vendredi 20 novembre 2009

Changement : concepts principaux

La préparation d’une présentation sur le changement me permet de mettre ensemble quelques principes dispersés dans ce blog, et fondamentaux :

Un souvenir de mon service militaire. Le samedi matin de la première semaine de mon incorporation, personne n’est venu chercher notre chambrée pour la conduire déjeuner, contrairement à l’habitude. Diagnostic immédiat ? Dysfonctionnement de l’armée française. Depuis une semaine nous en avions vu beaucoup. Et les poches de nos parkas fournissent une génération spontanée de morceaux de pain, gâteaux et pots de confiture… À dix heures arrive un sous-officier, qui nous emmène nous faire vacciner. Nous étions supposés être à jeun.

Changement : définition

Le changement c’est faire changer de comportement collectif un groupe d’hommes, ou organisation. Le soldat a l’habitude de déjeuner, eh bien on va l’emmener se faire vacciner, ce qui signifie le faire jeuner.

Ce que donne le changement est généralement le statu quo, la victoire de la « résistance au changement » : le soldat déjeune quoi qu’il arrive.

Raisons d’échec

Implicitement nous pensons que si nous n’emmenons pas l’homme déjeuner, il ne déjeune pas. Nous le considérons comme une chose. Cette hypothèse est au cœur de la culture occidentale. Les économistes March et Simon l’ont appelée le « modèle de l’organisation machine ». Nous nous comportons avec les entreprises, les nations, etc. comme avec des machines, que l’on commande. De ce fait nous commettons deux erreurs fatales :

  1. Nous imposons le changement aux membres de l’organisation. On les met donc dans une situation naturelle de résistance à un changement dont ils ne sont pas responsables. Qui est fait contre eux.
  2. Pensant que notre idée se suffit à elle-même nous ne faisons rien pour contrôler que le changement est correctement mis en œuvre. Au mieux nous « communiquons », nous organisons des formations, nous faisons des discours… qui rebondissent sur la méfiance du groupe.

Le blocage

La question centrale du changement c’est le blocage entre fin et moyen :

  1. La fin c’est faire vacciner les troupes, donc les maintenir à jeun.
  2. Le moyen c’est ne pas les emmener déjeuner. Le choix de ce moyen résulte d’un raisonnement inconscient qui part du principe que l’appelé est une machine (ou de quelque chose de similaire).
  3. Le blocage : l’homme déjeune quoi qu’il arrive.

Ce qui rend le blocage difficile à combattre, c’est qu’il résulte d’une cause inconsciente. C’est pour cela que les psychologues appellent sa résolution « insight ». Ces blocages et insights ont une explication simple. Une organisation est efficace parce que ses membres ont un comportement collectif dirigé par des règles inconscientes (cf. la politesse). Pour changer (= modifier ce comportement), il faut faire évoluer les règles inconscientes.

Un changement, c’est une succession de résolutions de blocages. Cette suite de blocages se rencontre de la conception du changement jusqu’aux petits problèmes de mise en œuvre. Faire sauter des blocages ne demande quasiment aucun moyen (effet de levier).

Principes des techniques de conduite du changement

Conduire le changement se ramène donc à installer des procédures qui vont « contrôler le changement » c'est-à-dire qui mettront l’organisation dans des conditions qui lui permettront d’éliminer blocage après blocage de façon maîtrisée. Les principes des techniques employées :

  • Ne pas s’engager dans le changement, bille en tête, comme on le fait aujourd’hui. Mais demander à ceux qui vont le mettre en œuvre, aux opérationnels, comment ils vont s’y prendre. Autrement dit, leur demander un plan de mise en œuvre du changement. Ainsi on simule ce que va donner le changement. On élimine donc les problèmes qui l’auraient tué. D’ailleurs il ne viendrait à l’idée de personne de s’opposer à un changement qu’il a conçu.
  • La clé de voûte du processus de contrôle, c’est l’animation du changement. L’animation c’est un dispositif léger qui aide les responsables à construire leur plan d’action puis à le mettre en œuvre. Mais son rôle réel n’est pas là. L’animation aide ceux qui affrontent le changement à vaincre le blocage, la cause de résistance au changement.

Un changement peut être contrôlé avec très peu de ressources et se faire vite parce qu’il procède par étapes. Or, les personnes clés pour le franchissement d’une étape sont en petit nombre. On peut donc mener de très gros changements, très rapidement, même pour des multinationales. Et ce sans quasiment aucune ressource externe, à part quelques experts des compétences qui peuvent manquer à l’organisation.

Compléments :

  • L’exemple vient de mon livre : Conduire le changement : transformer les organisations sans bouleverser les hommes, L’Harmattan, 2008.
  • MARCH, James G., SIMON, Herbert A., Organizations, Blackwell Publishers, 2ème edition, 1993.

2 commentaires:

Bsa a dit…

Etonnant principes. En informatique ont fait exactement l'inverse, les gens expriment des besoins, et les informaticiens concoivent les solutions. Un changement qui ne correspond pas a un besoin exprime par les operationnels va dans le mur il me semble. Et leur faire concevoir un cngmnt dont ils ne veulent pas, va dans le mur aussi. Que les proprietaires veuillent un changement est une chose, que les operationnels se l'approprient en est une autre. Les besoins etant contradictoires entre les populations la plupart du temps, comme chez FT

Christophe Faurie a dit…

Je pense que vous dîtes comme moi. En particulier mon expérience du développement me montre que lorsqu'un spécifie et que l'autre développe, il est rare que le logiciel ne soit pas un échec, et, dans le meilleur des cas, il est inutilement compliqué.
Si dirigeants et opérationnels veulent des choses différentes le changement échoue ou détruit la société.
La solution au problème c'est de faire s'accorder les uns et les autres sur le "bien commun" de la société.
Si l'on est dans une situation "lutte des classes" (cas de FT?), on a une sorte de dilemme du prisonnier qui conduit rapidement à l'affaiblissement de l'entreprise (mais à un enrichissement massif de ses dirigeants). L'état déplorable de l'entreprise occidentale résulte d'un tel type de raisonnement.