vendredi 15 octobre 2010

Le développement durable de Sylvie Brunel

Insensiblement la préoccupation de la planète est passée du « développement », sortir les pauvres de la misère, au « développement durable », un écologisme utopique. Le pauvre a été liquidé de notre conscience. BRUNEL, Sylvie, Le développement durable, Que sais-je ?, 2010.

Pour comprendre le développement durable, il faut en revenir à la guerre froide et à la notion, obsédante alors, de « développement ». L’Amérique craignait comme la peste que les pays pauvres ne passent dans le camp soviétique. Pour cette raison, l’Occident leur versait une « aide au développement » afin qu’ils adoptent son modèle - ce qui était le sens de « développement ».

Puis l’Union soviétique a disparu. Que le pauvre gaspille comme un riche est devenu une menace pour la planète. Le développement a été discrédité. Il a été remplacé par le développement durable. Aujourd'hui, il n'est plus question que d’écologie, en particulier d'effet de serre. La planète s’est couverte de parcs naturels.

Le développement durable, c’est la nature menacée par l'adoption par le pauvre du mode de vie occidental. C'est le maintien du pauvre dans l'arriération. C'est aussi le retour d'un ancien mythe anglo-saxon, celui des immensités vierges et de l'homme être nuisible. 

Dans ce livre on retrouve aussi tout ce que nous avons vécu : crise, rigueur, libéralisme. Son effet sur les pays pauvres a été de même nature que chez nous, mais pas de même magnitude. Leurs structures trop fragiles ont cédé. Ils ont été dévastés par les fanatiques de tout bord :

La fin de l’aide au développement, désormais vue comme un encouragement à la paresse, la crise du modèle occidental qu'on lui avait imposé, ont trouvé le pays pauvre perclus de dettes. Pour le soigner, on lui a imposé la rigueur puis le libéralisme, qui a fait exploser ses États dictatoriaux, privatisé ses services publics, et l’a « désarticulé » (d’un côté une « caste privilégiée », de l’autre déchéance, émeutes de la faim, narcotrafic). On a lâché sur lui les ONG, devenues le dépositaire des bons sentiments des nantis et de l'aide au miséreux, et l’entreprise privée. Employant les mêmes riches diplômés et les mêmes méthodes de management, ce sont les deux faces d’une même pièce.

Finalement, voici ce que je comprends de ce que propose Sylvie Brunel :

Une nature vierge est une utopie. Partout elle a été modifiée par l’homme. D’ailleurs, l'homme a peut-être joué un rôle essentiel dans le maintien de la diversité de l'écosystème planétaire. Les pauvres ont le droit au même développement que nous. Pour qu’on les entende, il faut qu’ils s’enrichissent, et pour qu’ils s’enrichissent il faut que la petite agriculture familiale renaisse - d'ailleurs, elle savait gérer la nature. Il faut surtout rendre à « développement durable » son sens d’« intérêt général » ; donc reconstituer ce qui a pour mission de le promouvoir : les États, et des institutions internationales qui gèrent le bien commun de l’humanité.

Le développement durable signifie l’échec du libéralisme individualiste et gaspilleur, il faut retrouver le sens du partage et de la frugalité.

Compléments :
  • L’Amazonie fut effectivement un jardin : Amazonie cité jardin.
  • Curieusement ce qui est dit ici ressemble à l’Angleterre victorienne, avec ses « charities » (les ONG), sa haine des pauvres, une élite des affaires que rien ne contraint, et même ses doctrines malthusiennes, sa « dismal science », l’économie, qui ne prévoit que la pénurie, et les bons sentiments qui remplacent l’aide – vue comme encouragement à la paresse. Les mêmes causes produisent les mêmes effets ? (Voir Histoire de l’Angleterre). L’élite anglaise a toujours pensé qu'elle était justiciable d'un autre traitement que celui qui devait s'appliquer au reste de l’humanité, en particulier en ce qui concerne la liberté et la démocratie (cf. THOMPSON, E.P., The Making of the English Working Class, Vintage Books USA, 1966.). En fait ce que dit Aristote de l’esclavage (et de l’infériorité naturelle de la femme) est très victorien. 
  • La forme actuelle du développement durable, celle dont le symbole est l'employé d’ONG roulant en 4x4, est elle un refus de tout changement ? (Voir RSE, qui en arrive à cette conclusion.)

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