jeudi 10 juillet 2008

GM et Lean manufacturing

L’industrie automobile américaine est l’ombre d’elle-même. Chrysler pourrait disparaître, General Motors et Ford ne valent pas plus de 2 ou 3% de Microsoft. General Motors a été la plus puissante entreprise mondiale. Aldous Huxley fait dire aux personnages du « Meilleur des mondes » « mon Ford », à la place de « mon Dieu ». Comment en est-on arrivé là ? Pas de chance : leurs bénéfices venaient de gros 4x4, et voilà que le prix du pétrole explose ? Une autre théorie :

  • Dans les années 80, l’industrie occidentale tremble sous les coups de boutoir nippons. L’Amérique enquête sur ce qui fait leur force. Conclusion : son industrie a pour fondement la production de masse. Les Japonais ont inventé le Lean manufacturing. Qu’est-ce qui fait l’avantage de l’un sur l’autre ? La production de masse (ou fordisme, ou encore taylorisme) utilise l’homme en exécutant, il suit un programme (procédure). Le Lean manufacturing joue à plein sur les capacités humaines. Résultat : une production infiniment plus flexible, qualité sans comparaison, et des coûts massivement réduits.
  • L’industrie occidentale adopte une partie de ces techniques, notamment le « mode projet » et le « target costing ». Sur ce, le Japon se replie sur lui-même, comme il l’a souvent fait dans son histoire. Fin de l’alerte.
  • Progressivement les réflexes tayloriens reviennent à la surface. L’industrie automobile, par exemple, se débarrasse de la conception de l’équipement automobile (sièges, planches de bord…). Elle regroupe ses services en grandes sociétés (Delphi pour GM) qu’elle filialise. Brillante manœuvre : le métier du fabricant se simplifie et il peut faire jouer la concurrence entre sous-traitants. Donc obtenir les prix les plus bas. Malheureusement, la conception d’une voiture est un travail d’équipe qui demande un nombre d’essais et d’erreurs affolant. La moindre évolution a des impacts en cascade sur des dizaines de sous-traitants. Ils doivent réagir vite et intelligemment. Mais comment les stimuler si vous n’avez plus les compétences qui permettent de les comprendre. Et qu’est-ce qui peut les inciter à faire profiter vos intérêts de leurs talents, si « essorés » par vos acheteurs ils ne rêvent que de se « refaire » ?

Enseignement ? Le Lean manufacturing n’était pas une arme contre le Japon, mais une organisation adaptée au changement. Une entreprise hiérarchique (aussi appelée taylorienne ou bureaucratique) ne peut lui résister. Or, celui-ci est inhérent à la marche du monde, à la « destruction créatrice ».

Références :

  • Rapport sur le Lean manufacturing : WOMACK James P., JONES Daniel T., ROOS Daniel, The Machine That Changed the World: Based on the Massachusetts Institute of Technology 5-Million-Dollar 5-Year Study on the Future of the Automobile, Scribner Book Company, 1995.
  • Sur l’adoption du mode projet par Renault : MIDLER, Christophe, L'Auto qui n'existait pas : Management des projets et transformation de l'entreprise, Dunod, 2004.
  • Sur la destruction créatrice : Amazon et Destruction Créatrice

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