mercredi 5 août 2009

Entrepreneur n’est pas américain (2)

Mais pourquoi donc y a-t-il aussi peu de petites entreprises aux USA ? J’ai continué à réfléchir à la question. Du coup, je suis allé poster un commentaire sur le blog de Paul Krugman :

  • En lisant les commentaires qu’avait suscités son billet, j’ai découvert que le problème de l’assurance santé est infiniment plus redoutable que ce que je pensais. Il y a des témoignages impressionnants de difficultés à s’assurer ou de problèmes parfois insolubles que posent l’adoption du statut d’indépendant ou l’entrée dans une petite entreprise.
  • Mon explication est culturelle. Voici ce que dit mon commentaire, que je n’ai pas eu le courage de traduire (précision : quand je parle d’Europe du Sud, je ne pense pas à la France) :
There may also be cultural explanations: In Southern Europe small companies aim at their local market, they are run like families with a founding CEO who occupies a lot of functions (salesman, R and D, marketing, production manager, CFO…), they have very few (large) customers with whom they have a very old relationship based on mutual trust, there are no call for offers (customer and supplier tend to work like a champion and a coach). It is quite common that an experienced worker resigns from a plant, and founds a small workshop that does what he used to do in the plant. The plant gains a very flexible and highly motivated high quality subcontractor, whose costs may be less than what they used to be when he was an employee. In the USA companies tend to be much more ambitious, internationally minded, rationally organised with a lot of highly specialised management experts and low synergies between functions, customer / supplier relationship is competitive and contract based rather than cooperative and trust based, call for offers are very costly. This tends to entail higher costs, much more complex organisations, and probably large scale effects. France car industry has attempted to switch from the Southern European model to the American one. First car manufacturers squeezed their defenceless small subcontractors. They probably made large gains. Now these suppliers are dying. Tomorrow there may remain an oligopoly of multinationals (some of them being car manufacturers cf. Magna).

4 commentaires:

David a dit…

Les chiffres du rapport sont vraiment etonnants. C'est une discussion tres complexe ainsi que les effets sur le systeme de sante. Y-a-t'il un lien avec le systeme de taxation egalement? Une taxe lourde sur les salaries les pousse a se mettre a leur compte?

Christophe Faurie a dit…

C'est vrai qu'il y a quelque chose de surprenant. Le plus intéressant, j'ai trouvé, ce sont les commentaires qu'ont suscité l'article: ça semble vraiment compliqué de se mettre à son compte aux USA, du fait de l'assurance santé qui a l'air d'être chère et surtout de refuser beaucoup de monde, pour des raisons que je n'aurais pas pu imaginer.
Quant au système de taxe, je ne sais pas, d'autant plus que la France n'est pas forcément un bon exemple.
Plus ça va et plus je crois à mon explication culturelle : j'ai vu beaucoup d'entreprises, en France, en Espagne, en Italie, être créées par des employés de leur futur client. Et mener une petite vie tranquille et sans grande ambition pendant de nombreuses années. Je soupçonne que faire cela serait beaucoup plus difficile aux USA.
Je note aussi que Galbraith avait déjà dit que le petit entrepreneur américain était une fiction, que l'économie des USA était dominée par la grande entreprise bureaucratique. Finalement ce résultat était connu depuis longtemps...

Minter a dit…

Tes explications, Christophe, sont intéressantes. Je pense qu'il doit être, en effet, bien plus difficile, voire périlleux, d'essayer de vivre une "petite vie tranquille" aux EU, car on n'est jamais à l'abri du besoin de soins, aide exceptionnel, etc. Le fait que c'est plus facile de "faire du fric" dans une entreprise, en revanche, peut tirer vers le haut et permettre de s'y faire dans une carrière corporative.

Je n'ai pas trouvé les stats comparatives qui le prouvent, mais je pense qu'il juste de dire que les revenus moyens en France sont largement en dessous des EU... En tout cas, si on prend le chiffre GDP/pop, on voit un écart de 20%.

Après, la vraie question devient comment évaluer la qualité de vie (net des frais médicaux, éducation, etc)... Ces problèmes peuvent faire peur à un américain qui veut se lancer...

De quoi continuer à creuser la question!

Christophe Faurie a dit…

Sur le PIB: j'ai trouvé des chiffres sur Wikipedia.
Effectivement, le PIB français/habitant est au dessous de celui des USA, bien qu'il faille tenir compte du taux de change (par exemple la richesse de la Grande Bretagne est passée au dessous de celle des grands pays européens alors qu'avant la crise elle était supérieure).
Il faut aussi prendre en compte les revenus des plus pauvres, sachant qu'il y a eu un très gros décrochage ces dernières décennies aux USA (beaucoup plus faible en France). Les riches se sont considérablement enrichis. Les pauvres sont restés stationnaires.
En fait, je ne pense pas que la France soit un très bon exemple de comparaison. Elle ne fait jamais rien de très bien.
En tout cas la question est intéressante et paradoxale : qu'est ce qui pousse à devenir entrepreneur? Est-ce la possibilité de s'enrichir massivement ou est-ce la facilité à monter une activité indépendante sans prendre de risques démesurés?
Les deux modèles doivent avoir leur rationalité. Le second est le modèle européen, celui de l'artisan qui se met à son compte et qui vivote gentiment. Le premier est celui de l'Américain, qui veut conquérir le monde. Le second doit favoriser l'éclosion d'une nuée de petites entreprises, le premier d'un petit nombre de succès gigantesques et d'hommes brisés. Je crois que ça doit aussi dimensionner la taille des escroqueries, qui sont des "innovations" par rapport au modèle dominant: petit détournement de bien social en France, Madoff aux USA.