samedi 31 août 2013

95% des start up échouent

D'après un article d'Inc, 95% des start up échouent. Il révèle d'ailleurs que, échec ou réussite, le lancement d'une entreprise est une période psychologiquement douloureuse. Elle peut se terminer en suicide. Il donne des conseils pour conserver un minimum d'équilibre mental.

Dans ces conditions, que penser des gens qui nous encouragent à lancer des entreprises ?

Faut-il intervenir en Syrie ?

Que l’Occident peut-il apporter à la Syrie ? Encore plus de chaos ? Et même un chaos qui devient régional ? Mais The Economist a peut-être raison…

Quelques idées sur le sujet :
  • M.Assad défie les USA. Ils ne peuvent pas ne pas agir sans perdre la face.
  • Surtout, il me semble que c’est le moment d’affirmer quelque chose qui mériterait d’être une valeur de l’Occident. A savoir qu’un conflit ne se règle pas par la force, et la mort d’êtres humains, mais par la discussion. J’avoue être assez mal à l’aise avec une doctrine des droits de l’homme militante. Elle me semble n’être rien d’autre qu’une forme d’impérialisme culturel. En revanche, comme dans les théories de Richard Dawkins, je crois qu’il peut être bon de proposer quelques nouvelles idées à la sélection naturelle des idées mondiales, et de se battre pour elles. Si elles apportent quelque-chose à l’humanité, elle les retiendra. Mais, pousser cette idée signifie quelque-chose d’important pour l’Occident. Il doit acquérir un savoir faire nouveau. Devenir un donneur d’aide mondial. Une force capable d’amener des différends entre groupes sociaux à une issue pacifique. Union européenne et pas guerre d’Irak, en bref.
  • Une frappe forte en Syrie peut montrer à M.Assad que l’Occident ne le laissera pas gagner. Bien entendu, cela peut le pousser à la folie. Ce qui conduirait à une explosion locale. Mais, de toute manière, si le conflit s’éternise, c’est ce qui arrivera.  

vendredi 30 août 2013

La France aurait-elle l'avenir pour elle ?

Paul Krugman au secours de la déprime française ? Notre démographie est relativement forte. D'ici 30 ans, la France aura autant d'habitants que l'Allemagne. Et 75m en 2060. Ce qui, mécaniquement, devrait faire du pays la puissance dominante de l'édifice européen, lui-même une puissance dominante mondiale.

Chronique de l’instabilité mondiale

Nouvelles du monde. Faute d’opposition, le premier ministre turc est en position de force. Plus despote que démocrate ? Ukraine. Le pays est pris entre la Russie, qui le tient en otage énergétique, et l’UE, qui lui offre sa collaboration. « à long terme (cela pourrait forcer) ses producteurs à s’améliorer pour être compétitifs internationalement. »  Italie. Les lois de la mafia et du pays sont toujours aussi divergentes. Hollande. L’immigration des pays de l’est (conséquence de l’élargissement de l’UE) bouleverse l’équilibre du pays. « L’UE a ouvert un canal entre ce monde ordonné et choyé et une offre de main d’œuvre habituée à des salaires et des conditions de travail bien plus difficiles. » Angleterre. Le pays est à la fois xénophobe et fasciné par les étrangers. Surtout, quand ils lui sont utiles. Syrie. M.Assad aurait utilisé des armes chimiques contre sa population. Histoire de reprendre l’avantage sur la rébellion. Il estimerait que l’Ouest ne réagira pas. Effectivement, M.Obama n’est pas chaud pour intervenir au Moyen-Orient. En Egypte : retour à l’hiver arabe ? « La force de la propagande gouvernementale, la dureté de ses méthodes, et la réapparitions de visages du régime d’Hosni Mubarak, tout cela laisse un goût amer à beaucoup d’Egyptiens. » Et l’Iraq est de nouveau à feu et à sang. La Chine veut-elle faire fuir les entreprises étrangères ? « Le modèle de développement économique chinois dépend (…) de faire venir les meilleures entreprises mondiales, et de, légalement ou non, bénéficier de leur propriété intellectuelle. » L’Inde va mal. Victime de la fin de la politique monétaire américaine. Les investisseurs se retirent. Sa devise s’effondre. « La solution à long terme au problème de balance des paiements pourrait être d’accélérer le développement du secteur manufacturier. » Amérique. Et le rêve de Martin Luther King ? Il y a toujours de la discrimination, mais on tue moins de noirs et ils sont plus nombreux parmi les élus. Parmi ses autres curiosités. « En 2009, 3,47md$ ont été dépensés dans le lobbying du gouvernement. » « 50% des sénateurs et 42% des députés » deviennent lobbyistes lorsqu’ils prennent leur retraite politique. « Washington a maintenant un revenu par personne plus élevé que celui que la Silicon Valley. »  D’ailleurs, les grands patrons de l’industrie de la haute technologie ont décidé de s’attaquer à l’incompétence du politique. Première application : faire voter une loi favorable à l’immigration. Pour cela ils financent la publicité électorale des Républicains à qui ils font tourner casaque.

Nouvelles de l’entreprise. Adidas a une méthode révolutionnaire pour concevoir ses produits : il se demande à quoi ils servent. M.Marchione a bien des difficultés avec Fiat et Chrysler. De deux entreprises en dépôt de bilan, il a fait un canard boiteux. Ce faisant empêchant l’industrie automobile de se débarrasser de ses surcapacités. Dans la série, les victimes du changement : les grands cabinets de chasse de tête. Ils seraient victimes d’Internet et des entreprises qui auraient monté leurs propres cabinets internes. Ils cherchent à se diversifier, et à se spécialiser. Et dans celle des évolutions : l’augmentation des capacités de stockage informatique pourrait faire revenir la haute fidélité, au détriment des formats compressés (MP3). Et maintenant, les victimes de la crise. Les petites banques de la « périphérie européenne », privées de crédit, vont disparaître. Mauvais temps pour les PME auxquelles elles prêtaient. (Et aussi pour le risque bancaire, de plus en plus systémique !)

Science. Parmi les coûts indirects d’une crise : la santé. Un surcroît d’obésité, par exemple. Intéressante mise en cause de notre capacité de jugement. Compétitions de piano : comment les vainqueurs sont-ils choisis ? « les juges de ces compétitions, pourraient, une fois qu’ils ont filtrés les tocards, tout aussi bien jouer à pile ou face le classement. L’autre leçon (…) est que les concurrents feraient bien de travailler autant leur jeu théâtral que musical. » Et si l’univers n’était pas en expansion ? Et si les atomes prenaient du poids ?

Le changement planifié

Un précédent billet parlait de changement dirigé. Il disait aussi qu’il n’est pas adapté à la complexité de l’entreprise moderne. Que peut-on faire de mieux ?
le changement planifié peut partir de n’importe où dans l’organisation, mais, finalement, il doit être pris en charge par la direction. Les stratèges du changement et ceux qui le mettent en œuvre recherchent la participation et l’engagement dans le changement en faisant un emploi étendu d’actions spécifiques, identifiées grâce à l’expérience et à des études, ce qui réduit les chances de résistance au changement et de perte de productivité associées au changement dirigé (…) le changement planifié offre une démarche de gestion de projet au processus du changement. Il cherche à créer les conditions qui permettent aux gens de s’approprier le processus de changement, en identifiant des parties prenantes clés et en les encourageant à participer à la fois dans la conception et la mise en œuvre du changement.
Voilà ce qui décrit assez bien en quoi consiste mon savoir-faire et le thème central de mes livres.

jeudi 29 août 2013

Un anthropologue et le changement de la France

Depuis quelques semaines, je consacre des billets à l’anthropologue Eric Minnaert. Je vais, en deux billets, essayer d’en tirer des conclusions. Tout d’abord, dans celui-ci : la France et son changement.
  • Les billets sur l’entreprise. Il y a un parallélisme frappant entre ce que dit Eric Minnaert et l’analyse du progrès par Jean-Baptiste Fressoz. Dans les deux cas on voit une sorte de lutte des classes. Un affrontement entre ceux qui « pensent » et ceux qui « sentent ». Les premiers semblent enfermer les seconds dans un cercle vicieux. Ils leur imposent une forme de modélisation théorique du monde (les « normes »). Elle est dysfonctionnelle. Elle a pour conséquence d'entraver l’efficacité de l’entreprise. Mais aussi ce qui fait le sens de la vie des seconds. D’où dépression. Elle renforce les premiers dans leur sentiment de supériorité. (Cercle vicieux, qui se termine par la destruction de l’entreprise.)
  • La transformation du secteur public. Il y a ici aussi affrontement entre intellectuel et manuel. Mais, la situation y est peut-être plus inhumaine. En effet, le fonctionnaire semble s’être persuadé de sa totale inutilité. Et, contrairement à l’employé du privé qui peut échapper à l’étau en s’évadant, il est piégé. Il est convaincu que l’enfer commence où finit le secteur public.
  • L’exemple de l’EHPAD est effrayant. On applique au vieillard dépendant une logique de chaîne de fabrication. Il y a totale élimination de ce qui rend l’homme humain, c'est-à-dire les rites, la vie en société. Il devient une chose. Ne sommes-nous pas, ici, devant le mythe d’une société construite sur le principe du marché ? Une autre façon de concevoir une société de classes ? D’un côté, il y a les « marchands », de l’autre il y a les « choses » qu’échangent les marchands. Ce sont les perdants / détruits. Dans cette catégorie, il y a les pauvres soumis au « marché du travail », mais aussi les malades, qui obéissent à la logique du déchet.
Il est tentant de mettre tout ceci au compte du « libéralisme » (au sens premier du terme) post 68. L’homme a été encouragé à s’épanouir. Cela a conduit à une lutte de tous contre tous. Par ailleurs, l’analyse d’Eric Minnaert semble dire que, dans notre société, « ceux qui pensent » ont un avantage sur « ceux qui sentent ». La situation était particulièrement favorable pour les milieux d’affaires anglo-saxons. Ils avaient des théories toutes prêtes, qui réapparaissent régulièrement. Et une logique de lobby, qui leur est naturelle. Ils ont donc imposé leur modèle, le marché.

Fin d’un épisode de l’histoire ? Le prochain est à écrire ? 

Le changement dirigé

Voici le changement dirigé. Le changement dirigé est le changement tel qu’on le pratique en France. Deux autres billets montreront qu’il y a d’autres façons de procéder. J’emprunte mes descriptions à un livre de cours (Bowditch, James L., Buono, Anthony F., Stewart, Marcus M., A Primer on Organizational Behavior , Wiley, 2008.)
Le changement dirigé est conduit par le sommet de l’organisation et repose sur l’autorité et l’obéissance. Les dirigeants (les stratèges du changement) conçoivent et annoncent le changement et cherchent à convaincre les membres de l’organisation de l’accepter, en évoquant l’intérêt de l’entreprise, une argumentation logique et / ou en mobilisant les émotions. Le changement dirigé reflète une approche rapide et décisive de l’introduction du changement dans une organisation. Ce type de changement est principalement adapté à des situations ou à la fois la complexité de l’environnement concurrentiel (…) et l’incertitude sociotechnique (…) est faible. Si le changement demande des actions bien connues et bien acceptées, mises en œuvre dans un environnement relativement simple et routinier, alors le changement dirigé peut faire le meilleur usage de ressources organisationnelles limitées.
Autrement dit, le changement dirigé est incompatible avec l’entreprise moderne. La Harvard Business Review a publié une sélection d’articles qui montrent, effectivement, qu’il échoue. Pourquoi l’employer, alors ? Deux explications :
  1. Celle d’Al « la tronçonneuse » Dunlap. Le changement dirigé permet rapidement d’extraire de la valeur de l’entreprise[1].
  2. Celle de Mme Thatcher. Elle a procédé à une centralisation sans précédent (y compris en France) de l’Etat britannique. Elle voulait un pouvoir d’exception pour transformer la culture de sa société. Dans ce modèle, le changement est une réforme au sens religieux du terme.




[1] BEER, Michael, NORIA, Nitin, Cracking the Code of Change, Harvard Business Review, mai 2000.

mercredi 28 août 2013

Pourquoi les Radicaux ne gouvernent-ils pas la France ?

Les valeurs des radicaux sont les valeurs de la France. (En fait, le rédicalisme est la mise en oeuvre des idées de la Révolution.) Pourquoi la France n’est-elle pas gouvernée par les Radicaux comme elle l’a été jusqu’à de Gaulle ? Voilà la question que je me suis posée en découvrant l’histoire du parti radical.

La vie de Clémenceau vient de me faire comprendre la faiblesse du parti radical. C’était un parti d’individus. Une fois que le projet du parti a été mis en oeuvre, ils n’avaient plus rien pour les tenir ensemble.

De Gaulle a occupé leur place par une solution monarchiste. Puis le pouvoir a été saisi par deux machines de masse, gauche et droite. Ce n'est pas très représentatif, mais c'est solide. Et cela a laissé de l'espace libre au FN.

Histoire et changement

Marx, Hegel et les néoconservateurs pensaient qu’il y aurait une fin de l’histoire (la Nouvelle économie des années 90, pour ces derniers). C’est une curieuse idée. Cela signifie en fait que l’homme est maître de son sort. Une fois qu’il aura adopté le « bon modèle », il vivra en paix, au paradis.

Or, ce n’est pas l’homme qui fait le monde. Il est façonné par des forces indépendantes de lui. D’ailleurs même lorsqu’il est en grande partie responsable de son sort, il transforme ce qui est nécessaire à la bonne marche de la société, de ce fait la société elle-même. Le paradis n’est pas une solution stable.

La destruction créatrice est probablement un meilleur modèle du sort de l’homme. Notre société est confrontée à des mécanismes qui menacent de la disloquer, mais qui, en même temps, lui permettent d'évoluer. Elle doit se réinventer en permanence. 

mardi 27 août 2013

Kafka et le changement

Dans son livre sur la culture, Hannah Arendt cite deux fois Kafka. A chaque fois à des moments importants pour sa démonstration. Une fois pour dire que l’homme doit se battre contre les forces du futur et du passé. Une autre parle de l'illusion de la société humaine qui croit trouver un chemin à suivre dans les étoiles, alors qu’elle doit le construire.

Kafka aurait-il vu plus que ce que je prête à son œuvre (que je connais mal) ? Faut-il chercher les prémisses des maux de la société, et de ses futurs changements, chez les artistes ? 

lundi 26 août 2013

Platon inventeur du changement moderne ?

Platon serait-il le pionnier de notre art moderne de la conduite du changement ? D’après Hannah Arendt, il pensait que ses idées ne pourraient être comprises que de l’élite (et encore ?). Pour le reste, il a inventé l’enfer. Ceux qui ne faisaient pas ce qu’il croyait bon y étaient destinés. Au 4ème siècle, l’Eglise a pris la direction des affaires terrestres. Elle est devenue politique. Pour ce faire, elle a abandonné la doctrine humaniste de Jésus Christ et a emprunté à Platon son enfer.

Aujourd’hui les choses n’ont guère changé. Chacun est persuadé de détenir la vérité, et menace ceux qui ne le croient pas des foudres de l’enfer. Seule évolution : il a maintenant pris la forme de telle ou telle théorie « scientifique » (l’économie, le socialisme « scientifique » de Marx…).

dimanche 25 août 2013

La librairie indépendante prospère aux USA

La librairie indépendante serait au mieux de sa forme aux USA. Voici ce que dit un article.

N'y aurait-il pas quelque-chose à copier par le libraire français ? Le témoignage d'un libraire américain :
(il) pense que les libraires indépendants ont deux gros avantages sur leurs rivaux plus importants. Le premier est qu'ils sont assez petits pour parvenir à bien connaître leurs clients. Ils les voient, leur parlent, reconnaissent les habitués, et ils savent comment les amener à revenir. L'autre avantage est que le libraire indépendant sait ce que ça signifie de devoir se battre pour rester en vie (...) le ressort du succès pour les libraires indépendants est de se concentrer sur les qualités humaines et tactiles qui les différencient des écrans impersonnels et des boutons des appareils électroniques.
J'ai mené il y a des années une étude auprès des marchands de journaux, libraires et tabacs. J'avais tiré des conclusions étonnamment similaires. J'avais aussi conclu que le nombre de libraires capables d'avoir un tel discours sont rares.

Étonnez-vous !

"Le début de toute philosophie est (...) l'étonnement devant tout ce qui est en tant qu'il est" dit Aristote dans la Métaphysique, si j'en crois Hannah Arendt. Elle poursuit : "la capacité de s'étonner, voila ce qui sépare le petit nombre de la multitude."

Ce qui m'a frappé. Car le principe de ce blog est l'étonnement, le paradoxe. D'ailleurs, c'est aussi le principe de mon cours. Mais l'étonnement est-il réservé à un petit nombre ? à moins que celui du philosophe ne soit d'une qualité particulière ?


samedi 24 août 2013

Qu’est-ce qui ne va pas avec François Hollande ?

Il y a quelque chose qui cloche avec François Hollande. C’est l’as du pétard mouillé (cf. le machin sur 2025). Que ce soit dans un défilé ou une remise de prix sportifs, il a toujours l’air décalé, et ridicule. Il semble à côté des préoccupations du pays, en particulier. The Economist a peut-être vu une fois de plus juste : sur ses photos, il ressemble au ravi de la crèche.

J’ai lu quelque-part que M.Hollande pensait que la fonction ferait l’homme. C’est peut-être là son erreur. Il me semble que ses prédécesseurs s’étaient préparés à jouer le rôle de Président de la République. Ils avaient absorbé la fonction, avec tous ses rites et ses ridicules, dans leur identité. Sauf peut-être Nicolas Sarkozy. Comme Diana avait été la princesse du peuple (entendre : de la masse animale), il voulait être le président du peuple.

Et si nos vieux présidents, avec tous leurs ridicules, avaient eu des qualités ? Peut-être que les rites qu’ils célébraient avaient une utilité ?

La crise de la culture d’Hannah Arendt

Hannah Arendt parle de sens commun partagé. Mais, avec qui partage-t-elle son sens commun ? Avec les philosophes, surtout ceux des origines. Dans ces conditions, pas facile de savoir où elle veut en venir. Voici, donc, mon interprétation de La crise de la culture (Gallimard), un livre de 1954, étonnamment récent par bien des aspects. Peut-être révolutionnaire.

La crise de la tradition
Notre modèle de société est en crise. Depuis des siècles. Il était construit sur une « tradition » élaborée par les Romains à partir de l’héritage grec. Elle fut réacclimatée par l’Eglise du 4ème siècle, lorsqu’elle prit les affaires du monde en main. Cette tradition n’a pu s’accommoder du doute, propre à la science. Aujourd’hui elle titube. Toutes les révolutions, tous les philosophes (Marx, Nietzsche, Kierkegaard) ont cherché à la corriger. Mais en conservant sa logique. Leurs efforts ont été ruinés par leurs contradictions internes. Aujourd’hui c’est au tour des frères ennemis libéraux (gauche) et néoconservateurs (droite) de vouloir nous remettre dans le rang.
Tous commettent une erreur. Le concept d’histoire. Il affirme que l’espèce humaine doit obéir à un « processus ». Notre avenir est déterminé ! Or, « être humain » et « processus » sont antinomiques. Obéir à un processus, c’est être l’esclave d’exigences physiologiques. C’est être un légume. Voilà le rêve qu’ont pour nous ceux qui nous gouvernent.

Demain, la liberté ?
La société grecque présocratique avait résolu la question. Par la « politique », au sens premier du terme. C'est-à-dire une communauté d’égaux concevant ensemble l’avenir du monde. C’est l’antithèse du processus.
Le propre de la politique, c’est de créer un monde nouveau. C’est une nouvelle naissance, une révolution. C’est la défaite du processus biologique. C’est ainsi que l’homme peut agir. Mais c’est surtout dans cette communauté qu’il est homme. Puisque c’est seulement là qu’il peut avoir une activité qui est non physiologique. Pour entrer en politique, il doit se libérer des contraintes sociales. En particulier, se dégager du prêt à penser.

Redéfinir nos concepts
Pour gouverner les hommes, on en fait des légumes. On leur raconte qu’il existe des lois de la nature auxquelles ils doivent obéir. Et on divise pour régner. Façon tour de Babel. Hannah Arendt analyse les concepts qui guident notre pensée :
  • Histoire. La société n’aurait-elle pas fait une erreur ? N’aurait elle pas confondu « sens » de la vie et direction ? N’est-ce pas pour cela qu’elle a dit que l’homme avait une « histoire » ? Et que cette histoire aurait une fin heureuse ? Mais pourquoi aujourd’hui une histoire, et demain une fin ? Or, un autre « sens » est possible. La chronique des victoires de l’homme sur le processus biologique. Les merveilles qui en ont résulté. Héritage sur lequel nous pouvons construire notre avenir.
  • Autorité. Pour les libéraux, l’autorité nie la liberté. Pour les néoconservateurs, il ne peut pas y avoir de liberté sans autorité. Tous deux pensent que nous allons droit au totalitarisme. Mais qu’est-ce que l’autorité ? Pour les anciens, c’était les assises de la société. La raison de sa grandeur. La fondation de Rome, par exemple. Avait de l’autorité celui qui donnait l'exemple de cette grandeur. L’autorité ne se décrète pas. Elle va de soi. Avons-nous besoin d’autorité ? En tout cas, nous avons besoin d’un langage commun. Si l’on ne se comprend pas, le débat politique est impossible. Aujourd’hui, chacun a son vocabulaire à lui. Et nous devons rétablir nos liens avec le passé. Notre héritage d’hommes.
  • Liberté. Qu’entendons-nous par liberté ? Libre arbitre. Pouvoir exercer sa volonté. Renard libre dans un poulailler libre ? Les Grecs entendaient les choses différemment. Etre libre, c’était participer, en égal, au débat politique. A la marche de la cité. Pour cela, il fallait s’être libéré des contingences matérielles. La raison d’être de la politique c’était l’action (collective). Une action qui conduisait à un nouveau commencement. A une naissance.
  • Education. L’enfant est le révolutionnaire de demain. En attendant, il doit être protégé, pour pouvoir se développer. Ce qui est le rôle de la famille. Et il doit apprendre un langage commun. Ce qui est le rôle de l’école. Aujourd’hui l’enfant est considéré comme un adulte. Il est privé de famille et privé d’autorité, donc des fondations sur lesquelles se construire, par des maîtres qui refusent le monde et se « lavent les mains » du sort de leurs élèves.
  • Culture. Louis XIV avait asservi les nobles. Puis la « bonne société » a absorbé le reste de la collectivité. Dans ce monde de nouveaux riches, la culture est un moyen factice de se distinguer. Une marchandise, un bien de consommation. Or, l’art est la manifestation de l’identité d’une société. Le goût est ce qui la réunit et ce qui distingue chacun de ses membres. C’est en inventant un nouveau monde que la politique ouvre un espace dans lequel l'art peut s'exprimer.
  • Politique. Le propre de la politique, c’est le changement. Celle de notre temps veut changer ce qui la gêne - souvent parce que ça ne peut pas changer ! En particulier les « vérités de fait ». Pour cela elle les fait passer pour des opinions. Ce qui conduit à la tromperie de soi-même, et au cynisme. Il faut, au contraire, que certains domaines soient hors du champ de la politique. Notamment la justice, l’université, l'information. Hannah Arendt fait une remarque curieuse. L’obsession de l’objectivité serait le propre de l’Occident.
  • Science et technologie. Depuis son avènement, la science considère l’homme de l’extérieur. Comme s’il s’agissait de quelque chose d’abstrait qui devrait obéir à quelque loi mathématique, quitte à l’éliminer totalement, pour un bien supérieur. Nouvel avatar du processus biologique ! Pour reprendre la main sur notre sort, la science doit être réintégrée au langage commun.

vendredi 23 août 2013

Développement des organisations et changement

Qu'est-ce que le développement des organisations (Organization development) ? "un processus grâce auquel une attention planifiée et systématique est donnée au développement de plus grandes compétences de l'organisation, à l'amélioration de son efficacité, et de son fonctionnement en général." (A primer on Organizational Behavior, Bowditch, Buono et Stewart, Wiley)

De quoi est-il question?
  1. "Une méthode d'investigation (les différentes techniques et compétences employées pour faciliter le changement) ;
  2. les relations entre l'agent du changement et les membres de l'organisation ;
  3. et, surtout, des valeurs humanistes qui reflètent une préoccupation pour la santé et le bien-être de l'individu appartenant à un grand système social."
Peut-être serait il mieux de parler de développement des organisations que de changement ? Cela serait moins inquiétant ?

Faut-il éliminer le statut d'auto entrepreneur ?

Ce que veut faire le gouvernement du statut d'auto-entrepreneur n'est pas clair. Qu'en penser ?

Les artisans semblent y voir une concurrence déloyale. La critique la plus sévère me semble venir de The Economist, qui, de son analyse de ce qui se passe en Angleterre, déduit que l'auto-entrepreneur est une nouvelle forme de prolétariat. Il permet de transformer le salariat en travail précaire. Globalement, il n'est pas bon pour l'économie : cela conduit à une baisse de productivité. Travailler plus pour produire et gagner moins.

Si c'est le cas, comment se fait-il que les syndicats n'aient rien dit ?

Il serait peut-être bien de faire une véritable étude du sujet. Et s'il est décidé de mettre un terme à cette pratique, d'aider ceux qui en subiront les conséquences.

jeudi 22 août 2013

Un anthropologue et la fonction publique

Cette fois-ci Eric Minnaert doit étudier un service public. Une unité de 80 personnes. Le problème ? « Ne fonctionne plus », « grosse déprime », « la dernière visite des inspecteurs du ministère de tutelle a laissé des traces, ils ont accusé tout le monde de ne rien faire ». Etrange ! Les conditions de travail sont pourtant exceptionnellement favorables. « Un contrat sécurisant, des missions très claires ». Pas de contrôle d’horaires, chacun travaillant à sa guise.

« C’était un milieu hyper hostile, et qui l’est resté jusqu’au bout de la mission. » Fait exceptionnel, « le dernier jour, personne ne m’a invité à déjeuner. » Il y rencontre des « partenaires sociaux manipulateurs » et des « chefs de service, qui sont des intellos passionnés, mais qui ne font pas leur boulot (de manager) ». « Le pouvoir (hiérarchique) était à l’inverse du pouvoir réel ». « Le chef de service avait moins de pouvoir que le personnel », et, au sommet de l’organisation, un directeur était venu coiffer le responsable du site, sans parvenir à se faire obéir.

« On veut que l’on nous dise que l’on ne travaille pas ». L’organisation crevait d’une absence de courage managérial. Mais, surtout, elle se croyait finie. « Ils avaient une obsession de la perfection, de l’exhaustivité, une volonté de produire la référence absolue, aucune notion du temps. » Le progrès technique ne condamnait-il pas cette mission, quasi sacrée ? Alors, ils s’étaient réfugiés dans le passé. « Il  y a vingt ans, c’était mieux. »

« Il fallait qu’ils se purgent d’un rapport mythique au passé, ils devaient s’ouvrir sur l’extérieur, il fallait les pousser à réfléchir à un vrai projet collectif ». « Je veux que ça explose. » Restitution de  l’étude. 70% des personnels sont présents. Eric leur raconte leur « désespoir », leur dit qu’ils ont un métier, « le patrimoine », il leur explique leur « histoire, pourquoi ils sont arrivés là, ce sont des passionnés », mais « ils ont peur de l’avenir, des nouvelles technologies ». Pourquoi désespérer ? « Vous êtes la référence ! » « Votre identité, c’est à vous de la trouver. »

Les réactions sont violentes. Par exemple, « Un chef de service crie : je ne suis pas (je ne veux pas être) un garde chiourme ! Quelqu’un se lève : mais alors, qu’est-ce que c’est que ton boulot ? » « Ils ont créé des groupes de réflexion. Ça a permis à la parole de se déverser en interne. Ensuite, ils ont construit des projets. »

Enseignements ? « L’argent est un faux problème. » « Ils avaient un bon salaire, des conditions de travail idéales », « c’était même indécent vu du privé ». Et pourtant, « ils sont mal, un burn out collectif ». Ce n’est pas le confort matériel qui fait la santé humaine, mais l’environnement social. Eric Minnaert découvre le malaise de la fonction publique.

Histoire de la conduite du changement

Les sciences modernes du changement entrent dans le domaine que l’on appelle « la psychologie sociale ».

  • La psychologie a connu plusieurs étapes. La première est celle de Freud (1856, 1939). Il s’intéresse à l’individu isolé. Puis arrive Gregory Bateson (1904, 1980). Cet anthropologue anglais explique que l’homme n’est pas isolé. Il appartient à une famille. Les relations qui s’y nouent jouent un rôle décisif sur l’individu (cf. double bind). Il va utiliser les outils de la systémique. Et fonder « l’école de Palo Alto ». Ses travaux sont appliqués aujourd’hui à beaucoup plus que la famille. D’eux vient notre « coaching » moderne. Cette école systémique parle de changement
  • Kurt Lewin (1890, 1947), Allemand émigré aux USA, élève de l’école de Gestalt de Berlin (psychologie de la forme), crée la psychologie sociale. De l’individu de Freud et de la famille de Bateson, elle passe à la société dans son ensemble, à une entreprise, par exemple. De l’examen du changement, on en vient à s’occuper de mon sujet : comment transformer, de manière délibérée, une organisation. La science qui étudie cette question s’appelle Organizational Development (développement des organisations). Elle date du début des années 50. Elle est enseignée dans les écoles de management.
(PS. Depuis j'ai écrit sur la vie de Kurt Lewin, et sur le changement vu par la systémique de Paul Watzlawick de Palo Alto.) 

mercredi 21 août 2013

Libérateurs d’énergie

LAUTREDOU, Florence, TERRIEN, Denis, Enquête sur les libérateurs d’énergie, Vuibert, 2007.

Concept original et sympathique : le libérateur d’énergie. Si je comprends bien, ce libérateur est quelqu’un qui rend optimiste. Qui donne à son entourage la force de dominer les obstacles et d’agir. Ses motivations sont essentiellement sociales. Ce n’est pas un individualiste. C'est l'antithèse des « draineurs d’énergie », éternelles victimes, indifférents, inquisiteurs ou menaçants, qui nous plongent dans la dépression, pour pouvoir nous exploiter. D’ailleurs, il sait les museler. Peut-être parce qu’il en a été victime dans son enfance.

Contrairement à notre culture française qui nous paralyse par l’exigence de la perfection, et exploite nos failles, le libérateur d’énergie voit ce qu’il y a de fort en nous, et nous aide à en tirer parti. Il vit une sorte de vocation. Sa vie est en accord avec « sa nature profonde ». Toutes les dimensions de son existence vibrent à l’unisson, et se renforcent et le stimulent dans la nécessité (résilience). Il semble avoir un talent, qui lui a très tôt donné une sorte d’ascendant sur la société. Mais qui l’a amené à une forme d’autodestruction. Sa première libération a été la sienne. C’est en se dégageant du rôle qui lui était imposé, des normes sociales, lors d’un moment de révélation (une crise), qu’il est devenu source de rayonnement. Paradoxalement peut être, c’est une personne fragile. Doute, et remise en cause fréquentes. C’est ce qui lui donne sa lucidité. Il appartient à une « bande ». « Confiance » est un mot important pour lui. Il la construit. 

mardi 20 août 2013

Le bras d'honneur de Mme Duflot?

Qui a dit que notre gouvernement n'aimait pas l'entreprise ? Voici qu'il se livre à un exercice que toute entreprise connaît bien : la planification à moyen terme. Et comme pour l'entreprise, chaque patron de division explique que le miracle est pour demain. Voici ce qu'annonce l'executive vice president Duflot, en comité exécutif :
Grâce à cette batterie de mesures, la ministre EELV prédit notamment que l'objectif des 500.000 logements construits par an, qui sera loin d'être atteint en 2013, le sera lors des 12 années suivantes puisqu'elle prévoit "6 millions de logements construits jusqu'en 2025, pour l'essentiel en densification du bâti existant, dont près de 2 millions de logements sociaux en partie sur les terrains publics". Elle envisage également que les "2 millions de logements vacants en 2013" (2,39 au sens de l'Insee ndlr) seront "remis progressivement sur le marché". Grâce à cet accroissement conséquent de l'offre de logements, chacun pourra, en 2025, disposer "d'un toit et d'un environnement de qualité", assure la ministre. Elle est également revenue sur quelques-unes de ses réformes symboliques, notamment la garantie universelle des loyers, intégrée au projet de loi Alur, qui devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2016. Pour la ministre, ce volet de la loi sera regardé dans 12 ans "comme une avancée sociale majeure qui aura permis de prévenir les expulsions et de prémunir les propriétaires contre les locataires indélicats".
Pourquoi ceci ne marche-t-il pas d'ordinaire ? Parce qu'aucun mécanisme ne permet de s'assurer que l'on atteint son objectif. Il n'y a pas de "contrôle du changement". Ce qui donne le phénomène du "bras d'honneur", selon l'expression d'un client. Plus on avance dans le temps, plus les résultats des années écoulées se dégradent, et plus les résultats à venir doivent être élevés pour compenser. D'où l'image (en mouvement) du bras d'honneur.

Le complexe de l’autruche

Livre de Pierre Servent, Perrin, 2011. Pourquoi la France n’arrête-t-elle pas de se faire battre ? D’abord militairement, puis économiquement ? Dans ce livre, il y a des choses originales, et d’autres qui ne m’ont pas accroché.

Parmi ces dernières une critique convenue de la France, de ses élites, de sa langue… sans aucune démonstration qu’il s’agit là de la cause de nos maux. Et si, dans d’autres conditions, ces défauts étaient des atouts ? Peut-être sommes-nous un champion de course à pied qui s’est égaré dans un bassin de natation ? Et s’il suffisait de retourner sur la terre ferme ? Deux de ses remarques torpillent d'ailleurs sa critique. Certes, la France ne fut pas glorieuse, mais elle en est au même point que les autres. Ensuite, après chaque défaite, notre pays s’est redressé extraordinairement rapidement.

Le plus intéressant dans ce livre est la description de nos trois dernières guerres. Elles ne sont pas du tout celles que l’on nous raconte. En fait, depuis les guerres napoléoniennes, l’Allemagne n’a qu’un objectif : tailler la France en pièces. Or, la France ne semble pas s’en soucier. Ce qui en dit déjà long sur nos chances de réussite. A tous les coups, l’Allemagne joue la même tactique. Celle de Napoléon. C’est une offensive, qui vise le chaos. La force de la manœuvre est l’autonomie laissée à chacun d’en faire à sa tête, d’improviser. La faiblesse de la France est toujours la même, durant les 3 guerres : un Etat major de politiciens intellectuels et peureux. Mais l’issue des conflits aurait pu être différente. La guerre de 14 est sauvée par l’indiscipline de Gallieni (les taxis de la Marne) du scénario 70 / 40, mais l’incompétence du haut commandement cause une hécatombe de morts inutiles (300.000 ?). En 40, l’armée française, ses tanks et ses avions (!), sont très supérieurs à ceux des Allemands. L’Etat major allemand n’a rien à envier au français en termes de médiocrité. Mais trois généraux vont parvenir à le contourner. Et à utiliser avec génie le peu qu’ils ont. Ils mettent la France KO.

Et le complexe de l’autruche, d’où vient-il ? Je ne crois pas que le livre le dise clairement. Pour ma part, une anecdote me semble significative. Un général parle des réformes qu’il fait subir à l’armée. Conscient du conservatisme de ses vieux crabes. Il a mis en place des cercles de réflexion qui les court-circuitent. Paradoxe. N’est-il pas lui-même un vieux crabe ? Et, en ne consultant pas ses homologues ne leur donne-t-il pas raison d’être sur leurs gardes ? Et si c’était cela la faiblesse de la France ? Elle est une autruche, parce que le danger vient de l’intérieur ? Mais dès que son regard se tourne vers l’extérieur, et qu’elle oublie ses querelles, elle devient redoutablement efficace ? Ressemblerait-elle à la Grèce de Xénophon ? 

lundi 19 août 2013

Pourquoi donc la France défend-elle sa langue ?

L'Université de Cambridge enquête. Pourquoi la France est-elle, exception mondiale ?, aussi obsédée par la pureté de sa langue ?
Il est souvent dit que la France fournit le plus extrême exemple d'attitude prescriptive, interventionniste et puriste à l'usage du langage. Même aujourd'hui des commissions ministérielles recommandent la terminologie acceptable dans des domaines aussi différents que les technologies de l'information et l'énergie nucléaire. 
Le plus curieux peut-être est le travail de Vaugelas en 1645, qui explique comment parler correctement français. Ou plus exactement ce qu'est le français. Et ce qu'il n'est pas.

Ce qui me fait penser à un texte d'Hannah Arendt sur l'autorité (La crise de la culture). L'autorité réelle vient d'une "fondation", un moment décisif pour une culture, que l'on reconnaît comme étant la source de son succès, par exemple la fondation de Rome. Les hommes d'autorité (l'Académie française dans notre cas, les sénateurs pour Rome) sont les dépositaires de ces valeurs fondatrices. Si cette théorie est juste, cela voudrait dire que notre langue joue ou a joué un rôle considérable dans notre histoire. Qu'elle soit attaquée aujourd'hui donne peut-être une mesure de la dimension du changement que nous vivons...

The Economist contre Internet

Qu'arrive-t-il à The Economist ? La semaine dernière il reconnaissait qu’avoir donné le pouvoir aux hommes d’affaires était une erreur. Cette semaine, trois articles s’en prennent à Internet.
On y lit que l’usage de Facebook cause la déprime chez les adolescents : chacun n’y parlant que de ses triomphes cela renvoie le lecteur à sa médiocrité. (« L’émotion la plus fréquemment suscitée par l’usage de Facebook est l’envie. ») La relation directe, au moins, nous met en face des hommes tels qu’ils sont. On y lit aussi qu’Internet produit stress et désorganisation, avec pour premières victimes les créatifs. Tout d’abord parce que le traitement des mails prendrait un quart de la journée, en moyenne. Mais surtout parce que l’homme vit en permanence son travail. Bref, on pensait utiliser Internet au service de l’homme, et c’est le contraire qui s’est produit. « Il y a certainement des raisons d’en faire beaucoup moins – de rationner les emails, de réduire le nombre de réunions, de se débarrasser de quelques dirigeants excessivement zélés. Depuis quelques temps s’impliquer dans son travail a un retour sur investissement négatif. Il est temps d’essayer une stratégie bien plus radicale : prendre du recul. » Mais ce serait surtout en dehors de l'entreprise que la perte de productivité produite par Internet serait la plus violente. Internet a remplacé l’emploi fixe traditionnel, par un emploi précaire, peu productif. « Les auto-entrepreneurs (40% de la création d’emploi en Angleterre) travaillent plus longtemps – 6 % de plus que les employés – mais leurs revenus horaires moyens sont moins de la moitié de ceux des employés. » Internet a aussi « transformé certaines branches de l’économie – la vente de détail, la musique et l’édition, par exemple -, en grande partie en détruisant des modèles économiques existants. » « Internet, par opposition (à l’usine), semble atomiser la force de travail. En donnant un plus grand contrôle au possesseur de capital, il pourrait expliquer pourquoi les profits aux USA sont au plus haut depuis l’après guerre. »

Pour le reste, pas grand-chose de neuf. L’Egypte semble partie pour un scénario algérien. Que ce soit du côté des frères musulmans ou de celui de l’armée, l’affrontement stimule, en quelque sorte, les forces du mal. Des composants extrêmement dangereux, masqués jusque-là, s’affirment et s’affrontent. Inde / Pakistan. L’économie pousse les deux pays à s’entendre. Mais c’est tout. L’avenir ? Peut-être des « décennies de troubles – « une série de crises ponctuées par l’apathie » ». En attendant, l’Inde construit une marine de guerre moderne avec porte-avion, et sous-marins nucléaires. Israël modifierait sa politique d’implantation. De la Cisjordanie, elle irait vers le Néguev. Mais, une fois de plus, c’est au détriment des populations locales (Bédouins). Israël, par ailleurs, relâche une poignée de prisonniers, en signe de bonne volonté. Ce qui n’est pas suffisant pour les Palestiniens, pour qui les prisons israéliennes ont quelque-chose d’un rite de passage (« 750.000 Palestiniens sont passés par les prisons israéliennes (depuis 1967) » « 5071 Palestiniens seraient derrière les barreaux, pour des actes de violence ou de subversion à motivation politique. »). Pour sa part, l’Amérique, est le premier incarcérateur mondial, loin devant la Chine. « Un Américain sur 107 était derrière les barreaux, en 2011 – le taux le plus élevé au monde – et un sur 34 était sous « surveillance correctionnelle » (soit sous les verrous, soit sous probation, soit en liberté conditionnelle). Un noir a 3,6 fois plus de chances d’aller en prison en Amérique qu’en Afrique du Sud, en 1993, juste avant la fin de l’Apartheid. » Mais le pays a décidé de se réformer. « Le coût élevé de la prison a attiré l’attention à la fois de la gauche et de la droite. » La vertueuse Suède pourrait passer à gauche. Le parti au gouvernement est pris entre une montée du chômage (8%) et un mouvement anti immigration.

L’industrie des médias commencerait à profiter d’Internet. Les revenus passeraient de « produits physiques » au numérique, téléchargement et streaming, de la vente à la location. (Remarque : aux USA, les livres électroniques représenteraient 30% des ventes totales.) Aussi, l’industrie sortirait de ses activités traditionnelles. « Les journaux entrent dans de nouveaux métiers tels que le marketing et les conférences. » Quant aux fonds activistes ils en ont après les entreprises de haute technologie, comme Apple. Pourquoi ? Parce qu’elles sont remplies d’un argent qu’elles ne savent pas utiliser. Et qu’elles ont du mal à changer assez rapidement (cf. Microsoft). Qui a tué par le glaive… ? L’Europe cherche à développer le fret ferroviaire. Pour cela, il s’agit d’aménager des « corridors » aux travers de l’Europe. Mais cela coûte cher, demande des collaborations entre Etats, et, de toute manière, le rail est moins flexible que la route. En tout cas, il semblerait que ce marché doive-t-être dominé par les chemins de fer allemands. Pour sa part, un entrepreneur américain envisagerait de construire des trains sous vides.

Et les groupes d’oiseaux n’entreraient pas en collision en se posant, parce que, grâce à leur capacité à repérer le champ magnétique, ils adoptent tous le même angle d’atterrissage. 

dimanche 18 août 2013

Miroitiers, prochaines victimes de la destruction créatrice ?

Il y a longtemps que j'ai noté la ressemblance entre l'iPhone et une trousse de maquillage. Mon intuition s'est confirmée l'autre jour. J'ai vu deux jeunes femmes utiliser la fonction photo comme miroir. Système D français ? Autre illustration de la destruction créatrice ?

L'Anabase

Livre de Xénophon, Flammarion, 1997.

Fin des guerres du Péloponnèse. Une armée de mercenaires grecs vient se joindre aux troupes de Cyrus, qui veut renverser son frère, roi de Perse. Mais Cyrus se fait tuer bêtement. Les Grecs doivent revenir chez eux, alors qu’ils sont perdus en territoire ennemi, sans guide. Pour comble de malchance, leurs généraux se font attirer dans un piège, et massacrer. L’Anabase est l’histoire de leur retour. C’est aussi une parabole. Voilà ce que doit faire la Grèce, si elle veut être invincible.

L’armée grecque est peu nombreuse, mais elle se révèle redoutable. Pour rentrer chez elle, elle va proposer ses services à des alliés de passage, qui lui font franchir à chaque fois une nouvelle étape. Sa force, c’est la démocratie, la raison, et l’union. Les généraux sont élus. Ce qui permet de les remplacer quand ils meurent. C'est ainsi que Xénophon devient général. Chaque décision est débattue. Et Xénophon veut démontrer qu’un sain jugement remporte l’adhésion générale. Mais cette armée de citoyens est aussi puissante parce que chacun est, en quelque sorte, un professionnel qui se bat pour ses intérêts. Les armées informes de mercenaires ou de villageois qu’elle rencontre, bien que beaucoup plus nombreuses, ne font pas le poids. D’ailleurs, elle sait apprendre de ses revers. Plus elle combat, meilleure elle devient. Les exploits d’Alexandre sont déjà dans l’Anabase.

Mais sa force est aussi sa faiblesse. Dès que le danger se dissipe, les divisions et l’indiscipline renaissent. Et la défaite n’est pas loin. 

Le banquet
Le livre contient aussi « le banquet ». Ce serait une réponse par Xénophon au banquet de Platon. On y voit un Socrate, brave homme, prôner le bonheur de vivre, droitement, entre honnêtes gens. Le Socrate de Xénophon n’a rien à voir avec celui de Platon. Je soupçonne d’ailleurs que l’Anabase est une illustration de son enseignement. C’est une leçon de raison pratique, de décision dans l’action. On y voit aussi que Socrate était partisan des sacrifices. D’ailleurs, à chaque décision, et il y en a beaucoup, on consulte les augures et on égorge des animaux.

Pierre Chambry, traducteur, pense que le vrai Socrate ressemblait à celui de Xénophon. Pour ma part, je me suis demandé si le vrai Socrate n’était pas plutôt une sorte de révélateur. N’amenait-il pas ceux qu’il rencontrait à découvrir leur nature ? Cette découverte faite, peut-être croyaient-ils que Socrate pensait comme eux ? Alors que lui voulait qu’ils pensent par eux-mêmes ?

samedi 17 août 2013

Changement du blog du changement, un an après

Il y a un an, ce blog a connu un changement. Bilan.

Je m'étais rendu compte qu'il me prenait beaucoup trop de temps. Ma principale innovation a consisté à réduire ma production. La tactique que j'avais envisagée à l'époque (des billets longs) a fait long feu. Je n'ai pas réussi à m'y mettre. Avec une exception : je me suis mis à écrire des synthèses d'articles de The Economist. Ainsi, j'ai un peu triché avec mes résolutions : je fais une bonne dizaine de billets en un seul.

Une cadence importante a des avantages et des inconvénients. L'avantage est de forcer à chercher des thèmes d'interrogation. D'où de très intéressantes découvertes. Et cela stimule la réflexion, secoue les certitudes... L'inconvénient est que l'on peut s'engager dans des terrains dangereux.

Je me suis aussi mis à participer à des groupes linkedin. Ce qui m'a encouragé à développer un type d'article que j'avais un peu laissé de côté. L'article de fond sur la conduite du changement.

J'ai aussi ajouté quelques photos. Mais je me suis vite restreint aux couvertures de livres.

Bref, l'histoire de ce blog est celle de la construction d'habitudes. Certaines nouvelles idées échouent, d'autres s'installent... C'est le changement !

vendredi 16 août 2013

Les patrons de l'an II

Et si nos dirigeants devaient devenir nos généraux de l'an II ? Voici la curieuse question que je me suis posée.

L'an II a été la levée en masse de troupes par la République. Il s'agissait d'éviter à la France le retour du modèle monarchique. Aujourd'hui, la France est devant une autre forme de menace. Elle a été colonisée par le "modèle du marché". Ses entreprises, ses universités, ses Champs Elysées... tout lui obéit. Or, non seulement cela ne nous satisfait pas, mais, comme le disent les Anglo-Saxons eux-mêmes, il a mis la planète en faillite. Dans ces conditions, la menace étant économique, il serait logique que les dirigeants d'entreprise prennent la place des généraux de la Révolution. Qu'ils construisent une économie à la fois prospère et compatible avec nos valeurs. Et pour cela l'armée doit être composée de citoyens. Pas de professionnels.

Comme les Révolutionnaires, leur mission ne s'arrête peut-être pas aux frontières de la nation. Il faut rebâtir un modèle mondial durable. Et il serait bien de sortir des conflits entre groupes humains qui fleurissent partout. Pourquoi ne pas remettre au goût du jour les idées des Lumières ? Par exemple celle qui voulait créer une fédération de cultures, dont la richesse est la différence. Et pourquoi ne pas commencer avec une maison témoin ? L'Europe. En la sortant de son cercle vicieux actuel, qui cherche à nous punir de nos différences, et à nous enfoncer dans la pauvreté ?

Destruction créatrice : principes

Les malheurs de la presse semblent dire comment fonctionne une forme de (la ?) destruction créatrice capitaliste. 
  • Les modèles économiques des entreprises subventionnent certaines activités par d’autres. Par exemple, le café est un produit d’appel des bars, dont le bénéfice est fait par les alcools. 
  • L’innovation consiste à attaquer les produits subventionnés. C’est une stratégie de parasite. 
  • Du coup l’entreprise traditionnelle ne peut plus vivre. L’impact peut être désastreux pour la collectivité, puisque, sans qu’on s’en rende compte, des pans entiers de la vie sociale peuvent disparaître. Par exemple, la presse, élément essentiel de la démocratie. 
Comment réagir ? En changeant pour ne pas changer. L’entreprise attaquée doit comprendre ce qu’elle offre de véritablement important pour la communauté et l’utiliser pour lancer une nouvelle offre qui va lui permettre de nouveau de vivre. Ainsi, j’ai découvert dans une étude que j’ai menée il y a longtemps que l’avantage concurrentiel d’un bar était la personnalité de son patron. Les bars sont des lieux de lien social. On y vient causer. (Un interviewé m’a même parlé, un peu inquiet, de « service public ».) L’art du patron est de trouver des produits qu’il peut proposer à la communauté qui se regroupe chez lui pour profiter du climat qu’il a créé.

jeudi 15 août 2013

Un anthropologue à l’EHPAD

Alain Etchegoyen est nommé Commissaire au plan par le gouvernement Raffarin. Il se donne trois axes d’étude. Vieillissement, violence, éducation. Eric Minnaert va passer 6 mois dans une chambre médicalisée d'un EHPAD (établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes). Peut-on améliorer la prise en charge des personnes âgées ?  Eric découvre « une violence incroyable ».

« J’ai travaillé sur la mort. ». Le premier jour, il se trouve seul avec une malade. Il croit qu’elle veut un verre d’eau. Elle meurt d’une embolie pulmonaire. Il ne se le pardonne pas. « J’ai suivi le corps jusqu’à la fin ». Sur l’ensemble de sa mission « j’ai suivi les corps 31 fois de l’agonie au cimetière ».

Les résidents sont des gens âgés « très dégradés », « dépendants », généralement inconscients.  « Quand ils reprennent conscience (ce qui est heureusement rare), ils veulent mourir, pourtant tout est fait pour les empêcher de mourir. » En particulier, parce qu’ils représentent de gros enjeux économiques pour le « lobby de ceux qui vendent les pilules qui permettent de maintenir les organes en fonctionnement ». Pourquoi y a-t-il souffrance ? « Parce que la présence de la mort, en maison de retraite n’est pas pensée et pas pensable. » « La seule chose dont on est sûr est de la mort, or, on nie la mort. » Ce problème non posé, ne peut pas être résolu. Ou résolu de manière atroce : le corps est assimilé à un déchet, et traité comme tel ! « Les corps prennent les mêmes ascenseurs que les poubelles. »

« Il y a eu déritualisation et déspiritualisation. » « Le rituel assure la cohésion à partir de l’absence. » « Il est en trois étapes : la préparation du groupe ; l’émotion, la transe, qui place le groupe hors du temps, dans le domaine du mythe des origines ; puis on revient à l’état collectif. » « La spiritualité transcende le groupe, elle en fait une tribu. »

Il en sort « éclaté ». « Je n’étais plus capable de me reconstituer. » « Je n’avais plus de perception de moi. » « Je doutais de moi. » Il a traversé une sorte de « phénomène de mutation ». « L’anthropologie est le plus long chemin de soi à soi ». L’outil d’analyse de l’anthropologue, c’est lui-même. C’est en détruisant, puis en reconstruisant, son identité, qu’il comprend le milieu qui l’accueille. L’anthropologie est « une mise en péril ». « Je dois me marginaliser pour écouter les limites. » Comme chez les Pygmées, cette mise en péril est avant tout une mise en doute de son ontologie, des fondements sur lesquels reposent la société et l’individu. Un voyage aux marges du néant. 

Logique du journalisme

Je rencontre un journaliste. Un ancien de Libé, qui travaille maintenant pour un hebdomadaire qui promeut l'entreprise. Je lui dis que l'entreprise a un but social. Il me répond qu'il n'en est rien. Elle est là pour gagner de l'argent.

Je me suis demandé s'il ne ressemblait pas aux personnages de Polanski. Ils finissent toujours par sombrer dans le mal. Et ils s'y trouvent très bien.

mercredi 14 août 2013

Faut-il aimer l’euro ?

Le chômage augmente mais les salaires aussi, sauf en Grèce. Le rééquilibrage de la zone euro ne se fait pas, dit Paul Krugman.

Car le rééquilibrage de la zone euro consiste à partout faire baisser les salaires. Que ferait le bon peuple, s’il l’apprenait ? me suis-je demandé. 

FEMEN : impérialisme occidental ?

Réquisitoire de Raffaella Taylor-Seymour, anthropologue de Cambridge, contre les FEMEN :
L'identité d'une femme est formée d'un réseau complexe d'influences - économiques, culturelles, sexuelles, religieuses, par exemple. Beaucoup diraient que le mouvement féministe fournit un espace de diversité pour les femmes. Le problème, dans le cas de Femen, était que la femme ne pouvait être "dans le coup" - donc être libre - que si elle souscrivait à certaines valeurs qui s'accommodent mal avec le style de vie de beaucoup de communautés.
Autrement dit, le mouvement féministe est intimement mêlé à nos valeurs. Si l'on cherche à l'imposer à d'autres cultures, elles se disloqueront.

mardi 13 août 2013

Cynisme, mal de notre société ?

Ce qui est frappant dans l'évolution de la société, c'est la victoire du cynisme. C'est ce à quoi me fait penser le billet précédent. Et ce cynisme n'est jamais plus fort que parmi ceux qui ont le monopole du cœur : travailleurs humanitaires, journalistes, syndicalistes, hommes politiques de gauche (cf. DSK).

Je me demande si tout ce monde n'est pas convaincu que le mal a gagné. Et que, tout bien pesé, autant en profiter. Pour le reste, il montre sa compassion en faisant la mendicité à un peuple, qui, au fond, n'est fait que d'animaux ?

Comment sortir les SDF de leurs cartons ?

Qu’est-ce qu’un SDF ? C’est quelqu’un d’anesthésié. Il n’est plus vivant. Il s’est suicidé en coupant son lien avec la société. C'est un SLS, sans lien social. S’il vit dans un carton, c’est parce qu’il l’a choisi. Voici ce que dit une émission de France culture. (Olivier Douville.)

Du coup notre système d’assistance fait le contraire de ce qu’il faudrait. Nous voulons héberger le SDF, alors qu’il faut lui trouver un endroit où il renoue un « lien de parole », et où il soit écouté. Il y a tout ce qui faut pour cela. Mais il faudrait le mettre en réseau. (Et peut-être ne pas chercher à le détruire ?)

Au fond ce qu'il faudrait changer c'est peut-être bien notre regard vis-à-vis du SDF. Nous ne le considérons pas comme un être humain. Sinon, nous saurions ce dont il a besoin. 

Jeff Bezos sauveur de la presse ?

Curieusement, un article de Slate semble partager mon point de vue sur Jeff Bezos. Il pourrait non seulement sauver le Washington Post, mais aussi la presse dans son ensemble.

Le problème de la presse ? C'était un mélange "d'informations" et de "nouvelles". Les informations (annonces...) coûtaient peu et rapportaient beaucoup. C'était le contraire pour les nouvelles (enquêtes de fond). Internet a attaqué les premières, comment financer les secondes ?

La force de Jeff Bezos, c'est qu'il sait réinventer un modèle économique, comme il l'a fait pour le livre. C'est aussi quelqu'un qui a une vision à très long terme.

En creux, une critique de la presse : elle a abandonné le contenu, elle vit à court terme, et elle est incapable d'aucune vision.

lundi 12 août 2013

Le paradoxe de l'Education nationale

L'Education nationale fait le contraire de ce pour lequel elle a été créée. La IIIème République de Clemenceau voulait qu'elle forme des hommes libres. C'est à dire capables de penser par eux-mêmes. Or, que produit-elle ? Elle nous distribue des places dans la société ! En termes de liberté de mouvement, c'est réussi. Et elle doit employer des règles plus ou moins aléatoires pour nous sélectionner. Afin d'éviter que les classes sociales ne se reproduisent. Si bien que ce que nous faisons a probablement peu de rapport avec nos talents.

Le contraste avec les USA est saisissant. Là-bas le talent est premier. Et les études sont relativement peu poussées et se font beaucoup en autodidacte. Y compris et surtout au sein des plus prestigieuses institutions. C'est la vie qui enseigne. L'école ne fait qu'y préparer.

Chine et écologie, délocalisation indienne et la politique ne doit pas être laissée à l'homme d'affaires...

Une fois de plus la Chine change. Elle s’en prend à sa pollution. Ce n’est pas facile d’autant que pour la population cela demeure une préoccupation secondaire. Mais « ses leaders comprennent le défi du changement climatique mieux que leurs prédécesseurs et peut-être mieux que leurs équivalents internationaux. Ils sont bons pour passer à l’action dans les situations d'urgence. Parce que le pays arrive après les autres, il devrait pouvoir apprendre de leurs erreurs (…) La Chine a un marché intérieur énorme, des capitaux peu chers et des déserts ensoleillés et ventés, un environnement idéal pour bâtir un système qui n’émette pas de carbone. »

La fin des illusions ? « Plutôt que d’utiliser ses compétences d’homme d’affaires pour relancer l’économie italienne, M.Berlusconi a utilisé ses compétences politiques pour protéger ses intérêts d’homme d’affaires. » Faillite du partenariat public-privé. Partout dans le monde cela a été la même chose. On espérait qu’avec des hommes d’affaires au gouvernement, l’économie irait mieux qu’avec des hommes politiques. C’est le contraire qui s’est passé. Fin d’une ère en Israël ? L’armée de citoyens céderait la place à une armée de métier de haute technologie. Adaptation à la dislocation des pays voisins, mais aussi aux aspirations de la population. Barak Obama ferme ses ambassades au Moyen-Orient et en Afrique du nord. Contrairement à ce qu’il croyait, Al Qaeda n’est pas en recul. Au contraire, le chaos régional est favorable à son expansion. L’économie syrienne est en apnée. On se dirige vers une économie de subsistance dominée par des seigneurs de guerre. Fin d’une ère en Italie ? Berlusconi semble avoir été affecté par sa dernière condamnation. Il n'aurait pas de remplaçant à la tête de son parti. Avenir national incertain. (Recomposition de l’Italie politique en vue ?) En tout cas, l’Industrie italienne, jadis puissante, est dans un cercle vicieux. Plus ses entreprises se délocalisent, plus elles tendent à former des sous-traitants étrangers, plus le pays perd en compétence, plus le chômage monte, et plus le marché se rétrécit. La Grèce, le Portugal et l’Irlande vont avoir besoin de la solidarité de la zone euro. On attend l’élection de Mme Merkel pour le dire. « 52% des Anglais ont du mal à joindre les deux bouts. » En Angleterre, il y a de la place pour les gros salaires et pour les très bas. Les qualifications intermédiaires souffrent (apparemment 40% de la population). L’Etat aurait masqué le phénomène par le crédit d’impôt. Et cette population serait surendettée. (Miracle thatchérien ?) L’Inde étant un pays où apparemment rien n’est facile, les hommes d’affaires délocalisent ce qui est compliqué à réaliser ou mal fait en Inde vers d’autres pays (Doubaï, Singapour, l’Ile Maurice, le Sri Lanka, l’Angleterre et même la France).

Achat du Washington Post par Jeff Bezos. L’affaire pourrait réussir. Les journaux sont devenus très bon marché (un dixième de leur prix d'antan). Ils doivent réinventer leur modèle économique. Plus question de compter sur la publicité. Les revenus doivent venir des consommateurs. Et M.Bezos a montré qu’il savait les comprendre. Mais, pour qu’un journal comme le Washington Post continue à faire trembler les hommes politiques. Il doit attirer à lui un lectorat important. Il doit convenir à beaucoup de goûts.

Google Chrome a dépassé Explorer. Fin d'une ère ?

Start up. Une nouvelle activité voit le jour : les entreprises envisagent de monter des contre-attaques contre les pirates informatiques. Il y a aussi un marché de stimulation de l’intellect vieillissant inspiré par les dernières découvertes en neurosciences. Et on est maintenant capable d’utiliser du papier pour imprimer en 3D. Ce qui donne des résultats aussi durs que le bois.

La consommation de poisson explose. Elle est tirée par les pays émergents. Les quantités issues de la pêche sont constantes. La pisciculture est en plein développement.

Attention, l’inactivité est dangereuse. Pour bien se porter, il faudrait maintenir une activité de « basse intensité » (marcher, travailler debout, par exemple). Enfin, on étudie en laboratoire les mutations des virus. Cela permet de se préparer aux éventuels dangers que peuvent présenter leurs évolutions.  

dimanche 11 août 2013

Repli nationaliste ?

J'ai parlé dans un précédent billet des malheurs des grandes compagnies pétrolières mondiales. L'histoire n'est pas aussi innocente qu'il y paraît. En effet, l'article semble dire que les nations manœuvrent pour verrouiller leurs ressources énergétiques. N'y a-t-il pas là un moyen d'interpréter la passion soudaine de l'Amérique pour le gaz de schiste ? L'Amérique n'est-elle pas la première à sonner le repli vers le territoire national ?

Malheur à celui qui manquera de ressources énergétiques, ou de quoi que ce soit d'autre ? On lui fera payer cher ? Et si l'Europe s'interrogeait sur la stratégie à adopter ?

samedi 10 août 2013

Wuwei

Voici ce que je reçois :
Pourquoi une plage ne serait-elle pas le meilleur lieu d'apprentissage du changement ? L'art du changement n'est-il pas le wuwei ? A ce sujet, quelle idée a eue mon correspondant en lisant mon livre sur son transat ? Pour sauver la France, il faut mettre son gouvernement en vacances. Pas bête. Le mal français est le modèle du dirigeant de droit divin. Sans dirigeant, nous sommes forcés à la responsabilité...

Qu'est-ce qu'un individu ?

La vie de Clémenceau m'a fait penser qu'il y a un divorce irréparable entre sa pensée et celle d'Hannah Arendt d'un côté, et le collectivisme de l'autre. C'est l'homme comme individu contre l'homme comme "masse". Le radicalisme voulait sortir l'homme de la masse. Le collectivisme voulait faire d'un mal un bien : la condition de certains hommes était de vivre en masse, autant trouver du bon à cela. Au fond, la pensée de la gauche actuelle demeure sur ce modèle de l'union entre la masse laborieuse et l'intello, son Zorro. (Cf. la "massification" de l'enseignement.)

La masse est-elle la condition naturelle de l'homme ? Rien ne paraît le prouver. La masse semble être, plutôt, ce qui arrive lorsque le groupe humain n'est pas structuré par des règles. Elle est une conséquence paradoxale d'un excès d'individualisme, produit par la destruction du lien social.

Qu'est-ce qu'être un individu, alors ? La particularité du modèle des masses / de la lutte des classes est l'absence de pensée. La masse est un être animal. L'intellectuel, lui aussi, ne fait qu'appliquer des modèles. Il a sous-traité son cerveau. Les Lumières semblent avoir vu juste : l'individu est quelqu'un qui est capable de juger par lui-même. Mais, curieusement, cette capacité lui est apportée par la société. Comme dans le modèle de Maslow, l'homme ne peut se "réaliser" que si la société lui a donné ce dont il avait besoin pour cela... D'ailleurs, l'individu n'est pas un loup solitaire. Les individus sont reliés par une sorte de socle commun de croyances, valeurs, objectifs ou autres comme les joueurs d'une équipe sportive.

vendredi 9 août 2013

Double France ?

En lisant la biographie de Clémenceau (billet précédent), je me demande si la France n'est pas double.
  • D'un côté, il y a une sorte de France individualiste et batailleuse. Ses ancêtres (culturels à défaut d'être génétiques) sont gaulois. C'est la France de Clémenceau. Peut-être aussi de De Gaulle. 
  • A côté d'elle se trouve la France de la lutte des classes. Faite de possédants et de leur main d'oeuvre. Héritage de la révolution industrielle ? Du féodalisme ? Le socialisme ayant pris la place de l'église pour conserver la masse dans sa condition ? (Le Marxisme ne reprend-il pas le message catholique : le bonheur est dans un autre monde ? En faisant croire à l'Éden communiste, n'enlève-t-il pas à l'homme le désir d’améliorer son sort ici-bas ? Et l’action violente, à laquelle il pousse parfois, n'est-elle pas contre-productive ?)    

Crise de la presse : les raisons ?

Hier, les journalistes s'appelaient Clémenceau, Jaurès, Zola, Camus ou Sartre. Boris Vian écrivait sur le Jazz. Et aujourd'hui ? Je me demande si la crise de la presse ne vient pas de là. Ce n'est pas qu'une question de talent. C'est surtout une question de changement. Car, tous ces gens étaient avant tout porteurs d'un combat.

Et si c'était cela la fonction de la presse : leader d'opinion ? Et si c'était pour cela qu'elle va mal ? Non seulement elle baigne dans une médiocrité satisfaite de soi, mais elle est le bastion du conservatisme ? Elle résiste à ce qui devrait la nourrir !

(D'ailleurs, les principes sur lesquels elle s'est constituée après guerre n'étaient pas là pour l'encourager à la subversion...)

Clémenceau

« Homme d’affrontement, qui n’est lui-même que dans le conflit », Clémenceau ressemble à ces anarchistes ou ces révolutionnaires qui passèrent leur vie à défier la société. Il connaît la prison très jeune, il est toujours endetté, il va de combat en combat, c’est d’ailleurs un duelliste redouté, et un tribun sans égal. Et il ne cherche pas le pouvoir. Pendant longtemps il est celui qui fait tomber les ministères. Il n’arrive au gouvernement qu’âgé. Il s’est fait énormément d’ennemis. Mais lui n’a de rancœur vis-à-vis de personne. Il n’en veut qu’aux idées, pas aux hommes. Et il fait passer l’intérêt général avant tout.

C’est l’homme de l’affaire Dreyfus. Il est ministre de l’intérieur, « premier flic de France », à un moment où le « pays (est) en proie à l’agitation sociale et à la menace de désagrégation ». Car c’est alors que « l’unification (de la gauche socialiste) se produit sur la base radicale de la lutte des classes », qui légitime la violence comme moyen d'action. Puis il est « le père la victoire », en 17 au moment où la France et l’Etat major sont saisis par le défaitisme. Sa vie est aussi faite de revers. Pendant la Commune, il tente une conciliation. Il ne parvient ni à empêcher la peine de mort, ni à faire renoncer la France au colonialisme. Et les accords qu’il fait signer après guerre ne seront pas respectés.

Surtout, il semble avoir été pris dans une guerre fratricide. Lui-même va être le fléau de Gambetta et de Ferry, « conservateur déguisé en républicain ». Avant d’être pris à parti par Jaurès. « Le plus grand faux pas de la carrière de Clémenceau » aura été de ne pas parvenir à s’entendre avec le parti socialiste. Ce qui conduit « les socialistes (à prendre) le monopole de la revendication sociale, alors même que leur ligne révolutionnaire les éloignait du pouvoir ». « La gauche radicale n’a guère le sens social. » « Déjà s’amorce l’évolution qui fera du radicalisme le représentant attitré des classes moyennes, des petites villes et des villages mêmes. »

A quoi croyait-il ? à la liberté individuelle. Elle a pour condition la République, et le progrès (« confiance irrésistible dans l’idéal de la raison et des Lumières »).

Son idéal ? Individualiste farouche « contempteur de l’autorité », « il veut la République, toute la République, la République de Clémenceau c’est d’abord la liberté. » Liberté ? « (Ce qu’il veut faire dans ses écrits) : c’est chanter la vie, c’est magnifier l’action, c’est exalter la joie d’être, contre les philosophies et les religions de la misère et de la chute. » « La parole ne peut être que vain bruit, sans action. »

Sa stratégie ? « lutter contre les monopoles, les privilèges patronaux (…) préparer l’abolition graduelle du prolétariat (…) vieil idéal de la Révolution, celui du petit propriétaire libre. »

Le moyen ? « Le salut passait à ses yeux par la ville, l’instruction, les études » : « Ouvrir l’enfant aux sensations de vérité, de bonté, à la pitié des êtres, aux sentiments de compassion humaine, d’où jaillit le noble élan de secours. » « Délivrer l’homme de l’ignorance, l’affranchir du despotisme religieux, politique, économique et l’ayant affranchi, régler par la seule justice la liberté de son initiative, seconder par tous les moyens possibles le magnifique essor de ses facultés, accroître l’homme en un mot, en l’élevant toujours plus haut. » Le service militaire est « le prolongement de l’école ».

Ses combats en découlent : « défenseur de l’individu, de l’entreprise individuelle, il ne peut accepter le triomphe de l’individualisme. Car l’individu fait partie d’un corps social (...) en même temps, il ne peut accepter le communisme (…) l’individualisme absolu, expression de la barbarie, le socialisme collectiviste est un déni de l’individu, mais les responsabilités de l’Etat social doivent être reconnues. » « Il n’a d’ennemis que ceux qui violent la loi. »

Il croit au « droit des peuples ». Il aime la France parce qu’elle porte son idéal, c’est un  « grand peuple, celui qui avait allumé pour le monde entier la torche de la liberté. » « La France, autrefois soldat de Dieu, aujourd’hui soldat de la liberté, toujours soldat de l’idéal. »

Le livre : WINOCK, Michel, Clémenceau, Librairie Académique Perrin, 2011.

jeudi 8 août 2013

Marcuse et Minnaert

Michel Onfray traduisant la pensée d'Herbert Marcuse parlait de l'inhumanité du travail de l'ouvrier d'ArcelorMittal. Raison : division des tâches.

Dans le billet précédent, il est question de la vie de cet ouvrier. Est-elle inhumaine ? Non. Mais il n'y a pas division des tâches. Ce qui semble faire l'intérêt du travail est la complexité du fonctionnement d'une aciérie, irréductible à l'équation. Les aciériste font un travail difficile, qui demande beaucoup d'expérience et un jeu d'équipe. Mais, lorsque l'on cherche effectivement à les contraindre à une forme de division des tâches, ils connaissent la dépression. Et les rendements s'effondrent.

Un anthropologue chez les aciéristes

Une aciérie passe de 8 à 7 coulées. Pourquoi ? Une aventure d’Eric Minnaert.

« 3h du matin, j’arrive sur le site ». « À l’époque, j’avais un vélo à petites roues » et « j’étais dégueu ». Dans la foule, personne ne le remarque. « Distribution de tracts », l’occasion d’une « première collecte d’informations ». En les lisant, il comprend « qu’ils attendent le consultant anthropologue pour le virer manu militari ». « Je choisis un leader, je le tire par la manche », « je suis l’ethnologue ». « Toute une foule se rassemble », le leader dit à deux personnes : « prenez-le tous les deux ». Eric est pris en charge. En entrant dans l’usine, il sort de son sac à dos deux bouteilles, « on les met où ? » Toutes les usines n’ont-elles pas un bar clandestin ? Effectivement, « on ouvre une petite porte », un bar apparaît. « J’y mets mes bouteilles. » « Immédiatement, la nouvelle circule : il nous a eus. Ils ne peuvent plus me lâcher. »

Le monde des aciéries est d’autant plus difficile à pénétrer que les risques du métier forcent à un très étroit esprit d’équipe. « On se protège, on est ultra-solidaires. » La nécessité de prendre soin les uns des autres conduit à développer des « pratiques féminines ». La réalité des aciéries n’est pas celle des équations. C’est celle des hommes. « À la fin, je savais qui avait écrit les textes sur moi et l’espion venu de Rome avec un dessin issu d’Astérix, j’étais dans le salon, à l’endroit même où il avait écrit le tract. Cela me révélait tout de sa personne. »

Alors, pourquoi la productivité de l’usine avait-elle chuté ? Les ingénieurs de l’entreprise avaient décidé d’une politique de zéro défaut. Ils avaient obligé le personnel à effectuer huit contrôles. Ils n’avaient pas compris que la vie de l’ouvrier n’est que contrôle. Par exemple, « le matin lorsqu’il arrivait au vestiaire de l’aciérie, l’ouvrier longeait la tuyauterie de refroidissement du four ; s’il voyait un problème, il allait en parler au responsable. » La politique des ingénieurs était non seulement inefficace, mais surtout « ça a produit la démotivation des gens ». Ils n’étaient plus que des  exécutants.

« C’était la lutte de la culture ingénieur, contre la culture praticien ». « Du passé faisons table rase, on va tout modéliser. » C’était surtout l’affrontement entre « le monde de l’oralité et le monde de l’écrit. » « L’acier a des odeurs différentes en fonction du travail que l’on fait. » « Les ouvriers les connaissent, mais sont incapables de les nommer. » Ils disent « tu sens comme ça sent. » Pour eux, c’est clair. Pas pour l’ingénieur, qui pense : « ils ne sont vraiment pas bons, on a raison ».

Eric Minnaert sera entendu par le PDG du groupe. Mais partout dans l’industrie française, c’est la parole qui a gagné. L’entreprise n’ayant pu exprimer ce qui faisait sa valeur, son savoir-faire, on lui a imposé des normes théoriques. Parce qu’elles ne tenaient pas compte de sa complexité, elles l’ont détruite. Et la nation n’a pas compris qu’elle perdait son patrimoine. « On n’a pas pu s’engager avec eux, les défendre. »  Nous avions les meilleures aciéries du monde. Par exemple. 

Prospective (suite)

Tentative de prospective, suite. Une théorie qu'aime bien ce blog est celle des Chinois anciens[1]. Le monde passe du Yang au Yin, et inversement. Autrement dit après une phase Yang, individualiste et masculine, le Yin, la société et ses valeurs de solidarité devraient revenir.

Autre théorie, celle d'un retour régulier de certaines caractéristiques du capitalisme. « Quant à croire que la concurrence assurera par la voie naturelle la sélection des meilleurs c’est faire (...) comme un jardinier qui dans son jardin laisserait pousser tout, pensant que les bonnes espèces sauront bien prendre le dessus. Qu’arriverait-il ? il aurait son jardin rempli de ronces et de chiendent. » dit Charles Gide, au Collège de France, il y a 80 ans[2]. Mêmes débats, mêmes arguments qu’aujourd’hui ! L’histoire se répète.

Ce que MM. Ray et Séverino expliquent ainsi[3] : Le capitalisme procède toujours de la même façon. La croissance démographique crée une forme de disette. Les plus avantagés en tirent parti pour accumuler capitaux et innovations. C’est le progrès. Mais la misère conduit à la crise. Elle force à installer des systèmes de solidarité sociale. En créant une classe moyenne, ils relancent la croissance.

[1] JAVARY, Cyrille, Le discours de la Tortue, Albin Michel, 2003.
[2] AUDIER, Serge, La pensée solidariste, PUF, 2010.
[3] SEVERINO, Jean-Michel, RAY, Olivier, Le Grand Basculement, Odile Jacob, 2011.

mercredi 7 août 2013

Jeff Bezos achète le Washington Post, que penser ?

L'autre soir, annonce du Financial Times: Jeff Bezos achète le Washington Post. Qu'en penser ? me suis-je dit. J'ai interrogé un journaliste spécialisé. Malheureusement, il n'a pas pu me renseigner. Il était pris par surprise. Je vais donc devoir penser seul...
  • Le Washington Post est un symbole. C'est lui qui a fait tomber Nixon. 
  • Amazon a de plus en plus mauvaise presse. Mauvais citoyen, il ne paie pas ses impôts et fait travailler ses personnels dans de mauvaises conditions. Qu'est-ce que cela pourrait-il signifier pour un journal ?
  • Syndrome Citizen Kane, ou Dassault ? Journal, danseuse du magna ?
Finalement, j'ai choisi d'être optimiste. La presse ne sait plus où donner de la tête, me disait le journaliste. (C'était curieux, d'ailleurs, il semblait tout savoir sur tout, à commencer par le changement.) Ce à quoi je lui ai répondu qu'elle le saura le jour où elle aura retrouvé un combat. Et que j'aurai envie de la lire. Et si, Jeff Bezos apportait à la presse américaine la folie qu'elle a perdue ? Et s'il combinait leurs moyens pour abattre les gouvernements qui violent les principes de la démocratie américaine ? On peut toujours rêver.

Transformation de la France modélisée

De temps à autres, ce blog essaie de modéliser aussi simplement que possible les transformations de la France. Voici mon dernier essai.
  • Post seconde guerre mondiale. Modèle technocratique. Consensus mondial. L’Etat va gérer l’économie. L’idée est de contrôler le capitalisme. En France, l’Etat dirige de grands groupes industriels. Il planifie leur production. Leur objet est de fournir un emploi à la population. Pas de chômage. La PME est sous-traitante. Comme les intérimaires, elle apporte un peu de souplesse au système. Mais elle est aux ordres.
  • Crise du modèle technocratique mondial. En France, l’Etat n’est ni un bon gestionnaire, ni un bon développeur d’entreprise  La France découvre que la politique se fait à la corbeille. Il n’est pas possible de nier l’existence du marché. Révolution culturelle : le modèle du marché. Principe du marché = un marchand à un nœud d’échange. La grande entreprise se débarrasse donc de son métier, qu’elle sous-traite. Et elle fait donner ses acheteurs. Ses sous-traitants, qui ne savaient qu’obéir aux ordres, sont pris par surprise et dépecés.
  • Ce modèle est à nouveau en crise. En effet, son principe est l’exploitation. Pas la création. Il détruit le potentiel de développement de l’entreprise. Mais ce qui ne tue pas renforce. L’entreprise française a maintenant compris qu’elle ne pouvait pas faire fi du marché. Elle doit devenir durable. La grande entreprise et la PME doivent trouver un moteur qui leur est propre. 

mardi 6 août 2013

Vous voulez vendre cher ? racontez des histoires

Avec l'aide d'un ami il commença a acheter des objets de peu, ou pas, de valeur, au hasard (...) le prix de ces objets allait d'un à quatre dollars (...) ensuite Walker demanda à des écrivains inconnus d'écrire une nouvelle contenant l'objet. Les histoires ne portaient pas sur l'objet, en tant que tel, mais elles l'aidaient à le placer dans un contexte humain, à lui donner une nouvelle signification. Quand Walker mit en vente les objets, et leurs histoires sur eBay (...) leur valeur augmenta en moyenne de 2.700%. (L'histoire complète.)
Enseignement ? Ce qui fait une grande partie de la valeur d'un objet, c'est l'histoire qui va avec. Et s'il y avait là un moyen de sauver la profession de publicitaire, menacée par Internet ? Demander conseil à Jeanne Bordeau ?


Comment changer Polytechnique ?

Hervé Kabla et Serge Delwasse veulent transformer Polytechnique. L’un aimerait que l’on y apprenne un peu mieux à gérer une entreprise, l’autre qu’elle devienne la World Business School, qui propulse ses élèves au sommet du monde. Mais ne faudrait-il pas se demander pourquoi avant de dire comment ? Quelques observations, pour commencer :
  • On me parle d’entreprises où il faut être X-Mines pour avoir un poste de management (y compris DSI !). Le moins que l’on puisse dire, c’est que cela ne semble pas donner aux dîtes entreprises un avantage flagrant. L’Etat juge même prudent de les protéger de la concurrence.
  • Je lis un livre qui affirme que notre élite est persuadée que nos grandes entreprises sont excellentes. Ceux qui les fréquentent de l’intérieur ne sont pas d’accord. Notre élite semble totalement coupée de la réalité.
  • Récemment, je me suis penché sur les grands noms des mathématiques françaises. Tous ou presque avaient été majors de Polytechnique ou de Normale Sup. Hier, les polytechniciens construisaient des ponts et des phares, et inventaient des canons.
La force de Polytechnique est d’avoir été une école d’ingénieurs d’élite. C'est-à-dire de gens capables d’appliquer le meilleur de la science à des problèmes pratiques concrets et nouveaux. Le polytechnicien, comme le normalien d’antan, travaillait de ses mains. Il méritait ses promotions par son labeur. Il est devenu un noble d’ancien régime. Ce ne sont plus ses réalisations qui comptent, mais sa naissance (i.e. son entrée ou sa sortie de Polytechnique, selon son rang de classement).
Polytechnique doit-il devenir MIT ? Pas tout à fait. Car Polytechnique a une autre spécificité : elle n’est pas liée à l’intérêt privé, mais à l’intérêt général. Le privé construit désormais des ponts et des canons. Mais il ne sait qu’exploiter ce qui a été trouvé ailleurs. Or, le monde est face à des problèmes de survie extrêmement complexes. N'auraient-ils pas besoin d’ingénieurs non marchands ?