dimanche 30 septembre 2012

Chine : 15 jours pour 30 étages

Imminent écrasement de l’économie mondiale par la Chine ? Ce faisant va-t-elle la rendre durable ? Voilà ce que je me suis dit en lisant l’histoire (Meet the Man Who Built a 30-Story Building in 15 Days | Wired Design | Wired.com) d’une entreprise chinoise qui construit des immeubles de 30 étages en 15 jours, résistants aux séismes, et qui le fait de manière bien plus écologique que par les techniques traditionnelles.

Comment cela ? En préfabriqué, méthode Eiffel. C’est un mécano fabriqué en usine. Presque que des avantages : une structure légère, ce qui économise du matériau, une qualité qui peut être contrôlée (problème chinois), une quasi absence de risques pour les ouvriers (autre problème chinois)… Un seul inconvénient : pas très beau, et pas très bien fichu à l’intérieur. C’est une amélioration nette par rapport à la construction ordinaire émergente, mais ce ne serait pas acceptable pour un développé.

Tout de même, n’est-ce pas comme cela que la Chine va conquérir le monde ? Partout, elle s’empare du savoir-faire occidental, quitte à acheter ses entreprises (Volvo, Visteon…), et lui applique ses moyens financiers sans fond et l’effet d’échelle de son énorme marché intérieur. Plus personne ne peut alors se mesurer aux entreprises chinoises, ce qui est déjà le cas dans le domaine du solaire ou des télécoms (Huawei).
Et cette croissance semble devoir être verte, une préoccupation forte du pays.

Venu du wikipedia chinois
A quoi ressemblerait un monde chinois ?

Voici mon interprétation de GERNET, Jacques, Le monde chinois, Armand Colin, 4ème édition, 1999 :
Durant son histoire, la Chine paraît avoir suivi un mouvement double : expansion, puis repli sur soi (et dislocation, avant de redémarrer un cycle). Elle a aussi anesthésié les pays environnants, en les rendant dépendants d’elle, et de ses cadeaux, et en exerçant une fascination culturelle sur eux (elle élevait à sa cour les enfants de leurs chefs).
Par contraste, si l’on prend la Grèce comme ancêtre de l’Occident démocratique, son développement paraît caractérisé par une expansion continue, jusqu’à épuisement des ressources naturelles (les terres, pour les Grecs – si j’en crois Moses Finley).
Bref, un monde chinois serait peut-être une forme de décroissance durable.  

samedi 29 septembre 2012

Printemps érable et frais d'université

Le Printemps Érable parle du Québec et des mouvements étudiants récents. J’y ai vu, peut-être à tort, un parallèle fort avec le printemps arabe : des deux côtés un mouvement spontané de mécontentement qui profite à des partis, indépendantistes ou islamistes, qui ont quelque chose de fondamentaliste. Ce qui donne un assemblage un peu fragile, car la raison sociale de ces partis ne les prédispose pas à répondre aux problèmes qui sont à l'origine des mouvements.

Le billet pose aussi la question du coût des études supérieures. La montée des prix n’est-elle pas inéluctable ? Il y a effectivement ici un effet curieux que j’ai observé à l’université.
L’université française avait la particularité d’avoir des coûts faibles. Ses titulaires de chaire étaient extrêmement mal payés, et elle s’appuyait sur des quasi bénévoles venus de l’entreprise et tout un sous prolétariat d’assistants. Elle adopte maintenant les pratiques et salaires anglo-saxons. Est-ce un gain ? Je n’en suis pas sûr.

L’agrément du cours y gagnera probablement. Il sera mieux organisé et moins amateur qu’aujourd’hui. Mais son contenu ne changera pas. Un cours de mécanique classique sera toujours un cours de mécanique classique. La vidéo de promo ci-dessous, qui vient du MIT, illustre ce que je pense. 


Or, la conséquence de la montée des coûts ne peut qu’aller de pair avec celui des études. Aura-t-on demain des licences à 200.000$? Seuls les riches auront le droit d'être éduqués ?

D’ailleurs, l’explosion du prix de la formation universitaire est-il logique ? Pourquoi l’université ne fait-elle pas comme l’entreprise, c’est-à-dire ne baisse-t-elle pas ses coûts par gain de productivité ? Il n’y a pas besoin d’être un génie pour donner un cours de licence. D'autant que l’élève est supposé avoir une autonomie grandissante, et qu'il bénéficie de l’aide de plus en plus efficace de la technologie

vendredi 28 septembre 2012

La vérité est-elle relative ?

De grands penseurs disent que nos intérêts dictent notre vérité. Hier, Etienne Klein, dans sa chronique de France Culture, expliquait qu’il existe des vérités absolues. Notamment la relativité. Démonstration : grâce à elle on a eu l’idée du laser, origine du CD ; à chaque fois que nous en écoutons un, nous la vérifions…

Pour ma part, le relativisme me semble une réalité. Nous jugeons le monde à partir d’une modélisation, généralisation de notre expérience et de ce que nous a inculqué notre milieu (la « culture » des ethnologues). De là vient l’outil de mon métier : le paradoxe.

Le « paradoxe » est une incohérence dans le comportement d’un groupe humain. Une différence entre ce qu’il dit et ce qu’il fait. (Par exemple, notre gouvernement affirme le primat de l’économie, autrement dit l’aliénation de l’homme par l’économie, ce qui est anti marxiste.) On peut ainsi modéliser les « hypothèses fondamentales » qui guident inconsciemment son comportement, puis formuler ce qu’on lui demande dans le langage de sa modélisation du monde.

C’est la science qui fait de l’idéologie une vérité relative. Et c’est pourquoi l’homme cherche à la manipuler pour qu’elle affirme sa réalité. Par exemple, le « libéralisme » veut montrer que l’ordre social est idéal. Récemment il a subventionné la « science » économique à cette fin.

Ce blog pense que, comme le Yang succède au Yin dans la pensée chinoise, 68 a marqué la victoire du narcissisme de gauche et de droite sur une vision « solidariste » de la société. Tous deux ont produit leur relativisme. Affirmé à gauche, masqué à droite : le néoconservateur étant un relativiste qui croit universelles les valeurs de son milieu. D’où manipulation de la science par les scientifiques de chaque bord, philosophe d’une part, et économiste de l’autre.

Qu’Etienne Klein et que quelques autres scientifiques commencent à relever la tête signifie probablement que le balancier social revient vers le Ying. 

jeudi 27 septembre 2012

Le dirigeant et le stress

« Une étude de Harvard fait exploser le stéréotype du patron surmené, elle révèle que les dirigeants ont en fait un niveau de stress plus faible que celui des subordonnés, vraisemblablement parce qu’ils ont un plus grand niveau de contrôle sur leur vie professionnelle. »

Comment peut-on être socialiste ?

L’autre jour M.Fillon disait que si notre gouvernement n’a rien à déclarer, c’est parce qu’il ne s’est pas préparé à gouverner. C’est probablement juste, mais il y a tout aussi probablement quelque chose de plus fondamental dans le fait qu’à chaque fois que nous élisons un gouvernement socialiste, il fait de l’ultralibéralisme.

Les nobles principes socialistes sont un redoutable moyen de gagner le pouvoir, mais ils ne sont pas une pratique. Au pied du mur, le maçon socialiste est lâché par ses idées. Il est contraint à la politique de la tête vide. Il doit faire appel à ce qui lui reste quand il a tout oublié : sa culture, son « bon sens ». Et elle est de sa classe : libérale et bourgeoise. Le socialiste est un Sarkozy à discours humain.

Que pourrait faire le gouvernement pour aligner ses actes et ses paroles ? M’imiter. Mon métier est d’aider des entreprises à mettre en œuvre leurs décisions. Pour cela, je ne dois pas le faire à ma manière, celle que j’emploierais si je les dirigeais, mais à la leur.

Qu’est-ce que cela signifie pour le gouvernement français ? D'abord dire quel objectif il poursuit, et ensuite trouver comment y arriver de manière socialiste. Au préalable, il doit s’être convaincu que le socialisme n'est pas du vent. Mais, est-il capable de lier son sort à un tel acte de foi ?
L'acte de foi suscite l'euphorie.
(wikipedia)

mercredi 26 septembre 2012

Le libéralisme triomphe en Europe

C’est curieux. Alors qu’il y a une sorte d’accord sur le fait que le libéralisme est à l’origine de notre crise, l’Europe subit une grande cure de libéralisme. Partout, on taille dans les dépenses publiques et les classes les moins riches trinquent. Le Portugal, par exemple, veut transférer une partie des prélèvements salariaux payés par les entreprises sur les salariés.

Magie de l’euro. En dégradant le système d’assurance sociale de son pays, M.Schröder a donné l’avantage à l’Allemagne. Pour « retrouver leur compétitivité » les pays de la zone euro doivent faire de même. Jusqu’à ce qu’ils aient dépassé l’Allemagne. Alors, elle devra utiliser à nouveau le napalm, et on sera reparti pour un tour. Les pays de la zone euro ressemblent à des bagnards enchaînés : quand l’un court, tous doivent le suivre.

Quant à la France, elle est a eu une idée caractéristique de la supériorité des intellects qui nous gouvernent : nous sommes contraints au libéralisme, mais une fois que la France sera prospère, vous verrez, nous ferons du socialisme. Ce sera le Grand soir. C’est probablement aussi ce qu’a dit M.Schröder, autre socialiste.

Où allons-nous finir ? La Catalogne en donne un aperçu. Parmi la série de réformes libérales du gouvernement Rajoy, il y a celle des régions. Comme en France, elles sont à la fois incontrôlables par un pouvoir central couard et fort dépensières, donc endettées. La crise est l’occasion de leur faire rendre gorge, et de les ramener à l’humilité. Mais la Catalogne a trouvé une parade imprévue : son déficit est causé par le système de solidarité nationale. Elle subventionne les régions paresseuses. Il faut détruire l’Etat, et chacun pour soi. Autrement dit, et en toute logique, le libéralisme engendre le libéralisme, le règne de l’individu roi (définition littérale du terme), l’homme contre l’homme.

Hier, j’étais en Allemagne. J’y ai vu une très belle unité industrielle. Ses clients, l’élite de l’industrie allemande, semblent l’adorer. Elle est dirigée par un Espagnol, le héros des projets impossibles est grec, et son directeur industriel est français… 


lundi 24 septembre 2012

Marx et la soft power française

François Hollande et Laurent Fabius suivent l’exemple de David Cameron : la prospérité de l’économie française est leur fin, la diplomatie le moyen. Et notre culture aussi : elle nous permettra de mettre la main sur les richesses naturelles des pays africains francophones. Voici ce que dit CLES, lettre de l’Ecole de Management de Grenoble. 
N'est-ce pas l’aliénation de l’homme par l’économie ? Notre PS est anti marxiste ! Et clairement colonialiste : la francophonie comme opium du Nègre ?

CLES ne s’arrête pas là, elle encourage l’entreprise à s’équiper d’une diplomatie interne, dont l’arme est « l’influence ». J'ai peur que ce conseil soit dangereux. 
S’engager dans l’influence signifie prendre le risque de la corruption et de la compromission. Cela peut réussir quelques années, mais ce n'est pas durable. Il y a un peu plus difficile, certes, mais tout aussi rentable, et beaucoup moins hasardeux. Au lieu d'amener un pays donné vers ses intérêts, l’entreprise doit chercher à servir les intérêts du pays. Et pour cela, pas besoin de diplomates patentés, ou de théoriciens diplômés en géopolitique, les personnels de l’entreprise qui vivent dans le pays ont généralement une connaissance remarquable de son âme. 

dimanche 23 septembre 2012

France désemparée, Inde libérale, Chine belliqueuse, calotte fondante...

The Economist félicite la France. Finies les fanfaronnades, son gouvernement embrasse la raison économique. Encore faut-il qu’il passe à l’action immédiatement. Mais peut-être avec un peu moins de brutalité qu’au Portugal, qui se révolte contre la rigueur. L’Inde, aussi, se libéralise. Moins de subventions pour le diesel, les investissements étrangers sont autorisés, la grande distribution internationale va rationaliser le marché indien. Des myriades de petits boutiquiers inefficaces vont mordre la poussière. (On ne fait pas d’omelettes sans casser d’œufs ?)

Les banques centrales ont fait ce qu’attendait d’elles le marché, à savoir exprimer clairement leurs intentions. La FED attaque le chômage, et la BCE défend l’euro. Mais le journal n’est pas satisfait des gouvernants européens. Ils se sont embarqués dans la construction d’une Europe utopique, alors qu’ils devraient se préoccuper des besoins immédiats de l’économie. Et ce n’est pas mieux aux USA. On s’insulte entre prétendants à la présidence, ce qui ne présage rien de bon quand au désamorçage de la bombe budgétaire de fin d’année. Et Romney fait gaffe sur gaffe. Mais cela affecte moins l’électorat que la santé de l’économie. (Je m’interroge : ne serait-il pas utile de chercher une explication à ses gaffes : travestit-il la réalité pour faire plaisir à son public du moment ? Est-il idiot, ou incapable de préparer un dossier ? Demain, prendra-t-il des décisions sans comprendre ce qu’il fait ?...)

La Chine et le Japon vont-ils entrer en guerre pour des îlots inhabités ? Parallèle avec l’Allemagne d’avant guerres, puissance montante et revancharde ?

Grand chambardement dans l’industrie du transport. Internet a remplacé la voiture dans la culture occidentale. Ce n’est plus la bagnole qui fait l’homme. Les émergents continueront à s’équiper, certes, mais vont vite suffoquer sous les embouteillages d’un monde hyperurbanisé. Bref, l’avenir serait à la voiture sans chauffeur, au partage, au vélib et au transport en commun.

EADS va-t-il s’unir à BAE ? Cela dépend des gouvernements européens. Pour ma part, je me demande si ce n’est pas un marché de dupes. Et si le patron d’EADS voulait surtout devenir gros ? Et si, pour cela, il absorbait un BAE vacillant et survalorisé ? D’ailleurs, qu’un si gros morceau de l’industrie aéronautique européenne soit entre les mains d’une seule entreprise n’est-il pas dangereux ? Et si elle faisait faillite ?... Ici, comme pour sa politique économique, notre gouvernement semble désemparé. Se fait-il rouler dans la farine ? En est-il réduit à adopter les idées de ceux qui en ont ? Patrons ici, économistes libéraux, là ?

Pour finir, la calotte glacière bat tous les records de fonte estivale. Le climat mondial pourrait en être bouleversé. Mais rien ne s’est encore passé. L’économie va-t-elle profiter du dégel ? Le comportement des éléments est trop incertain pour cela.  

Le dirigeant comme handicap

Une étude américaine semble parler de la France, de ce que j’appelle d’habitude le syndrome des Contes du lundi.

Pourquoi tant de dirigeants sont-ils incompétents ? Parce qu’ils négligent les contraintes de la réalité, pour une théorie évaporée. Parce qu’ils ne cherchent pas à ce qu’on leur dise la vérité. Pourquoi est-ce que les entreprises réussissent, alors ? Parce que quelques individus, effrayés par le chauffard qui la conduit, prennent son sort en main.

C’est la lourdeur du handicap qui fait du canasson un champion : si vous voulez une entreprise forte, recrutez un mauvais dirigeant. (L’application au cas de la nation est laissée au lecteur.)

samedi 22 septembre 2012

Systémique : un cours

Pourquoi la systémique n’est-elle pas enseignée aux enfants ? Elle nous éviterait de bousiller notre vie, ou celle des autres. En particulier, de penser que c’est « en travaillant plus que l’on gagne plus », ou qu’en réduisant le temps de travail, on réduit le chômage.
Dominique Delmas m’a demandé pourquoi je n’écrirais pas un livre sur le sujet. Un des chapitres de mon cours en parle déjà, mais pour aller plus loin il me faudrait un temps que je n’ai pas… lui ai-je répondu. Pour m’excuser, voici une approche des systèmes humains par un angle que je n’ai pas l’habitude d’utiliser : celle d’Erving Goffman, la vie comme pièce de théâtre.

Chapitre 1 : le théâtre de la vie
Soit un automobiliste. Son comportement est contraint par les lois de la physique, les caractéristiques de la chaussée, le code de la route, et surtout le comportement des autres automobilistes. Pas question de rouler à gauche, sous peine d’y laisser sa peau, ou d’aller moins ou plus vite que la file de voitures dans laquelle il est.
On peut définir un système comme une pièce de théâtre. Chacun y tient un rôle. Plus important : c’est le rôle des autres qui l’empêche de sortir du sien.
Pourquoi ce théâtre ? Parce que la vie en société impose des relations entre hommes. Le théâtre – système est l’organisation de ces relations.

Chapitre 2 : l’homme ne change pas
L’apprentissage de notre rôle se fait par socialisation, par exemple à coups de décennies d’école. Son objectif est de modeler notre cerveau, plus généralement tout notre être. Notre libre arbitre est donc assez illusoire : comme « l’homme qui aimait les femmes », nous réagissons de la même façon aux mêmes événements. (L’ethnologue Clifford Geertz dit que nous sommes programmés par notre culture.) Cependant, ceux-ci se combinant sans arrêt de manière différente, nous nous donnons l’illusion de changer.
Nous pouvons nous confondre avec certains de nos rôles, et ne plus nous concevoir que comme martyr de la foi, chef d’orchestre, président de la République, balayeur de déchets toxiques, philosophe, homosexuel ou femme objet.

Chapitre 3 : l’homéostasie
La métaphore du théâtre n’est donc pas parfaite. La pièce évolue au gré des événements. L’image de l’équipe de pompiers est peut-être meilleure : chacun a un rôle, et l’ensemble a une mission, éteindre les incendies. Quel que soit l’incendie, les rôles appris par l’équipe permettent de réussir.
Mais ce n’est pas tout. Eteindre l’incendie, c’est garder le système inchangé. Comme les abeilles qui maintiennent la température d’une ruche par le battement de leurs ailes, notre action collective a pour objet d’assurer la stabilité, ou « homéostasie », de notre système. Et c’est cette homéostasie qui fait que ce n’est pas en travaillant plus que l’on gagne plus : le système refuse qu’on le change.

Chapitre 4 : la solution est le problème, ou les pathologies des systèmes
N’avez-vous jamais conseillé à une personne dont le conjoint est infect, de divorcer ? Mais elle ne l’a pas fait, et elle a été victime, sans fin, du même cycle de sévices ?
Toute relation sociale signifie système. Or, il est très difficile de se dépatouiller d’un système. Et il peut nous nuire gravement. En effet, le comportement individuel est indissociable de celui du système dont il est un constituant. Il n’y a pas de sado sans maso, par exemple. Ou de harceleur sans harcelé. Ou encore de professeur sans élèves, ou d’acheteur sans fournisseurs. De même, la schizophrénie peut être une adaptation rationnelle à un environnement irrationnel.  En d’autres termes, nos maux viennent du système auquel nous appartenons.
Voilà le piège que nous tend le système. Car, 1) si celui auquel nous appartenons n’est pas bon pour nous, 2) étant codés pour obéir à ses lois, nous ne verrons d’autre moyen de nous tirer d’affaires que les appliquer ! C’est un cercle vicieux.
Théorème : « la solution est le problème ». Nous sommes la cause de nos maux.
Par conséquent, pour sauver un malheureux, il faut le changer de système. Le placer dans une pièce de théâtre qui lui donnera un meilleur rôle. Mais attention : codé par son passé, il cherchera à le reproduire. Le sado cherchera un maso, par exemple.
Les sociétés sont des systèmes, aussi. Avec les mêmes conséquences. Ce blog est rempli d’exemples des misères qu’ils nous font subir.
C’est pour ces raisons qu’il serait bien d’étudier la systémique dès la maternelle. Et peut-être avant.

Chapitre 5 : une définition de changement
Pourquoi les médecins ne nous conseillent-ils pas des « changements de système » ? Cela découle de ce qui précède, non ?
Définition. Qu’est-ce qu’un changement ? C’est une modification d’un système - pièce de théâtre. Cette définition est équivalente à celle que donne ce blog du terme « changement ».
Pourquoi les systèmes changent-ils ? Pour que nous ayons de meilleurs rôles, donc. Mais aussi parce que la pièce ne peut plus se donner, faute de moyens. Si notre société n’avait plus de pétrole, par exemple, du Texas aux Emirats arabes, elle devrait s’organiser différemment.

Chapitre 6 : effet de levier
Et là, attention. Car les changements de système peuvent avoir des conséquences inconcevables et désastreuses. Louis XVI et Gorbatchev en ont fait la triste expérience. Ce fut aussi le cas de l’infortuné M.Balladur. Par sa réforme des « noyaux durs », il voulait transformer notre économie en une copie de l’allemande, elle est devenue américaine.
Une particularité des systèmes est qu'ils changent à « effet de levier ». Appliqué au bon endroit, un effort infime les transforme du tout au tout. Vous pensiez avoir un royaume ou une dictature communiste, et vous vous retrouvez, sans coup férir, avec une République ou une anarchie libérale.

Chapitre 7 : conduite du changement
MM. Balladur, Gorbatchev et Louis XVI ont pensé qu’un système changeait par décret. Quant aux scientifiques, ils se disent que « La solution étant le problème », changer un système c’est aller à l’envers de notre instinct.
Je crois plutôt, que le seul moyen de ne pas avoir de surprises, est de commencer par définir le système que l’on désire, puis concevoir le mécanisme qui permettra de contrôler l’atteinte de cet objectif. C’est ce que j’appelle « conduite du changement ».

Chapitre 8 : les limites du système
Au fond, nous sommes tous prisonniers de nos systèmes, les systémiciens de la systémique, et moi du changement. Voilà pourquoi nous ne sommes pas d’accord.
Ils disent que le système est indépendant de son histoire : aux chiottes Marx. Ce qui compte est la pièce de théâtre, pas comment elle a été conçue. Or, les règles de la pièce de théâtre sont essentiellement inconscientes. Connaître l’histoire qui l’a façonnée permet de les mettre au jour. Surtout, le système est lui-même soumis à l’histoire, il évolue, ses acteurs vieillissent, improvisent, meurent, sont remplacés, la scène s’affaisse…
D’ailleurs, sauf situation pathologique, l’homme n’est pas prisonnier d’un système, comme le croit le systémicien. L’individu joue plusieurs rôles, et ils influent sur les systèmes auxquels il participe. Le dirigeant se comporte comme dirigeant avec sa famille, et comme père de famille avec son entreprise.
Et, justement, la particularité du système humain, par rapport à des systèmes moins complexes, comme le système solaire, est probablement l’innovation. L’innovation est la capacité du hasard à modifier facilement le système.
On en revient à mon obsession : le changement.

Conclusion : la particularité des systèmes humains est le changement
Ses défenses étant faibles, le système complexe humain doit se transformer en permanence pour ne pas disparaître. Il s’engage dans une course en avant de changements, probablement de plus en plus rapides.
Comme celle d’Achille, la vie de l’espèce humaine sera courte mais glorieuse ?


vendredi 21 septembre 2012

François Hollande, la France, le changement

Jeanne Bordeau analyse les mots de la presse :
Si le mot duel était le mot de l'univers politique jusqu'au 8 mai, le mot levier est dans le secteur économique un mot qui monte :
« Contrats de générations : l'autre levier pour l'emploi », Ouest France
« Transition énergétique : un levier pour relancer le secteur du BTP », chefdentreprise.com
Mais des mots plus inquiétants apparaissent : alarme, pessimisme, désespoir… En revanche, changement est tombé rapidement en désuétude…
Normal ou anormal ?
François Hollande aurait-il anesthésié le changement ? Mais le changement dont parlait la presse était-il celui qui intéresse ce blog ? En tout cas, contrairement à ce que l’on dit, la France est capable de changer sans crise : en préparation d’une « Université », j’ai réalisé quelques entretiens avec des dirigeants de cabinets d’expertise, et j’ai constaté que cette profession avait connu un changement étonnant ; son histoire est instructive...

Autrefois, l’expertise était une profession libérale. Dans les années 80, une poignée de moutons noirs a pensé que cette situation n’était pas durable. Voilà ce que j’ai compris de leurs raisons : la profession, atomisée, était sous la coupe des compagnies d’assurance ; une expertise demande généralement plusieurs spécialités, on devait les trouver dans un cabinet ; l’exemple anglo-saxon montre les intérêts d’un cabinet organisé rationnellement.

Ils ont dû affronter une résistance colossale. Mais ils ont réussi à constituer quelques alliances. Etrangement, la situation s’est alors brutalement retournée. En peu de temps, le cabinet traditionnel a quasiment disparu. Plusieurs raisons ont été avancées : il est plus facile d’imiter que de créer ; les grands cabinets ont un avantage concurrentiel, qui a forcé les petits à chercher l’alliance ; les assureurs ne veulent plus s’embarrasser d’une multitude de fournisseurs.

Mais attention, ce changement n’allait pas de soi. Car les gens qui forment les nouveaux cabinets, sont ceux qui leur résistaient hier ! L'expert est un féroce individualiste, et c'est, peut-être, cela qui le rend efficace dans son métier. Il a donc fallu construire des organisations qui présentent la rationalité d’une société anonyme classique, mais qui laissent une grande autonomie à leurs membres. Les formules gagnantes sont proches des dispositifs adoptés par le conseil, et, plus curieusement peut-être, de l’économie sociale.

Il se trouve qu'une étude récente affirme que ce type d'organisation, possédée par ses salariés, est particulièrement résistante à l'adversité. Et même qu'elle fonctionne de manière anticyclique, recrutant les personnels que d'autres licencient. Devrions-nous nous inspirer des experts ?

jeudi 20 septembre 2012

Pourquoi sommes-nous hypocrites ?

L’hypocrisie fascine les sociologues (notamment James March). Elle a surtout fourni le fonds de commerce de Molière, et de beaucoup de comiques modernes. Plus curieusement, elle est au centre des techniques d’analyse des cultures d’entreprise (Edgar Schein) : les écarts entre ce que l’on fait et ce que l’on dit montrent que quelque chose d’autre nous guide. C'est notre inconscient collectif, et on peut ainsi le décoder. Finalement, le « soft power » américain, disloquer ses ennemis en les pervertissant par des principes que l’on ne suit pas, est une forme d’hypocrisie revendiquée.

Petit à petit, ce blog en est arrivé à émettre une théorie sur cette question.
  • L’intérêt pour l’homme de posséder une raison est essentiellement social : elle permet une coordination de l’espèce à grande échelle. Paradoxalement, de cette raison, à enjeu social, naît la conscience de son individualité.
  • Dans un monde individualiste, « libéral » donc. L’affrontement de l’homme contre l’homme est une tendance naturelle. Tous les coups sont permis pour pousser son intérêt propre. Or, les systèmes de coordination sociale (religion, idéologie, Etat, science…) sont le moyen le plus puissant d’asservir les individus aux intérêts d’un seul. (Ce qui s’appelle aussi totalitarisme.) C'est le cas, en particulier, de la raison, et de son utilisation déviante : le sophisme. 
  • Mais cet avantage n’est pas durable. La Révolution française en donne un exemple. Elle a rendu universels des droits que la haute société anglaise avait inventés pour son usage propre. La société universalise les avantages.
Tartuffe de wikipedia
En résumé, l’hypocrisie obéirait à une forme de « main invisible » : un mécanisme jouant sur l’appétit individuel aveugle pour diffuser, en accéléré, des idées utiles à la société. 

mercredi 19 septembre 2012

Paradoxal Charlie Hebdo

Au temps où la police ne
protégeait pas les caricaturistes
(wikipedia) 
L'attitude de Charlie Hebdo est paradoxale. Pourquoi risque-t-il des vies ?

Une obscure vidéo suscite des mouvements violents au Moyen-Orient. Des Américains sont assassinés. Et voilà que Charlie Hebdo fait de la surenchère. Pourquoi prendre le risque de faire tuer ses concitoyens ?

Trois logiques susceptibles d’expliquer ce paradoxe.
  1. La liberté d’expression. Et si notre réaction aux mouvements moyen-orientaux avait été trop timorée ? Et si nous avions vécu une sorte de Munich du droit d’expression ? Peut-être aurait-il fallu employer le napalm, déclencher un jihad ?... Dans cette hypothèse, Charlie H obéit à la logique du martyr, qui donne sa vie pour une cause qui le dépasse. Mais sommes-nous encore au temps de Jules Valès ou de Daumier ? Le martyr est devenu malaisé lorsque l'on est protégé par la police.
  2. La supériorité occidentale. Les populations du Moyen-Orient semblent particulièrement sensibles à ce qui touche leur religion. Pourquoi les insulter ? Il y a des actes symboliques que nous trouvons inadmissibles, nous aussi. Par exemple, la désacralisation des tombes. Pourquoi ne pas avoir du respect pour ce qui est cher à d’autres hommes, à moins que nous considérions que ces hommes n’en sont pas ?
  3. Le bon plaisir. Et si Charlie Hebdo avait voulu faire un coup publicitaire ? se demandait un journaliste. En effet, et si ses raisons étaient personnelles et non sociales ? Et si ce que défendait Charlie Hebdo était simplement l’acception qu’avait Sade de la liberté individuelle, c'est-à-dire n’obéir qu’à son plaisir, au détriment du reste de l’espèce humaine ? 

Fascinante histoire du génome

ADN de wikipedia
Certaines séquences de notre génome seraient communes à tout (animé ou non) ce qui a un génome, et seraient apparues il y a 3 milliards d’années ! L’histoire du génome révèle l'histoire fascinante de la vie. Notre forme de vie complexe serait due à :
  • Sa capacité à générer de l’énergie. C’est le travail des mitochondries, résultat de la combinaison fortuite de deux espèces de cellules ennemies.
  • Une forme d’innovation permanente permise par le fait que ces êtres complexes mais peu nombreux abritent leurs constituants (notamment leur génome) d’une sélection naturelle immédiate.
  • Un moteur à innovation : l’attaque de « parasites ». Du fait de l’absence de sélection naturelle au niveau élémentaire de la vie, le génome est contaminé par une quantité de « cochonneries » (virus, etc.). Ne pouvant les éliminer naturellement, il doit trouver des processus originaux pour ne pas en crever (par exemple la reproduction sexuée), ou pour composer avec eux (c’est à eux que l’on devrait notre système immunitaire).

Si l’on généralise ces idées à notre société, on en arrive à des résultats surprenants. 
  • 1) Nous ne sommes pas issus de la sélection naturelle, mais d’une forme d’innovation « sociale », qui laisse une chance aux mal fichus ; 2) le processus qui permet à la vie de se complexifier est une dialectique agression / coopération, prise en charge par le niveau le plus haut de la vie (probablement la société, pour l’homme) ; 3) la capacité à produire de l’énergie de manière autonome serait un élément fondamental du dispositif.
  • Déroute des idées libérales. Alors qu’elles estiment que le marché et sa sélection naturelle stimulent l’innovation, la généralisation de ce qui précède laisse penser, au contraire, que c’est parce que l’entreprise protège ses constituants du marché, avec toute l’irrationalité que cela sous-entend, qu’elle peut être innovante ! Cette théorie semble aller dans le sens de Schumpeter (destruction créatrice) : les mécanismes de sélection, qui façonnent l’entreprise ou l’organisme, ne résultent pas d’une concurrence frontale, mais de phénomènes affectant l’ensemble de la société. 

mardi 18 septembre 2012

Pour être durable : croissance ou pas croissance ?


Depuis quelques temps ce blog s’intéresse aux Limites à la croissance. Mais la croissance est-elle vraiment coupable ?

Evidemment, nous consommons plus que ce que la Terre sait renouveler, par conséquent continuer à augmenter notre consommation ne peut que mal finir. Mais il est aussi possible d’imaginer une croissance non destructrice : par exemple qui produise peu de biens matériels et les recycle quasiment à l’infini.

Ce qui paraît beaucoup plus dangereux est le principe selon lequel la valeur se mesure en argent. C’est une croyance profondément enracinée en Amérique, où l’on entend dire que ce qui est gagné est à soi, et que tout ce qui prive de ce gain est vol (notamment les impôts). C’est pour cela que beaucoup pensent que le riche « crée de la valeur ».

Ce raisonnement pervers conduit à accorder une valeur nulle à tout - tribu sauvage, femme au foyer, bénévole, ressource naturelle -  ce qui est en dehors du système financier. Ces exclus ne commencent à valoir quelque chose que lorsqu’ils sont mis à son service.

Ce mécanisme est un extraordinaire stimulant à la destruction, puisqu’il nous pousse à « créer de la valeur » en faisant entrer les ressources naturelles, de valeur nulle, dans le système financier. Le principe d’optimisation, qui va de pair avec la création de valeur – c’est là où entre en jeu la croissance – nous encourage même à détruire le plus vite possible… Et, il y a mieux : la spéculation. Son principe est de dégager la valeur de toute réalité.

Faute de pouvoir se débarrasser de ce système financier, il semble donc qu’il faille chercher à en corriger les vices, en donnant de la valeur à ce qui compte réellement pour la durabilité de l’espèce. Mais qui sait ce qui nous est utile ? Comment mettre en place un mécanisme qui lui allouerait un « prix » ? On en revient au dirigisme soviétique, qui fait trembler l’Anglo-saxon. Cependant, qui croit encore à la possibilité d’une « main invisible » ? 

lundi 17 septembre 2012

Journées européennes du patrimoine


Visite de l’Institut de Physique Chimie, fondé par Jean Perrin, et de l’Institut Henri Poincaré, créé par Emile Borel. Chez ce dernier, l’objet de la visite était une collection de représentations de fonctions et figures mathématiques, en trois dimensions. Pas très belles. Mais remarquables de précision quant on songe qu’il a fallu les fabriquer à la main.
Cela m’a fait regretter de ne pas avoir apporté plus d’attention aux mathématiques. Elles sont enseignées comme une sorte de test d’intelligence, alors qu’il faudrait les apprendre comme le font les médecins : en en emmagasinant les résultats dans sa mémoire. (Ma tête n’est tout de même pas un désert : en rentrant chez moi, j’ai ouvert le livre d’Henri Cartan sur les fonctions analytiques ; j’ai constaté avec soulagement que mes idées se remettaient en place.) Plus intéressant, à mon goût, un volume, homogène, qui a un seul point d’équilibre (stable). Il aurait été obtenu par bricolage, semble-t-il.

Puis Institut Curie. Plutôt pauvre ce laboratoire et que le jardin que Marie Curie semble avoir tant aimé est petit et misérable ! Pauvre science ?

Passage au Collège Boncourt. Après avoir appartenu à Polytechnique, il est devenu ministère de la recherche. Un ministère ? Plutôt un bureau dans un bâtiment ancien. Pauvre recherche ?
Plus curieux : derrière le jardin du « collège » est l’ancien amphi de Polytechnique. Il a été transformé en une bibliothèque dans laquelle se trouvait le bureau de Claude Lévi-Strauss.

J’ai fini ma tournée par le collège des Ecossais, rue du Cardinal Lemoine. Fort pauvre, lui aussi. Domaine des Dominicains, il héberge une maternelle, une école primaire, un pensionnat pour jeunes filles vertueuses, une petite chapelle, dans laquelle est placée la cervelle de Jacques II d’Angleterre. La rue ayant été abaissée, l’ancienne porte est au premier étage.

Partout, il y avait des guides, ce que je n’attendais pas. Bénévoles, probablement. Tout ceci a quelque chose de « citoyen », comme le vote. Découverte du patrimoine, de l’héritage, de sa culture, mais aussi de ceux qui l’habitent et le font vivre. Cela crée ou recrée un lien avec sa nation. Pas aussi innocentes qu’elles le paraissent spontanément, ces journées ?

En cherchant le nom de l’Institut de Jean Perrin, je me suis rendu-compte que tous les scientifiques de l’époque, les Perrin, les Curie, les Borel… étaient liés les uns aux autres. J’ai lu quelques biographies, Borel, Hadamard, Bertrand, Lévy, Julia… Tous plus ou moins premiers de Normale Sup (et de Polytechnique). Tous brillants (Bertrand suivait les cours de Polytechnique à 11 ans !). Et, curieusement, pas si lointains que cela : mon professeur de mathématiques de math spé avait connu Hadamard. (Elle appartenait apparemment à une dynastie de mathématiciens.)

La France semble bien loin de cet âge d’or scientifique. Avons-nous épuisé ce que les mathématiques avaient de facile ? Ou était-il plus difficile d’être scientifique au 19ème siècle, ce qui faisait que ceux qui le devenaient avaient plus de place à occuper qu’aujourd’hui ? 

dimanche 16 septembre 2012

Fédéralisation de l’Europe, instable Moyen-Orient, nébuleuse Chine et autres

Des nouvelles du monde. Mon interprétation de The Economist de cette semaine.
  • The Economist se réconcilie avec l’Europe. Elle fait preuve de bon sens : elle se dirige vers le fédéralisme. Les juges de la cour suprême allemande ne remettent pas en cause les accords européens du pays;  M.Draghi fait un nouveau tour de prestidigitation ; et les Hollandais ont élu un gouvernement stable, et écarté leur extrême droite. (Je m’interroge : amorce de reflux de l’extrême droite européenne ?) Par ailleurs, la découverte de ce qu’est une fédération se poursuit. Nouveau résultat : elle doit avoir un budget suffisant pour être un stabilisateur anticyclique. Le budget fédéral américain représente 24% du PIB des USA, pour la Suisse, ce chiffre serait de 12%. Il est de 1% en Europe… M.Moscovici aurait proposé que l’Europe se charge en partie de l’assurance chômage. (Un premier pas vers une uniformisation des systèmes de sécurité sociale, qui retirerait aux Etat la tentation de s’affronter sur ce terrain ?)
  • Quand au Moyen-Orient, qu’il s’agisse de la Syrie, de l’Egypte, de la Lybie ou de la Palestine, sa situation est incertaine. Les extrémistes musulmans cherchent à en profiter pour happer le pouvoir. Mais ce que veulent les populations locales n’est pas plus d’Islam, mais moins de pauvreté. Il y a là un moyen pour l’Occident, et pour les USA, de se rendre utiles. (Ce qui explique que les dits islamistes cherchent tous les moyens pour monter les populations locales contre eux ?) Malheureusement, ces derniers tendent à se payer de mots.
  • La Chine est, décidément, impénétrable. Ses leaders politiques disparaissent mystérieusement, et les chiffres de son économie sont douteux. (Mais pourquoi leur appliquer les grilles de lectures occidentales ?)
  • Les aléas climatiques créent une pénurie mondiale de céréales. Elle est amplifiée par la production de biocarburants. Les pays cherchent à protéger leurs populations des fluctuations de prix. Ce protectionnisme a l’effet inverse de celui qui est souhaité. (Drame pour les populations urbaines pauvres.) Commentaire personnel : dangers du protectionnisme, ou démonstration que la vie des hommes ne peut pas être laissée au bon vouloir des marchés ?
  • La banque d’investissement serait au plus mal. En grande partie du fait des nouvelles réglementations. D’ailleurs la City aurait éliminé 100.000 personnes sur 354.000 (2007). Va-t-elle perdre sa place au centre du monde ? s’inquiète The Economist. La finance mondiale va-t-elle retrouver la place qu’elle n’aurait jamais dû quitter ? se demande ce blog.
  • BAE et EADS vont-ils s’unir ? Pour EADS l’équation serait plus de stabilité = diversification dans la défense, le service et la maintenance + dilution des rôles des Etats. (Mais que serait-il sans les dits Etats ?) Début de concentration de l’industrie de la défense ? Que vont faire Thalès, Dassault et leurs confrères européens ?
  • Apple, est comme une bicyclette. Quand il n'avance pas, il tombe ? Est-ce ce qui lui arrive avec l’iPhone 5 ?
  • Et j’achève avec Bernard Arnault. Il a bâti sa fortune sur la France, sa culture, sa tradition et son image (et a tiré bien des profits des malheurs du Crédit Lyonnais, dit un ancien numéro du Canard Enchaîné). Mais à chaque arrivée de la gauche au pouvoir, il part à l’étranger. La dernière fois c’était aux USA. "Cette fois, au moins, M.Arnault a choisi un pays proche, et qui parle, en partie, français."
  • Mais, j'avais oublié un débat sur la circoncision. 1/3 des hommes seraient circoncis, dont 50% d'Américains. Difficile de trancher la question... Les scientifiques avancent des arguments pour ou contre. Quel impact sur l'enfant ? Et sur certaines sociétés, si l'on remet en cause cette coutume ? S'est-on posé cette question pour l'excision ? Car quid des droits de l'homme ?... 

samedi 15 septembre 2012

Perfide Germanie ?

J’examine des entreprises allemandes. Elles m’impressionnent. Beau site web qui vante leur savoir-faire et leur recherche, liens étroits et de confiance avec de très grands clients (surtout allemands)… Jusqu’à ce que je rencontre quelqu’un qui les a vues de près et qui ne partage pas mon enthousiasme.

En fait, il me semble que les entreprises allemandes font très bien des choses très simples (et qu'elles décomposent habilement le compliqué en simple), et qu’elles ont une très grande intimité avec leurs clients. Par contraste, le Français fait généralement mal des choses très compliquées, et il est un effroyable donneur de leçons. Il a une sorte de vision de l’idéal qu’il n’arrive jamais à atteindre. Du coup, il méprise ce que fait l’Allemand, sans être capable d’achever correctement grand-chose. Ce qui suscite le mépris de l’Allemand.

L’Europe du nord a une autre caractéristique qui me surprend. Ceux de ses ressortissants que je connais présentent des symptômes aggravés des maux qu’ils attribuent aux pays latins. En particulier, ils sont souvent très en retard aux rendez-vous qu’ils me donnent et incapables de tenir leurs engagements. On me dit « qu’ils ont été contaminés par la France ». Je pense plutôt que ce qui fait la force des pays du nord est leur organisation, non les vertus de leurs citoyens. C’est probablement pour cela que l’on y produit beaucoup plus en travaillant beaucoup moins que dans le sud. 

vendredi 14 septembre 2012

Migrations climatiques et autres nouvelles

Quelques observations de la semaine :
  • Faut-il craindre les migrations climatiques, causées par le réchauffement et la montée des eaux ? se demande CLES (www.grenoble-em.com). Il y a de quoi. « 500 millions de personnes vivent à moins de 5 km des côtes ». Pire : les villes, cœurs économiques des pays menacés, sont situées sur leurs côtes. Elles sombreront en premier, entrainant leurs populations dans la famine. Mais peut-être que la solidarité internationale les sauvera de la misère ? Peut-être que « L’émergence de la question des « réfugiés climatiques » en dit finalement moins sur le monde que sur nous-mêmes – de notre obsession de la propriété du sol à notre crise identitaire. »
  • PSA a son rapport, Sartorius. Il laisse le sentiment que la famille Peugeot s’est nourrie sur la bête. C’est surprenant, les entreprises familiales sont supposées voir loin. Mais peut-être que la mode de l’enrichissement personnel, qui a gagné l’ensemble du monde, peut aussi toucher les familles ?
  • Apple annonce un nouvel iPhone. Apparemment, la principale nouveauté est qu'il est plus plat et plus grand que le précédent. Apple copie Samsung ? 
  • Et si la France exploitait son gaz de schiste ? Et si elle éliminait sa dette moins vite que prévu ?... entend-on dire. Je ne suis pas d’accord. Plus ça va, et plus je suis favorable à ce qui nous force à la vertu. Le pays a besoin de réformes structurelles, et il ne pourra y parvenir sans contraintes.
  • Mathématiques. Je découvre Cédric Villani. Normalien, médaille Fields, et nouvelle star people. Quand travaille-t-il ? Du méfait des médailles ? Je découvre aussi la conjecture abc, dans la mouvance du grand théorème de Fermat. Elle aurait été résolue en 500 pages par un chercheur japonais. Hier les mathématiciens créaient des disciplines entières, aujourd’hui ils passent leur vie à démontrer un seul résultat. Rendements décroissants ? Qui est en cause, les mathématiques, ou les mathématiciens ?
  • De l’intérêt des mémoires. Cette semaine, j’ai subi un certain nombre de soutenances de mémoires. Epreuve douloureuse. Ce qui ne m’empêche pas de trouver étonnant le principe du mémoire. D’une part, les élèves conduisent des études extrêmement fouillées sur les entreprises dans lesquelles ils sont employés. Ils en tirent une connaissance que peu de personnes doivent avoir. D’autre part, l’utilisation, forcée, qu’ils font des outils théoriques en montre la puissance d’analyse. Dommage que ces mémoires soient pris, par les entreprises, pour des exercices scolaires, gratuits.
  • Peut-être suis-je un idéaliste ? Je pense que les DRH doivent plus être « Humaines » que « Ressources ». Pour les encourager, je vais publier une série de billets sur le site de Focus RH. Le premier : Ressources humaines : quel rôle dans le changement ? Par Christophe Faurie

Scénarios d’apocalypse


Depuis que je me suis intéressé aux Limites à la croissance, je découvre que beaucoup d’auteurs respectables pensent que l’espèce humaine va à la catastrophe. Mais personne ne précise la nature de cette catastrophe. Pourquoi ne pas faire l’exercice ? me suis-je dit. Voici, donc, quelques scénarios qui me sont passés par la tête.
  1. Le premier est la disparition, pure et simple, de tout ou partie de la vie sur terre. Il paraît que c’est possible. Il suffirait de faire dérailler quelques-uns des systèmes de régulation de la planète, pour que la terre devienne plus ou moins inhabitable.
  2. Plus optimiste : retour vers le passé, et la normalité. Le généticien Spencer Wells raconte l’histoire de la société depuis ses origines. Elle est ponctuée d’innovations sociales, qui produisent un développement de l’espèce au détriment de l’homme. Ainsi, lorsque l’on observe les caractéristiques de l’être humain, on découvre qu’il n’y a que depuis peu qu’elles sont revenues au niveau de celles qui étaient les siennes avant l’invention de l’agriculture. Pourquoi ne pas imaginer, alors, que cette exception prenne fin ? Et que tout ce que nous croyons un acquis s’effondre, que l’homme redevienne mal nourri, rachitique, soit victime d’épidémies… ?
  3. Il y a aussi la fin du développement économique. Curieusement, c’est une conclusion évidente des Limites à la croissance, qui n’est pas développée par le livre. Il dit, en effet, que plus nous détruisons de ressources naturelles, plus notre développement économique est difficile, et plus nous devons dépenser de ressources pour le pousser… On pourrait donc imaginer que nous traversions une série de crises, qui paralysent notre développement économique. Or, les crises sont plus efficaces que tous les Kyotos pour faire baisser nos émissions carbonées. Vive la crise ?

jeudi 13 septembre 2012

Réchauffement climatique : les entreprises sont inquiètes mais ne font rien


La France se serait réchauffée de 0,4 degrés en 10 ans, mais avec des différences suivant les mois.

Apparemment le changement climatique préoccupe les entreprises. 37% des entreprises considéreraient qu’il fait courir un risque sérieux à leurs affaires. 80% le prennent en compte dans leur stratégie. Une nette hausse.

Mais la crise a fait beaucoup plus dans la réduction de leurs émissions (14% de baisse) que leur initiative propre. Car l’entreprise a besoin de réglementation pour agir.

Hypocrisie ? Peut-être pas : sans réglementation uniforme pour tous, il n’est pas dans l’intérêt de l’individu d’agir. Des limites du marché soumis au laisser-faire ?

mercredi 12 septembre 2012

M.Hollande ou l’art du non agir ?

La France reprochait au gouvernement son manque d’activité. M.Hollande contrattaque : il augmente les impôts. J’imagine que le Français est satisfait : il a eu ce qu’il voulait.

C’est une bonne idée d’imposer loin des élections. Si la mesure fonctionne, sa douleur aura été oubliée au moment de voter. Les maires agissent ainsi : ils veillent à ce que le chaos produit par la construction des lignes de tram soit oublié au moment des municipales. Autre tactique : mesures exceptionnelles (imposition à 75%). Cela semble obéir à une nouvelle mode : le prélèvement unique, qui a l’avantage de ne pas pousser ses victimes à quitter le pays.

Malheureusement, en France, les mesures exceptionnelles ne le sont jamais longtemps. La CSG, qui serait à nouveau sollicitée, est passée entre Rocard et Jospin de 1,1% à 7,5%, à quoi il faut ajouter la CRDS (0,5%). Curieusement, on nous dit que ces impôts sont « justes », parce qu’ils touchent tous les revenus. Pourtant, ils ne sont guère progressifs… (Ils me semblent même ressembler à la poll tax de Mme Thatcher.)

Par ailleurs, le gouvernement parle d’un mystérieux contrat de génération, dont la mise en œuvre est nébuleuse. Le serpent de mer de la flexisécurité émerge à nouveau. Là aussi les aspects pratiques de la question ne sont pas évoqués.

Que penser de tout ceci ? Que M.Hollande est un praticien du wuwei chinois, l’art du non agir ? C’est un expert de la mesure qui décontenance l’opinion, et qui ne suscite aucune résistance ? Mais une telle mesure est-elle efficace, quand elle n’attaque pas la cause structurelle des déséquilibres nationaux ? Cette cause, d’ailleurs, n’est-elle pas la grande facilité que nos gouvernements ont à dépenser l’argent public (ou à le prélever) ?

mardi 11 septembre 2012

The Economist de la semaine

Asia’s next revolution

The Economist de cette semaine annonce que l’Asie réinvente l’Etat providence. Il lui donne des conseils pour éviter les erreurs occidentales.
Notre système est-il intrinsèquement vicié ? Je n’en suis pas sûr. Comme toute organisation humaine, il a été efficace un temps, et a besoin, périodiquement, d’être reconçu.
En ce qui concerne l’intérêt de l’Asie pour l’Etat providence, il me paraît donner raison à une théorie de ce blog, à savoir qu’à une phase libérale va succéder une phase plus solidaire. La concurrence entre mains d’œuvre devrait décroître, ainsi que les inégalités, la pauvreté, la natalité et la course en avant productive. C’est du moins mon intuition.

Ce journal pense aussi (depuis quelques temps) que les dirigeants de la zone euro sous-estiment les risques que court la dite zone. Sa situation économique empire, son système bancaire est fragile, et le moindre pépin pourrait se transformer en cyclone. Solution ? Une fédération.
Facile à dire… Vue la complexité du changement nécessaire, je doute, qu’il puisse se faire sans l’impulsion d’une sérieuse crise. (Note postérieure. Contrairement à ce que je pensais, les gouvernements européens auraient démarré un travail sérieux pour aboutir à une fédération, tout le monde serait prêt à faire des concessions - à commencer par la France.)
D’ailleurs, il semblerait que cette fédération émerge progressivement : un système d’encadrement des banques européennes est annoncé. Il a pour objet d’éviter aux Etats de renflouer celles qui défaillent. En échange de quoi ils perdent le contrôle d’une partie de leur économie nationale…

Parmi les autres sujets que j’ai vu passer : François Hollande est impénétrable, y compris par ses proches ; Israël se serait mis d’accord avec B.Obama, pour ne pas bombarder l’Iran en période d’élection ; l'Inde affronte les laboratoires pharmaceutiques ; les banques centrales se demandent pourquoi la politique monétaire est sans effet sur la crise (faut-il agir directement sur l’économie ? comme un Etat dirigiste ?) ; et les dernières recherches sur l’ADN, qui révèlent une réalité bien plus complexe que celle que l’on soupçonnait, et où l’on parle de la dernière idée à la mode : reprogrammer nos cellules… 

lundi 10 septembre 2012

L'expert "corporel" fait de la résilience


J’interviens régulièrement, depuis près de 20 ans, sur des dossiers à caractère dit corporel, de tout type : accident domestique,accident de sport, accident de la circulation et accident du travail.
Ces dossiers ont un point commun : des conséquences corporelles pour la victime.
Les accidents, et plus spécifiquement les plus sévères, se caractérisent par  un chamboulement de la personne et une trajectoire d’avenir qui évolue soudainement et dramatiquement.
Les dernières découvertes sur le cerveau le corps et le système immunitaire, démontrent, si c'était nécessaire, que la personne accidentée ne sera plus la même.

Rien ne sera véritablement plus « comme avant ».

Paradoxalement, les débats permanents sur la difficulté d’homogénéisation de l’indemnisation des victimes évoquent toujours les termes « d’indemnisation et/ou de réparation ».

Les expériences acquises sur le traitement direct de plus de 300 dossiers et indirect de plus de 3000, montrent que le besoin essentiel d’une victime est de se reconstruire et de retrouver un désir d’avenir.

La notion de résilience est bien celle qui doit servir de guide pour accompagner cette personne dans ses besoins. 
L’indemnisation et la réparation ne sont donc que des éléments parmi d’autres pour cet objectif.  
N’est il pas temps de replacer le débat dans ce bon sens qui correspond à notre esprit, à notre biologie?
Les autorités, les assureurs, les associations de victimes, les médecins, ne devraient ils pas repenser leur approche de l'indemnisation et de la réparation sous cet angle.
Boris CYRULNIK nous dit que "l'entourage" est primordial, il cite un chercheur (dont je dois retrouver le nom...) qui a mis en évidence qu'une personne privée de parole pendant trois semaines, voit sa zone corticale de la parole s'atrophier...Elle dépérit.
Comment permettre à la victime de retrouver une nouvelle trajectoire de vie sur la base réaliste de ce qu'elle est, et de ses nouveaux besoins?
L'argent reste un moyen important certes, mais sans empathie, il reste si peu efficace! 






Mythes et idéologies du cinéma américain


Voici un livre (de Laurent Aknin, Vendémiaire, 2012), qui psychanalyse l’Amérique au travers de ses films de « fantasy » - science fiction, horreur, péplum et superhéro.

On y voit, effectivement, qu'ils évoluent au gré des humeurs, des états d’esprit, et des événements. Peut-être, même, servent-ils à la nation, collectivement, à accepter et à dépasser les drames qui secouent ses certitudes, et la vision qu'elle a d'elle-même.  En particulier, le 11 septembre a été un choc terrible qui a marqué de son empreinte quasiment l’ensemble de la création de cette décennie.

On y voit aussi s’exprimer les fantasmes nationaux, comme la passion sado/masochiste de la torture. Et que les superhéros, les zombies et les extraterrestres sont un moyen pour des réalisateurs, de gauche, de régler leurs comptes avec le pouvoir, quand il est tenu par George Bush.

Cinéma d’une culture au croisement entre Bible et bande dessinée, il reflète la vision naïve qu’à l’Américain d’un monde qui se réduit à son pays, d’une apocalypse qui attend au coin de la rue, et d’une lutte du bien et du mal, dont il est le champion. Mais voilà que les superhéros ont perdu leur perfection. Ils ont été contaminés par les faiblesses humaines. « Le sentiment dominant de ce cinéma est l’inquiétude (…) il s’agit surtout de l’angoisse intérieure d’un pays qui se sent sur le déclin. »

Est-ce vraiment le déclin qui fait peur à l’Amérique ? Ou son bel optimisme vacille-t-il au spectacle de ses actes et des revers qu’elle a subis ? En est-elle arrivée à douter de son élection divine ? me suis-je demandé. 

samedi 8 septembre 2012

USA : pour qui voter ?

En deux numéros, The Economist a réalisé un test comparatif des candidats à l’élection américaine. J’en retiens :
  • Dans les deux cas, il n’y a pas de programme.
  • Une phrase résume Obama. « Obama avait promis d’écarter les querelles partisanes, de rendre l’espoir à ceux qui n’ont pas de travail, de lancer le processus qui sauvera la planète du réchauffement climatique, et de rendre sa fierté à l’Amérique. » Obama plus grand faussaire de tous les temps ?
  • Quant à Romney : « Dis, Mitt, que crois-tu vraiment ? ». Ce que dit Romney aujourd’hui condamne comme le pire des crimes ce qu’il a fait hier ! « La fin justifie les moyens » poussée à un degré jamais atteint ? Mais quelle est la fin qu’il poursuit ? La démagogie à son point culminant ? (On craint même qu’elle l’entraîne dans une guerre avec la Chine ! )
Tout ceci semble donner raison aux anciens Chinois. Ils disaient que ce qui caractérise les phases de chaos, transitions entre dynasties, est que personne n’est à sa place. A mon avis, c’est une question de règle du jeu.

Dans une phase d’harmonie sociale, la société sélectionne ses membres en fonction de leur capacité à accomplir un rôle (et les forme pour cela). Dans une phase, par nature libérale, de changement, l’individu doit s’emparer d’une position sociale, sans avoir besoin de savoir l’exercer, par son art de la manipulation des mécanismes sociaux encore en fonctionnement.

vendredi 7 septembre 2012

La conquête de l’inutile a ses raisons

Vainqueur de l'Ultra trail du Mont Blanc, venu de wikipedia
Hier, chronique d’Etienne Klein, France Culture. J’étais distrait, je ne suis pas sûr d’avoir bien compris ce qui était dit. Mais, après coup, mon inconscient s’est réveillé. Il m’a rappelé un des thèmes évoqués : pourquoi nous engageons nous dans des exploits gratuits ? Par exemple dans une course de 100km sur le Mont blanc ?

C’est une question que je me suis posée lorsque j’ai rencontré quelqu’un qui était resté plusieurs mois dans une sorte de réfrigérateur au grand nord. Quasiment sans rien faire.
La surprise passée, je me suis dit qu’il n’avait rien d’exceptionnel, que nous étions tous des conquérants de l’inutile. Ne passons-nous pas notre vie à nous entraîner pour réaliser un exploit sans lendemain, par exemple un examen ?

Et si c’était raisonnable ? Pour commencer, l’exploit à venir fournit un sens à notre vie. Ensuite, si j’en crois un entraîneur, la logique de l’exploit est celle du dépassement, permis par la maîtrise de réflexes apportée par l’entrainement. Ce dépassement, dans une forme de douleur, donne la jouissance de la domination de la raison sur l’être, et sur ses concurrents (ma propre expérience de la course de fond, qui se gagne par des sprints intermédiaires faits au bluff). Enfin, l’exploit réalisé, on passe sa vie à le rejouer, comme un ancien combattant ses batailles. Si je rapproche cela de ce que dit la neurobiologie de la méditation, c’est probablement un moyen d’enregistrer dans son corps ces moments de bonheur (cf. commentaire de ce billet). Ce qui rend l’individu « résilient » à l’aléa, et à la dépression, et globalement plus heureux qu’un homme qui vivrait une existence sans exploits.

L’inutile a des raisons que la raison ne comprend pas ?

jeudi 6 septembre 2012

La raison dirige-t-elle l’homme ?

Penseur venu de wikipedia
Il est estimé, au moins en Occident, que la raison dirige ou devrait diriger l’individu.
Je ne le pense pas. Et je ne crois pas non plus à la théorie de Freud, qui veut que la raison rejette dans l’inconscient ce qui ne lui va pas.

Il me semble plutôt que l’inconscient pilote l’homme et que ce que nous appelons raison n’est là que pour rationaliser une décision qui a été prise sans elle. Votre cerveau n’a pas fini de vous étonner semble confirmer ce point de vue : il y est dit que l’expérience montre que la partie « intelligente » du cerveau réagit une fois que nous avons pris une décision.
La démonstration de mathématique est un autre exemple de ce phénomène : elle part d’une intuition, qui est, ensuite, justifiée par le raisonnement. Il n’y a pas de méthode pour résoudre systématiquement un problème.

A quoi servirait la raison, alors ? Je formule deux hypothèses.
La première est que notre raison est un outil social. Elle nous permet de communiquer, d’être compris, et surtout de coordonner nos comportements collectifs à grande échelle (aujourd’hui à celle de la planète). Par contraste, « l’émotion », « l’empathie »… n’ont qu’un très court rayon d’action.
L’évolution de l’entreprise montre cette idée en action. Quand elle est petite, l’entreprise fonctionne à l’informel, à l’affect, comme une équipe sportive. Dès qu’elle s’étend, elle définit explicitement des lois, des règles, des normes. Elle invente, en particulier, le contrôle de gestion. C’est ce que montre fort bien l’évolution de General Motors sous le leadership d’Alfred Sloan.

La seconde est que la raison est un appel à l’aide. Lorsque notre inconscient est dépassé par une difficulté, il tente de la rendre consciente. Pour que nous puissions utiliser notre raison pour demander l’aide du groupe ?

Résumé de mes désaccords avec l’opinion dominante : la raison n’a pas été inventée pour guider l’individu, c’est une fonction sociale qui est dépendante de l’inconscient.

La raison individuelle a sans nul doute une influence sur l’homme : dans mon modèle, l’inconscient produit de la conscience qui peut arriver à son tour à modifier l’inconscient ; mais le procédé est lent, et intimement lié à la dimension sociale de la vie, puisque les outils du conscient sont construits par lui à partir de ce qu’il a compris de l’enseignement collectif. Mais c’est une conséquence imprévue de la fonction sociale de la raison. 

mercredi 5 septembre 2012

Contrôlons nos élites

Peter Turchin, un mathématicien, spécialiste de l’évolution des populations, a tiré de l’observation des chiffres une curieuse théorie (Calculated violence: Numbers that predict revolutions, New Scientist, 23 aout).

Une population serait soumise à des changements cycliques. Dans un premier temps, de prospérité, la population croit de manière excessive, ce qui permet à une classe supérieure de l’exploiter et de se développer. Il en résulte alors une crise, qui ne provient pas des pauvres, désespérés, mais des riches, trop nombreux. Une période d’anarchie liquide les riches surnuméraires, et la prospérité revient. Ce cycle prendrait 2 à 300 ans.

Les USA seraient à la veille d’une fin de cycle.

Comment éviter une crise ? Contrôler la reproduction des élites.

mardi 4 septembre 2012

La création de la pauvreté ?

J’ai commenté Hot, Flat and Crowded, Limits to growth et Poor economics, et en cherchant un cadre cohérent à ce qu’ils disent de la pauvreté voici qu’une bien curieuse théorie m’est venue en tête :
Et si la croissance causait la pauvreté ? Ce serait l’illustration même d’un grand principe de systémique : « la solution est le problème ». Pour combattre la pauvreté, nous voulons croître, or, c’est la croissance qui crée la pauvreté.

L’argument qui soutient cette idée est imparable : en détruisant (transformant) les ressources naturelles, la croissance augmente leur prix, et met au désespoir le pauvre.
Et si, d’ailleurs, le moteur même de notre système était la pauvreté ? Il y a quelques ans, j’ai acheté un parapluie à 10€. En une semaine, j’en avais consommé deux. J’en ai alors acquis un dernier à 30€. Non seulement il est automatique, ce que n’étaient pas les autres, mais encore il est indestructible. Et combien faut-il de Tshirts bon marché pour obtenir la durée d’un polo de bonne qualité ? C’est étonnant à quel point le pauvre peut se faire arnaquer. Pour remplir une fonction donnée (s’abriter, se vêtir), il doit dépenser plusieurs fois plus que le riche.

Le pauvre est un consommateur né :
La pauvreté est proche de la dépression, dit Poor Economics. Et pour ne pas y sombrer, le pauvre a besoin de « compensations », qu’il trouve dans la consommation. Et le pauvre n’est pas instruit. Ce qui le rend manipulable à merci, notamment par la publicité et les modes.
Probablement aussi, le pauvre est isolé. Il n’appartient pas une communauté qui puisse l’aider. Ce qui ne fait que renforcer les phénomènes précédents.

C’est pour toutes ces qualités que le pauvre a peut-être été inventé. Car on ne nait pas pauvre, on le devient, comme aurait dit Sartre. Les communautés traditionnelles et les « sauvages » modernes ont une forme de propriété collective de leur environnement, donc de richesse. Un des actes fondateurs de la Révolution Industrielle a été de les en priver sans contrepartie, faisant de leurs membres des pauvres. 
D’ailleurs, la mère de toutes les tactiques anglo-saxonnes est diviser pour régner, la destruction du lien social.