mardi 21 septembre 2010

Inflation et économie de marché

L'idée m’est venue que notre histoire récente a été celle d’une expropriation. Par une vague de fausses innovations, les forts ont pris aux faibles ce qu’ils avaient et l’ont remplacé, au mieux, par des colifichets. Justification :

Inflation invisible

L’INSEE ne s’intéresse qu’aux biens de consommation. Mais il y a d’autres biens tout aussi essentiels à l’homme qui ne sont pas comptabilisés. Par exemple ? L’éducation, la santé, le travail, le logement, la sécurité. Et il se trouve que une grande partie de la population a un accès à ces biens réduit par rapport à celui de ses parents  – la définition même d’inflation :
  • Le logement, bien entendu, qui est à l’origine de la crise actuelle. Pour la plupart des classes sociales, il est plus difficile d'acquérir son habitation aujourd'hui qu'hier..
  • L’éducation. Comme le disait mon billet sur les universités américaines, leur coût a grimpé beaucoup plus vite que la richesse moyenne des Américains alors que le contenu de l'enseignement a fondu. Idem en France où le privé se substitue au public défaillant.
  • La santé. On prévoit que les dépenses de santé pourraient consommer la croissance future des USA.
  • Le travail. Les générations d’avant 68 connaissaient le plein emploi. Aujourd’hui le chômage est endémique, et certaines catégories en sont définitivement exclues.
  • La sécurité. Si j’en crois la radio et les partis politiques de tous bords, elle s’est nettement dégradée.
La liste n’est pas exhaustive (peut-elle l’être ?). Exemple, plus petit : depuis que le sport est un business, les événements internationaux sont transmis par des médias privés, ils ne sont plus accessibles à une large partie de la population.

Mécanisme de l’inflation : innovation, vessies et lanternes

Dans mon enfance, les kiwis et les avocats étaient rares. Quelques temps plus tard, nous étions submergés de ces fruits, devenus de la cochonnerie.

Le mécanisme de l’inflation qui attaque les biens qui nous sont utiles semble semblable : on conserve le nom, mais il y a substitution par moins bien : il y a toujours une école publique, mais elle ne forme plus ; les subprimes faisaient prendre pour du sans risque de l’hyper risqué…

C’est aussi le mécanisme de la spéculation selon Galbraith : parvenir à déconnecter la valeur perçue par le marché, pour un bien, de sa valeur réelle. C’est ce que les financiers nommaient il y a encore peu « innovation » : nous faire prendre des vessies pour des lanternes. 

Economie de marché et inflation

L’économie de marché c’est le mécanisme de l’offre et de la demande en environnement d’acteurs rationnels (non liés par un lien social). Mancur Olson montre que ce système conduit naturellement à l’oligopole, le petit nombre exploitant le grand nombre. Ce qui explique probablement le paragraphe ci-dessus : celui qui est en position de force extrait une « rente » du faible.

La spéculation est un mal naturel de l’économie de marché. L’inflation en résulte. 

Capitalisme et économie de marché

Une question qui se pose immédiatement est celle du capitalisme. Est-il en cause ?
D’après Schumpeter, le capitalisme c’est l’innovation, celle qui crée du nouveau. Elle conduit, comme celle du financier, au monopole (cf. Apple), mais, elle semble faire prendre plus de risques à l’inventeur qu’à la société humaine. En outre, comme le montre par exemple l’invention de l’industrie en France, ce sont plus souvent les héritiers que les innovateurs eux-mêmes qui exploitent la rente ainsi formée.

Il ne faut donc pas confondre économie de marché et capitalisme.

Communisme et contrôle de l’inflation

Comment éviter l'inflation dont il est question ici ? Plusieurs solutions viennent à l’esprit.
  • Le communisme. Il veut contrôler le capitalisme, qui n’est pas notre sujet. En outre il remplace un monopole par un autre, tue l’innovation et l’expérimentation qui en a été faite n’a pas été satisfaisante.
  • L’économiste corse semble plus proche de mon analyse que le Soviétique. L’usage du terrorisme a permis en partie à la Corse d’éviter l’influx de capitaux étrangers, qui aurait amené une inflation du prix de l’habitat, comme sur le continent, d'où expropriation des locaux de leur mode de vie traditionnel. Il y a aussi probable autocontrôle du terrorisme par la population, une formule plus démocratique que le communisme. Cependant l'option corse est une méthode de résistance au changement non de réelle conduite du changement. Il n’est pas certain, donc, qu’elle soit durable.
Sur le long terme, j’imagine que la société finira par trouver un moyen d’autocontrôle des « biens communs » nécessaires au développement de l’homme, selon le schéma défini par Elinor Ostrom, une forme de communisme sans dictature, et sans bombes. (Autrement dit la société ramène en son sein l’individu.) En attendant, il faut probablement faire avec ce que l’on a, et jouer au chat et à la souris avec l’innovation spéculative.

Compléments : 
  • WORONOFF, Denis, Histoire de l’industrie en France du XVIème siècle à nos jours, Le Seuil, 1994.

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