samedi 10 novembre 2012

Expertise et économie sociale

Pourquoi les cabinets d’expertise ne forment-ils pas des coopératives ? Me suis-je demandé.

Comment fédérer des Gaulois ?
Les experts furent des indépendants. Puis, pressés par les événements, ils se sont groupés en grosses unités. Mais leurs employés conservent une farouche volonté d’indépendance. D’ailleurs tous s’accordent à dire que le nerf de la guerre est la motivation des experts. Car, le métier est ingrat, il doit être une passion.  
Beaucoup de problèmes en résultent. La participation au capital paraît à l’expert une reconnaissance nécessaire de son action. Au moins pour les plus expérimentés. De même, lorsque le cabinet absorbe de grosses unités, celles-ci veulent du pouvoir. En vérité, plus ou moins marquée, la logique du réseau demeure. Et il y a pire. La passion de l’expertise rend la gestion des affaires collectives secondaire. Comment cet ensemble mal soudé peut-il résister aux forces du marché ? Société anonyme, GIE… ? C’est là qu’intervient l’économie sociale :

L’économie sociale, une application
L’économie sociale, c’est la démocratie administrant un bien commun (res publica en latin) d'une collectivité. Et ce dans l’univers de l’économie de marché.
Dans le cas de l’expertise. La collectivité est faite d’experts. Le bien commun est la coordination des interrelations afin d’atteindre l’objectif commun : une longue et heureuse série d’expertises peu troublée par des tracas pratiques. Les experts sont actionnaires de l’organisation. Ce qui leur donne une voix, et une seule, pour élire un bureau, qui élira lui-même son président. Bureau et président sont appelés les « politiques ». C’est, essentiellement, le pouvoir législatif de l’entreprise. Il prend des décisions en fonction de l’intérêt collectif. L’exécutif est constitué d’une administration salariée. Ce sont des spécialistes fonctionnels, directeur général, directeur financier, contrôleur de gestion, etc.
Le vice de ce modèle ? La dérive politique. Pouvoir pris par les champions de l’appareil et non de l’intérêt collectif et du changement. Soif de pouvoir, démagogie, immobilisme et détournement de bien social. Le choix du couple président / directeur général est décisif.
Le président ? A la fois meilleur des experts, et expert atypique. Meilleur des experts, pour atténuer le risque du politique professionnel qui fait carrière par incompétence. Mais le président doit surtout être un « leader » au sens des sciences du changement (= capable de conduire le changement). Il doit construire une « vision » qui agrée à tous et la mettre en œuvre. Il doit aussi décider vite et bien, lors des « gros coups ». Le directeur général complète le président, c’est un spécialiste de la gestion des entreprises, de la mise en œuvre du changement.

Le cabinet de conseil anglo-saxon
Est-ce le modèle le plus efficace ? D’autres professions ne sont-elles pas confrontées aux mêmes problèmes que les experts ? Ne pourrait-on pas emprunter leurs solutions ? Quid des consultants et des auditeurs ? Pas exactement : ces cabinets vendent des missions. L’homme qui compte n’est pas le consultant. Il exécute un schéma directeur. C’est le vendeur. Le cabinet de conseil est une collectivité de vendeurs, associés. La motivation du consultant tient à la possibilité de joindre l’élite, grâce à un exploit (commercial).  Autrement dit, ces cabinets reproduisent l’organisation sociale anglo-saxonne.
Du point de vue de l’associé, cela ressemble à l’économie sociale, sans exécutif spécialisé. Mais y en a-t-il besoin ? Le succès tient à la vente et ces cabinets fusionnent beaucoup et constituent des oligopoles, ont-ils besoin d’un fonctionnement optimisé ?

A chaque culture son entreprise
Laissons les experts choisir l’entreprise qui leur convient. En tous cas, je retiens de cette discussion que chaque culture construit ses entreprises à son image.
Français n'ayant pas découvert l'économie sociale ?

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