jeudi 18 juillet 2013

Un anthropologue chez les Pygmées

Il a vingt ans et une licence d’ethnologie. Eric Minnaert arrive chez les Pygmées Aka. Il doit y mener une étude. Son sujet : comprendre comment les groupes interagissent dans leur déplacement en forêt. « Un thème à la mode, à l’époque. »

Il est aux portes d’un campement. Il plante sa tente. Les habitants sont partis à la chasse. En gage d’intentions pacifiques, il dépose au pied de chaque hutte un peu de sel iodé. Il est accueilli sans animosité. Mais comment se nourrir ? Il ne sait pas chasser. La communauté lui apporte de temps à autres de la nourriture. Mais, il le comprendra plus tard, elle pense que nourrir quelqu’un est l’insulter. Une solution émerge. Participer à la chasse. Ainsi au moins, l’illusion de son utilité peut être entretenue. « J’étais le poids mort du groupe. Mais une source d’amusement. »

Eric découvre alors « la jubilation de la vie ». « Ils sont toujours en train de se marrer ». Les Pygmées cultivent « une forme de détachement », « un humour à l’anglaise ». « Ils ne sont jamais tristes ou inquiets ». Ils ont construit un monde dans lequel « tout s’explique ». Ils ont évacué ce qui terrorise l’Occidental. Par exemple, « la mort appartient au quotidien ». « On meurt, mais on est bien ». L’ontologie du Pygmée est différente de la nôtre. Il est animiste. Il appartient « au grand tout ». Un monde « apaisé ». Car la forêt lui apporte ce dont il a besoin. « Tu veux quelque-chose ? Va en forêt. » « Chaque matin, tout le monde se lève. Le leadership se révèle. Celui qui sent le mieux l’esprit de la forêt mène la chasse. » Quand elle ne donnait rien, « on crachait dans le filet ». Et ça marchait. Mais la forêt est surtout une sorte d’être. « Ils ne voient pas le ciel. » « On est dans quelque-chose d’organique », « on est dans le pourrissement, on a le sentiment d’être pourrissants, mais leurs corps résistent au pourrissement ». Cet être est fait de petits groupes, hommes ou animaux. Ils vivent sans se rencontrer. Mais comment parviennent-ils à se coordonner ?

« On sait qu’ils ont refusé la métallurgie. Le changement aurait créé le désordre. » Depuis plusieurs milliers d’années, ce monde est immobile car cyclique. Plus pour longtemps. « Leur disparition a eu lieu. Ils étaient incapables de se défendre, incapables de violence. »

« On faisait des marches de plusieurs jours, on allait aux quatre coins de la forêt, on s’asseyait, on écoutait, les pelleteuses, les camions. » « Il ne se passait rien, on repartait. » « Quelques jours plus tard, on refaisait pareil. » « Pourquoi me détruisez-vous ? » Voilà ce que ces marches signifiaient. Mais Eric ne l’a pas entendu. Plus tard, il comprend. C’est la brouille avec l’anthropologie traditionnelle. « Je vais collecter de l’information, je reviens, je traite, je prends un grade. Toute une vie de concepts. Je fais carrière. » Il veut une anthropologie qui entende les appels à l’aide des groupes humains, et qui agisse. 

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Salut Eric what a surprise !!! que deviens -tu depuis Chateldon et ton projet dans ce charmant village ?
Une amie d'enfance de mes enfants que j'ai connue au berceau (voilà les ancêtres) travaille un peu dans ton domaine. Il s'agit de Noémie BECKER. Tu la connais sans doute car vous ne devez pas être très nombreux dans ce champ scientifique.


Soutenance de thèse de Noémie Becker

“La faible stature des populations pygmées d’Afrique centrale : une approche évolutive.”



Date et Lieu :
Jeudi 19 janvier 2012, à 14h
à l’Auditorium de la Grande Galerie de l’Évolution, Muséum national d’histoire naturelle.



Thèse soutenue par Noémie Becker, doctorante à l’UMR 7206 "Eco-Anthropologie et Ethnobiologie" (département Hommes Natures Sociétés du MNHN)

Encadrants : Évelyne HEYER et Yves LE BOUC



" Facteurs génétiques et sélection naturelle impliqués dans la faible stature des populations Pygmées d’Afrique Centrale
Noémie BECKER, janvier 2012
MNHN, (ED : Diversité du Vivant, Univ. Paris 6) Co-dir. Évelyne Heyer (MNHN) et Yves LeBouc (INSERM)"

En ce qui me concerne je suis retraité...toujours sur les questions de développement territorial et mutations avec bien sûr "les transformations silencieuses" (Jullien et autres sur les stratégies paradoxales en conduites de changement X croisement avec la poïétique territoriale ... Je fais de temps à autres expositions de mes travaux de plasticien .. Voir sur Facebook of course
Coordonnées G. Goyet 153 rue de l'Industrie 42 750 SAINT DENIS DE CABANNE

Anonyme a dit…

votre recit coemmence bien...la suite ????
j'aimerai avoir votre opinion sur la question suivante
je pense que tous les problemes actuels de la planete vient du fait de la surpopulation
plus de 7 milliards d'etres humains... on peut plus les nourrir... les soigner..les logers..et surtout leur donner du travail...et les eduquer
alors que faire ???? et ce n'est qu'un debiut lla progression est exponentielle
cordialelemnt

ph audoin

Anonyme a dit…

Excellente lecture, mais on en prend aussi plein la poire. Encore une belle occasion de se poser les bonnes questions. Comme a dit Lao Tseu ; " Je ne cherche pas à connaître les réponses, je cherche à comprendre les questions; " mcbd

Anonyme a dit…

A en lire ton récit, les pygmées et, autres tribus non modernisées, nous donnent de sacrées leçons de vie !!!

Si seulement, les dirigeants de ce monde de consommation pouvaient juste les écouter !!!

mais bon....

Houssine

Christophe Faurie a dit…

Désolé d'avoir mis si longtemps à vous répondre.
Votre sujet correspond à un des thèmes qu'a étudiés ce blog.
J'ai fait un résumé des idées que j'ai trouvées sur la question, ici : http://christophe-faurie.blogspot.fr/2013/07/surpopulation-probleme-du-monde.html