mathématiques pures ? 

L'injonction paradoxale d'Alstom

Alstom veut fermer un de ses sites. Pour une raison financière. Le gouvernement, son principal actionnaire, se déplace pour lui dire que ce n'est pas bien. D'autant que les collectivités locales doivent lui commander mille trains. Mais, ce qu'il ne dit pas, notre gouvernement, c'est qu'il a réduit les budgets des dîtes collectivités, et donc qu'elles n'ont acheté que cent trains. France Culture, ce matin.

Louis XIV était déjà dans cette situation. D'un côté, il dépensait s'en compter, en guerres et en Versailles. De l'autre il demandait à Colbert de lui trouver le moyen de financer ses caprices.

Globalisation et nationalisme

La globalisation a du plomb dans l'aile. Pourquoi ? Parce que les grandes sociétés ont joué les États les uns contre les autres. Ce qui a nuit à l'intérêt des peuples. Ce qui les fait plonger dans le nationalisme. Et le nationalisme bloque la globalisation. (Seuls les USA sont assez puissants pour s'opposer à cet effet destructeur.) Autrement dit, si les États veulent faire le bien de leurs peuples, ils doivent s'unir (notamment en termes d'impôts) pour résister aux multinationales. Alors, la coopération mondiale repartira, ce qui sera bon pour les multinationales. Voilà, il me semble, la thèse très systémique de Martin Wolf du FT.

L'Angleterre élisabéthaine

L'Angleterre d'Elisabeth première dans le détail de sa vie quotidienne. 

C'est très bien fait, mais, finalement, je connaissais cette période mieux que je ne le pensais. Ce qui m'a surpris est que l'on y parle de "renaissance". Car l'Angleterre me semble bien loin du faste et des raffinements de la société française. Il suffit de comparer ses châteaux à ceux de la Loire pour le comprendre. Elle me paraît surtout annoncer le monde moderne. Emmenée par une directrice générale économe, à la Merkel, elle donne l'image d'une colonie de fourmis. Consciente de la modestie de ses moyens, et la grandeur des menaces qui l'environnent, l'Angleterre mène sa barque avec humilité et diligence.

jeudi 8 septembre 2016

Trumpxit ?

Même nombre d'intentions de vote pour M.Trump et Mme Clinton disaient les informations ce matin. Vu de notre côté de l'Atlantique, M.Trump semble empiler les erreurs fatales. Et pourtant elles ne paraissent pas lui nuire. De même, Mme Clinton fait l'objet d'une haine difficile à comprendre. Vers un Brexit puissance 13 ?

Mêmes causes, mêmes effets que le Brexit ? La raison ne prédit plus le résultat de l'élection, parce que l'électeur constate que la raison a servi à le manipuler ? Par exemple, la raison dit que c'est le petit blanc, minoritaire, qui vote pour Trump. Or, en Angleterre, une part notable des immigrés asiatiques a voté anti-immigration. Parce que l'immigré européen est un concurrent.

Apparemment, il y aurait prise de conscience de ce phénomène à haut niveau. Voici ce que dit Jeroen Dijsselbloem, président de l'eurogroupe (le groupes des ministres des finances des Etats de la zone euro) :

“The EU has failed to deliver on its main tasks…. We were unable to guarantee to our people prosperity and security…. The EU has not been part of a solution to [angry voters’] problems.… We expanded the EU without at the same time strengthening it. We started projects without finishing them.” (Cité par la lettre d'information de Politico, d'hier.)

Y aura-t-il une réaction salvatrice avant que la situation du monde ne tourne au vinaigre ? 

Vraie beauté

Et si la bête de la belle et la bête ne s'était pas transformée ? Et si c'était simplement le regard de la belle qui avait changé ? Après tout, c'est ce qui arrive dans la vie. Un Mirabeau était fort repoussant et pourtant il fut un grand tombeur.

La morale de la belle et la bête est peut-être que la beauté se trouve au delà de la raison. Mais la raison et le matérialisme ont récupéré le conte. La belle a fait une bonne action, et elle a touché le gros lot. Dormez bien.

mercredi 7 septembre 2016

Résonance

Boris Cyrulnik raconte une histoire inquiétante (De chair et d'âme). Le comportement d'une enfant nouvelle née entre en "résonance" avec une idée inconsciente de sa mère ("je me disais que moi quand je serai grande, je saurais aimer"). Du coup la seconde va prêter à la première une personnalité que ne peut pas avoir un bébé, et lui appliquer le traitement qu'elle rêve d'appliquer à son enfant depuis toujours. 

Nous agissons sur des interprétations fausses ? Si cette tendance ne fait pas plus de dégâts, c'est probablement parce que la société corrige nos erreurs. Sauf lorsqu'elle ne peut pas intervenir, comme ici. Il ne reste plus alors qu'à compter sur la résilience de l'homme ?

Les recettes de François-Olivier

Quel est le « secret de fabrication » de François-Olivier Dommergues ? Voici quelques mots-clés, qui revenaient dans les propos d’un homme qui se dit « entrepreneur et financier ».
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  • Multiculturel. Il a constaté que la diversité était créatrice, et, au contraire, la pensée unique monoculturelle (une des ses premières expériences), stérile. Partout où il passe, il cherche à favoriser le mélange. C’est aussi un spécialiste de la « transformation culturelle ».
  • Finance. Son arme, pour faire passer le changement, c’est la finance. La « logique de création de valeur ». Il évalue minutieusement bénéfices et coûts, il crée des indicateurs clés. Argument imparable par les temps qui courent. Surtout, finance et savoir-faire en « transformation culturelle », c’est la combinaison gagnante pour réussir une fusion. Une de ses spécialités.
  • Talent. François-Olivier fait émerger les talents. Peut-être est-ce une résultante des points précédents ? Le talent rapporte beaucoup, pour pas cher, et il empêche une culture d’entreprise de se figer dans une pensée unique. (Peut-être aussi, mal employé, le talent peut-il se retourner contre l’entreprise ?)
  • Réaliser le potentiel. Le « fil rouge » de sa carrière a été de faire surgir l’organisation du néant. « Il n’y avait pas de prééxistantil fallait tout mettre en œuvre, tout imaginer, justifier ce à quoi je servais. L’entreprise n’était pas préparée, habituée ni à ma fonction, ni à moi. » Par exemple, dans une grande association, « j’ai professionnalisé et structuré tout l’ensemble, équipe, process, compliance, déménagement… des choses dont personne ne s’était soucié. »
  • « Prendre les problèmes à l’envers. » « On me disait « le groupe nous embête, nous fixe des contraintes (…) Parce qu’on ne pouvait rien y faire, je me suis demandé comment en tirer parti. » Partout où il passe, il fait des obstacles un propulseur du changement.
  • Numéro 2. S’il est innovateur, il n’est à son meilleur qu’en équipe. François-Olivier n’est jamais leader solitaire. « He leads from behind » comme disait B.Obama à un moment ? Ce qui est sûr est qu’il « met de l’huile dans les rouages ». Et ce, en partie parce que c’est un homme de « réseau » de « relationnel ». Il en fait profiter les causes qu’il sert. Elles sont : « l’intérêt financier du groupe » (qui exige, par exemple, des synergies) et « l’intérêt pour les gens » (les aider à s’épanouir dans le groupe en y trouvant des opportunités de développement).

mardi 6 septembre 2016

USA : nucléaire vieillissant

Les centrales nucléaires américaines vont peut-être pouvoir atteindre 80 ans. Or, leurs propriétaires ne sont pas très riches, et investissent dans leur maintenance "le minimum possible". En tout cas, on les inspecte pour trouver leurs défauts. Mais tous les défauts possibles peuvent-ils être inspectés ? 

Il est probable que si l'âge provoque des défaillances, c'est l'Amérique qui nous l'apprendra. Une forme d'altruisme ?

Etre gros, c’est bien.

Il y a une quinzaine d’années, François-Olivier entre dans une agence de communication internationale, filiale d’un grand groupe. (Premier billet ici.) Il décide de prouver à ses collègues, dubitatifs, qu’être gros, c’est bien. Voici comment il s’y est pris, en quelques épisodes choisis.
Au secours des clients
Un jour, un des principaux clients décide de réduire de 50% l’équipe de communication Europe externalisée dans l’agence. François-Olivier se demande s’il n’y aurait pas de la place pour ces gens quelque part dans le groupe. En faisant jouer son réseau, il découvre qu’une autre filiale aux États-Unis vient de gagner le compte d’un des concurrents du client en question… Une grande partie de l’équipe est embauchée. « Avec évolution de carrière à la clé. » Cet acte gratuit a renforcé l’image de l’agence. « Elle l’a transformée et différenciée sur un marché où l’on supprime des postes quand il y a baisse d’activité. »

Services RH partagés
Afficher l'image d'origineLe groupe a beaucoup de petites filiales qui n’ont pas les moyens de se payer une DRH. François-Olivier leur propose les services de son unité, qu’il leur facture. Tout le monde y trouve son compte. « On refacturait 20% de notre coût à effectifs égaux. »

Ghost writer
« On était en environnement anglo-saxon. Les dirigeants européens ne savaient pas s’exprimer avec les bons codes pour se valoriser. » Il les aide à mettre au point leur communication, à se mettre en avant. « Résultat unique : l’ancien patron d’un pays non anglo-saxon est devenu patron de l’Europe. »

Synergies
« Ils ne travaillaient pas ensemble. » L’activité est cyclique. En bas de cycle, il y a trop de monde. En particulier en 2012, il y a sureffectif. Mais c’est un personnel qualifié et long à former. Il est dangereux et coûteux de le licencier. En haut de cycle, on fait appel à des free-lances. C’est également coûteux. François-Olivier profite d’une occasion pour faire valoir les mérites de la collaboration. Le dirigeant de la filiale anglaise gagne une grosse affaire. Il n’a pas en interne les ressources suffisantes, ses free-lances habituels sont déjà sur d’autres missions, il ne sait pas comment faire. François-Olivier lui propose de prendre à l’essai une équipe française pour travailler à distance. Mais elle ne parle pas anglais et ne travaille pas comme nous, lui dit-on. Et si, répond-il, les méthodologies sont identiques et je n’ai embauché que des personnes bilingues. L’essai réussit au-delà de toute espérance et « la pratique s’est développée. ». « Chaque pays a nommé un responsable interco. Il y avait des échanges chaque semaine. » « En internalisant, on a gagné 1% de marge brute sur un business en quête de rentabilité. » « J’ai créé des équipes multiculturelles. » Ce qui a eu l’intérêt supplémentaire « d’apporter à tous des idées nouvelles, de développer les personnes, d’accroître l’engagement ».

lundi 5 septembre 2016

Hinkley point : projet industriel

Le gouvernement anglais s'interroge. Doit-il s'engager dans le projet Hinkley Point d'EPR, avec EDF et son associé chinois, CGN ? Deux raisons pour hésiter : peut-on se fier aux Chinois ? Le projet n'est-il pas trop rentable pour EDF ? Question qui surprendra, en France. On entend ici que l'EPR est une technique complexe. L'EPR finlandais aurait d'ailleurs provoqué la faillite d'AREVA. Même le directeur financier d'EDF a estimé que le projet est trop risqué. Il a démissionné

Ce que les Anglais reprochent au projet, ce n'est pas sa rentabilité, mais le fait que le prix d'achat de la production de la centrale garanti à EDF est élevé. Quant à EDF, il annonce un taux de retour sur investissement (TRI) de 9%. Ces 9% représentent la rémunération théorique de son investissement. Cela paraît beaucoup. 

Entre la théorie et la pratique, il y a un monde. Par exemple, la plupart des TRI que j'ai rencontrés dans l'automobile étaient de l'ordre de 15%. Et l'automobile, ce n'est pas le Pérou ! L'explication du problème, se trouve dans les chiffres. Il faut dix ans pour construire un EPR. Ensuite, il fonctionne 35 ans. L'investissement estimé est de 18md£ (21,5md€). Ce qu'il faut comparer avec la capitalisation d'EDF (19md€) et surtout ses dettes (37md€). Financer autant, avec de telles dettes, aussi longtemps, va coûter très, très, cher. (Car, comme l'explique le FT, la dette d'EDF deviendra "spéculative" (ou "junk" en anglais).) Le TRI ne mesure donc pas la rentabilité réelle du projet. C'est une astuce qui permet de forcer ses concepteurs à un ajustement réaliste des revenus et des risques (toujours sous-estimés), afin d'atteindre une sorte de minimum vital.

Mais sont-ce les bonnes questions ? L’État ne laissera pas EDF partir en faillite, on l'a vu avec France Télécom. Et l'Angleterre a besoin d'énergie. Alors, passe d'armes dans une négociation entre États ?

François-Olivier Dommergues, une interview

Des amis communs pensaient que nous avions des choses en commun. Lorsque j’ai entendu François-Olivier parler de son expérience j’ai compris qu’il sortait droit de mes livres. Aujourd’hui, j’ai décidé de lui consacrer trois billets.

Drôle d’homme. Il se dit financier. Mais il a eu d’importantes fonctions RH. Et il est un spécialiste des fusions post acquisitions. Il a surtout le talent de faire se réaliser le potentiel d’une situation.

Afficher l'image d'origineDans les années 80, il est à HEC. Pour profiter de la révolution micro informatique, il crée avec un ami une société de services. Il fait son stage de fin d’étude dans sa propre entreprise. Aujourd’hui elle emploie quatre cents personnes. Plus tard, il lance une agence de communication à laquelle le groupe Dassault doit son trèfle. Mais il a aussi rationalisé les processus de fonctionnement d’une très fameuse association caritative, a été responsable du contrôle de gestion d’une filiale allemande d’une multinationale, puis a occupé des fonctions de DRH. C’est là qu’il a prouvé aux équipes d’un groupe de communication international, gros acquéreur, que la taille était un atout. C’est cette expérience dont il va nous parler dans un prochain billet.

Ensuite, on examinera comment François-Olivier Dommergues s’y prend pour transformer les organisations dans lesquelles il séjourne.

dimanche 4 septembre 2016

France révolutionnaire

Pourquoi notre pays donne-t-il le spectacle, depuis toujours, de luttes fratricides et abjectes ? Et si c'était une affaire de division des tâches ? Entre raison, cœur et corps ? La raison, les intellectuels, sombre dans le nihilisme ; le coeur, dans le fanatisme religieux ; et le corps cède aux pulsions animales. Les trois se stimulent en se combattant, pour détruire leur adversaire commun : la société. Celle-ci n'est pas une victime innocente : elle ne nous tient pas assez fermement pour éviter ces pulsions centrifuges. 

Il y a eu deux tentatives pour ce faire. D'abord le pouvoir monarchique, remis à l'ordre du jour par de Gaulle. Et les 3ème et 4ème Républiques, radicales. Leur idée était de créer une élite, grâce à l'ascenseur de l’Éducation nationale, qui serait fidèle à ses racines populaires, et qui présenterait, en outre, à la fois les caractéristiques du cœur et de la raison.

Coeur, raison, c'est tout ?

Dans un billet je parle de coeur et de raison. Est-ce tout ce qui peut nous conditionner ? Il y a aussi la physiologie. Notre corps et ce qui lui faut pour rester en vie. J'ai vu quelqu'un dont l'unique préoccupation était devenue le fonctionnement de son tube digestif, et, accessoirement, ce qu'il allait manger. Lorsqu'il a réalisé que la vieillesse le privait  de ses plaisirs, il a jugé que la vie ne méritait pas d'être vécue. 

La préoccupation physiologique fait donner sa liberté par peur, ou dépecer celui qui est sans défense. Elle est associée à un individualisme forcené, les idéaux de la famille, l'amitié, la société... n'agissant pas. C'est le moteur du marché, selon les Anglo-saxons, ce que Keynes appelait les "instincts animaux" : le fameux "greed and fear". Les Romains parlaient de "pains et de jeux", lorsqu'ils s'agissait de l'animale populace. On y est revenu aujourd'hui. Mais en ordre dispersé : la droite propose du pain, la gauche des jeux.

Peut-être est-ce un retour de balancier ? Ne s'est-on pas suffisamment préoccupé de notre corps ? Les Chinois ont certainement raison de croire qu'il nous avertit des déséquilibres de notre vie, en particulier sociaux. Mais attention à ne pas devenir un esclave de son corps. Ne serait-ce que parce que, toujours selon les Chinois, l'homme a besoin de la société pour être bien.