mardi 21 avril 2009

L’école du crime

Voilà ce que donne à voir un universitaire canadien de l’école américaine :

Des gamins de sept ou huit ans menottés et plaqués face au sol pendant une heure par des policiers ; des écoles qui font l’objet de descentes de police de routine, mais avec un déploiement de forces digne d’une arrestation d’un réseau mafieux ; des écoles qui ont leur propre poste de police et qui ressemblent à des centres de détention… 8.000 arrestations d’élèves pour la seule ville de Chicago, en 2003, des expulsions qui y sont passées, de 95 à 2003-4, de 32 à 3000.

Qu’est-ce qui peut advenir d’une jeunesse qui reçoit une telle éducation ? N’est-elle pas formée pour le crime ? D’ailleurs, comment, même, un bon élève peut-il apprendre quoi que ce soit dans ces conditions ?

Il est étrange qu’en si peu de temps il y ait une un tel basculement dans les mentalités. Il y a quelques décennies, la jeunesse c’était l’espoir, mais aussi la non responsabilité. Aujourd’hui, c’est le mal, le risque. De la formation de citoyens, la mission de l’école est devenue punition de criminels.

Qu’est-ce qui fait qu’une société se retourne violemment contre sa jeunesse ?

De l’inefficacité de la répression

2 commentaires:

David a dit…

Ne voudrais-tu pas ecrire sur la source de la delinquance? Comment mieux parvenir a la solution et aux changements necessaires qu'en identifiant les raisons de la montee des crimes. "Freakonomics" de Dubner & Levitt ont un chapitre sur certains symptones, trop Malthusien peut-etre. Mais tout d'abord, y-a-t'il augmentation des crimes? Doit on utiliser les chiffres de la derniere periode de prosperite, ceux de 1930 ou de la fin du XIVeme siecle?

Christophe Faurie a dit…

Immense sujet qui me dépasse!
En fait, je suis assez convaincu de l'analyse sociologique de Durkheim et de Merton (voir le billet "braquage à l'anglaise").
Durkheim dit quelque chose de brillant : le crime est le pendant de l'innovation. Autrement dit une société qui innove le fait des deux côtés: du bon et du mauvais. Le crime est donc impossible à éliminer. Mais il peut-être pathologique, au sens où il peut atteindre un niveau anormal.
Merton propose une modélisation inattendue, et remarquablement élégante. Comme Durkheim, il pense que le crime a pour cause la société. Ce qui ne signifie pas qu'elle est criminelle, mais qu'elle nous donne des objectifs trop ambitieux, et des moyens inadaptés pour les atteindre.
Par exemple, notre culture nous pousse à beaucoup consommer (publicité, films...) alors qu'il est objectivement extrêmement difficile de disposer des moyens nécessaires (faire des études et entrer dans une grande entreprise, ou monter une affaire qui rapporte beaucoup). On est donc naturellement poussé à tricher.
En France, par exemple, le mode d'ascension sociale est l'école, or son niveau semble s'être effondré dans les banlieues, du coup, il reste très peu de moyens "légaux" d'une réussite sociale telle que la prescrit le modèle français.
En France comme aux USA nous semblons tentés par la répression. Or, il est évident que lorsque l'on transforme une école en prison, on forme des enfants à être des criminels. Et, paradoxalement, ce sont les plus brillants qui seront les plus tentés de l'être: leur potentiel trouvera une rapide récompense dans le crime, alors qu'il n'a aucune chance de percer à l'école (imaginons trente secondes un surdoué dans une classe anarchique: il s'ennuiera très vite et cherchera ailleurs son bonheur).
Un autre billet (de l'utilité sociale de la famille) apporte un autre éclairage: si l'enfant n'a pas un environnement social "correct" dans son enfance, il est incapable de vivre correctement en société ensuite, quel que soit son QI. Or, plus les couches défavorisées de la population souffrent, plus leur tissu social se disloque et plus il produit des asociaux.
Quant aux causes de nos comportements actuels et de la montée de la criminalité, Galbraith a peut-être une piste. Il laisse voir que le monde semble osciller entre deux modèles,
- la rareté ou Darwinisme social, l'individu roi : il est stimulant pour l'économie que les "bons" soient récompensés et que les "mauvais" disparaissent (théorie qui est à la base de l'économie et qui est redevenue dominante ces dernières décennies);
- modèle de la planification, de la "technostructure" et de la solidarité, qui veut que la complexité technologique demande un travail de groupe de spécialistes en quelque sorte anonymes. C'est le modèle qui a prévalu pendant les trente glorieuses.
Je soupçonne que chaque modèle est auto-réalisateur. Le premier aurait conduit à une société d'exclusion, où la pauvreté est synonyme de crime comme dans l'Angleterre du 18ème siècle.