lundi 6 août 2012

Faut-il croire en la réincarnation ?

Nouvelles de la semaine :

Je prépare une conférence sur les Limites à la croissance (cf. mon dernier billet). Je dois lire des textes éprouvants.
Hot, Flat et Crowded reprend l’argumentaire de Limits to Growth en les illustrant. On y voit que ce qui a mis des siècles à se construire, voire l’histoire de l’humanité, se fait maintenant en l’espace d’années. Par exemple, le développement des pays émergents se calcule en « Amériques », et entre deux voyages de l’auteur une ville inconnue de nous, en Chine au Qatar ou ailleurs, se dote d’un ou deux Manhattan.
Ce qui m’amène à me demander pourquoi Limits to Growth n’a pas réussi à nous alerter plus tôt. Etait-il efficace de dénoncer la croissance ? Après tout, n’est-elle pas soutenue par les plus puissants lobbys terrestres ? The Economist ne répète-t-il pas « croissance, croissance » ? N’en est-il pas de même de toute notre presse ?
D’ailleurs, est-ce réellement la croissance qui est en cause ? N’est-ce pas plutôt notre propension à la destruction ainsi que le dit Cradle to Cradle ? La presse économique anglo-saxonne n’affirme-t-elle pas à longueur de colonnes que la crise (la destruction) est bonne, parce qu’elle élimine les faibles et laisse la place aux pousses du renouveau (les « start up ») ? Or, ce raisonnement est faux : un monde rasé ne peut pas renaître.

On en revient à la notion de résilience – la capacité d’un système à résister à la destruction sans perdre l’essentiel, plus exactement à se réincarner. Comment rendre l’humanité résiliente ? Mes idées du moment :
1) La résilience est un choix. Que voulons-nous conserver ? Quel est notre essentiel ? Est-ce simplement se maintenir en vie, acheter des conserves, un fusil et un vélo ? Ou avons-nous besoin d’un minimum de société ? 2) Ce qui nous est nécessaire est notre « capital », une fois qu’on le connaît (en espérant que ce soit possible), il faut mesurer comment il se porte.
Bref, il s’agit de faire croitre la résilience de notre société. Le concept s’étend d’ailleurs à l’individu et à l’entreprise. Cette dernière, par exemple, ne se demandera plus si son chiffre d’affaires a cru, mais si elle est devenue plus résiliente – c'est-à-dire si elle a augmenté son espérance de vie.

A noter une variante de ces thèmes. Cette semaine New Scientist s’intéressait aux conséquences des inégalités. Des chercheurs débouchent (Why egalitarian societies died out) sur un résultat surprenant. Ce qui fait la force d’une société inégalitaire est sa faiblesse. Une société inégalitaire est non durable. Sa classe dirigeante ne perçoit pas les menaces du fait de son isolement. Du coup, cette société épuise les ressources qui lui sont nécessaires, et est forcée de partir sans cesse à la conquête de nouveaux territoires. Ce serait ainsi qu’elle auriat éliminé les sociétés égalitaires, qui furent longtemps la règle. En outre, elle est résistante à l’aléa, puisque ce n’est pas celui qui dirige qui les subit.

Un autre article (The physics of our finances) analyse la répartition de nos revenus. Apparemment les revenus de 90% de la population suivent une courbe de Maxwell-Bolzmann. Cette courbe donne la distribution des vitesses des particules d’un gaz. Sa transposition à la société semble signifier que nos revenus sont l’équivalent de la vitesse des particules et qu’ils se font et se défont lors des interactions sociales (équivalent des chocs entre particules). 10% de la population échapperait à ce phénomène. Ses revenus suivraient une courbe de Pareto. Cela s’expliquerait parce qu’ils peuvent « économiser ». Ont-ils réussi à s’extraire du monde des chocs ? Mystérieux.  

Toujours sur ce sujet, je me suis demandé pourquoi le Dialogue du désespéré (mon avant dernière note, sur l’Egypte) semblait si moderne. Pourquoi, lors des périodes de chaos a-t-on l’impression, en Egypte, en Chine, ou aujourd’hui, que personne n’est à sa place ? L’explication est, peut-être, que les périodes de chaos correspondent à une destruction des règles sociales. Ce sont des affrontements entre individus. Ceux qui atteignent les positions les plus en vue, ne sont donc pas les plus dignes de les occuper, mais ceux qui ont su asservir le moyen à la fin. Comme le disait Charles Gide (cf. mon billet sur le Solidarisme), dans un jardin réglé par le laisser-faire, ce qui gagne est la mauvaise herbe ?

The Economist illustre assez bien ces questions.
Un article traitant des fonds d’investissement, pour commencer (Too big to veil). Ils y a quelques années, ils ont été pris d’un coup de folie. Ils ont surenchéri pour s’emparer de multinationales. Mais le crime paie. Ils ont été sauvés par le faible niveau des taux d’intérêt, résultant de la crise. Il leur a permis de renouveler leurs dettes. Surtout, ils ont utilisé leurs participations comme des vaches à lait, qu’ils ont essorées par des miracles d’ingénierie financière. Par exemple, ils leur ont imposé des frais de gestion colossaux et les ont endettées pour se verser des dividendes. Qu’en restera-t-il une fois qu’ils les auront revendues ? Le capitalisme à son meilleur ? En tout cas, c’est celui qu’aiment les Républicains américains, puisqu’ils y ont choisi leur représentant aux prochaines présidentielles.

The Economist confirme aussi une des intuitions de ce blog (Supply chain fragmentation). Les « chaînes logistiques » ont transféré le savoir-faire occidental aux émergents. Jamais auparavant des nations n’avaient pu construire aussi aisément une base industrielle. Les dirigeants de multinationales et les fonds d’investissement ont ainsi profité des faibles salaires de l’Est et des connaissances patiemment accumulées par l’Ouest.

Une conséquence ? Huawei, le plus grand équipementier télécom mondial, ne serait-il pas la créature du PC chinois ? Et s’il utilisait les infrastructures qu’il construit à des fins militaires ? En fait, la question ne se pose pas. Tous les composants télécom sont fabriqués en Chine. (The company that spooked the world.)

Au tour du Japon, maintenant (Japanese lessons). Depuis l’éclatement d’une bulle immobilière, il vit un long hiver économique. L’Europe, dit The Economist, suivrait son exemple, entrainant avec elle l’Angleterre. Reprenant ma réflexion de la semaine dernière, je me demande si le Japon est aussi bête que l’affirme The Economist. Ce journal veut que le Japon laisse la destruction créatrice faire son travail rédempteur. Et si le Japon avait décidé, avec Limits to Growth, que le modèle de développement qu’on lui propose n’était pas durable ? Et s’il avait un peu raison ? Après tout son chômage est de 4,5%.

Une note, enfin, sur l’université américaine, que la nôtre copie servilement : elle est victime d’une bulle spéculative. (The college-cost calamity)

Il y a longtemps que ce blog n’analyse plus la logique de nos gouvernants. Je vais refaire cet exercice :
F.Hollande semble vouloir se rapprocher de « red Ed » Milliband, leader du parti travailliste anglais et fléau de Dieu, selon The Economist. Est-ce un coup de semonce à D.Cameron, une réponse à son invitation faite à nos entrepreneurs de venir sur son île ?
D’une manière générale, je me demande si la stratégie de F.Hollande n’est pas celle du contre-pouvoir. Sans s’opposer désagréablement à Mme Merkel, par exemple, il parle amicalement avec le SPD, l’Espagne et l’Italie.
Il y a quelques temps on me faisait remarquer qu’il n’avait rien à nous dire de motivant. J’ai répondu que ce n’était pas le moment de faire des phrases, alors que personne ne sait où aller. La bonne tactique en « environnement incertain » est celle du « soleil d’Austerlitz ». Il faut construire ses forces afin de pouvoir saisir les occasions favorables quand elles se présenteront.
Quant aux USA, j’ai l’impression que leur présidentielle va voir s’affronter deux losers. M.Romney vient de rendre visite à ce qu’il considère les alliés les plus solides de l’Amérique, à savoir : l’Angleterre, la Pologne et Israël. Retour à l’ultralibéralisme de Bush ?
Quant à B.Obama son immobilisme est confondant. Une réforme de la santé et puis rien, sinon du golf. Ne croirait-il pas que l’avenir du monde tient en quelques décisions et que personne n’a eu l’intellect suffisant pour les concevoir, avant lui ?

Pour terminer, mes malheurs avec le progrès. Je reprends là où je les avais laissées mes aventures avec mon mobile, la semaine dernière. Donc, toujours pas d’Internet, mon iPhone est coupé du monde. Je téléphone au centre d’appels SFR. Après une vingtaine de minutes et quelques manipulations tout entre dans l’ordre. Mais, à peine mon téléphone posé, je découvre que mes « applications » Apple ont disparu. Et, surtout, que le logiciel de synchronisation PC / iPhone n’indique pas mon numéro de téléphone, mais celui lié à la carte SIM envoyée lors du dernier épisode. Nouvel appel. Une heure de discussion. Cette fois-ci les téléopérateurs sont échec et mat. Après m’avoir suggéré quelques manipulations hasardeuses, on décide de m’envoyer une nouvelle carte SIM, vierge cette fois. On recréera à nouveau ma ligne. Je suis inquiet et ennuyé. Mais que puis-je faire d’autre ?
Il se trouve que j’ai profité de la discussion pour demander comment modifier mon « code Pin ». L’un de mes interlocuteurs ne sait pas, l’autre si. En appliquant ses recommandations j’aperçois une rubrique appelée « mon numéro ». Ce numéro n’est pas le mien. Mais je peux le modifier. Et cela résout le problème, moyennant la réacquisition de mes « applications » Apple. (Heureusement que je n’avais que des applications gratuites ?)

Mais je n’en ai pas fini avec les merveilles de la technologie et ses sociétés admirables.
Un de mes PC est arrivé installé avec Desktop de Google. Pour une raison que j’ignore, il a disparu, mais Outlook continue à le réclamer. Une désinstallation ne résout pas la question. Je décide, en désespoir de cause, de le réinstaller. Surprise, je trouve sur Internet un texte à la Lionel Jospin qui explique que Google a abandonné ce logiciel au motif que d’autres ont fait mieux. Encore !

J’en viens maintenant à mon antivirus. McAffee, utilisant mes coordonnés bancaires, a renouvelé mon abonnement. Voulant changer de PC – celui-ci étant devenu fort lent (merci Microsoft ?), je décide de profiter des 60 jours que me laisse McAffee pour résilier mon contrat. Mais comment faire ? Jeu de pistes : il faut aller sur le site de McAffee, trouver la bonne option, et là se met en place un logiciel de « chat » par lequel on échange des messages avec une opératrice au nom slave. Apparemment, je serai remboursé. Mais il faut que je désinstalle l’antivirus, sans quoi il n’arrêtera pas de m’insulter. Ce que j’essaie de faire. Sans beaucoup d’effets apparemment.

Que je suis petit par rapport à toutes ces multinationales. Retour à un capitalisme viril auquel ne peut survivre que le fort, sans foi ni loi ? Je me répète.

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